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CONSIDÉRATIONS
PRATIQUES
. NÉVRALGIES
f
DE LA FACE,
PAR HALLIDAY,
DOCTEUR EN MÉDECINE
DES FACULTÉS d'eDIMBOURG ET DS PAT.
^wcy^.
IMPRIMERIE ET FONDERIE DE A. PINARD;
QUAI VOLTAIRE, K° \^.
183^
m
I
AVANT-PROPOS.
Une maladie fort ^rave , et pourtant compa-
tible avec toutes les apparences de la santé la
plus florissante, qui n'a peut-être pas une seule
fois causé directement la mort, mais qui l'a bien
souvent fait désirer par les douleurs atroces
qui l'accompagnent et le découragement moral
qui la suit, la névralgie de la face n'a été depuis
long-temps en France l'objet d'aucun travail
particulier. On s'est occupé, il est vrai, de re-
cherches sur les névralgies en général , sur le
siège, la nature de ces affections, sur les moyens
de vaincre leur opiniâtreté; mais, outre que le
succès n'a pas toujours répondu aux efforts
qu'on a faits pour l'atteindre, une connaissance
même approfondie de cette classe de maladies
ne saurait dispenser de faire une élude particu-
lière d'un genre qui se distingue, sous bien des
rapports, par les caractères différentiels les plus
tranchés. L'une de ces circonstances, dans les-
quelles le médecin , au bout des ressources
usuelles de sou art, est obligé trépuiser, conli e
une maladie réfractaire, la série des expériences
faites par ses prédécesseurs, nous ayant obligé
à prendre connaissance de tout ce qui avait^té
écrit sur la névralgie de la face, nous avons été
frappé de la lacune que nous venons de si-
gnaler dans la littérature médicale française, et
nous avons cru qu'il pouvait être aussi utile au
public qu'il l'était à nous-même, de recueillir les
documens relatifs à cette matière, qu'on trouve
dispersés dans une foule d'opuscules et de jour-
naux étrangers , et d'en présenter les résultats
dans un mémoire de peu d'étendue.
Ce n'est point un livre que nous avons voulu
faire. Nous n'avons ni traité toutes les questions
qui se rattachaient au sujet, ni épuisé toutes
celles que nous avons abordées. Les dévelop-
pemens que nous avons donnés àquelques unes,
sont moins proportionnés à l'étendue qu'ils de-
vraient avoir dans un ouvrage régulier , qu'au
degré d'attention ou d'oubli dont elles avaient
été jusqu'ici l'objet, et au plus ou moins d'in-
térêt des faits divers entre lesquels nous avions
à choisir. Enfin, nous avons passé plus d'une
fois légèrement sur des points qu'il pourrait
être utile d'approfondir.
Plus libre de disposer d'un temps que nous
(3)
devions à d'aulres occupations, nous aurions
mieux fait, sans doute, et cet opuscule aurait
piî y gagner quelque agrément; mais ce n'est
point à cela qu'il ose prétendre : nous voudrions
seulement qu'il pût être de quelque utilité.
Un mot sur le titre que nous lui avons donné :
La maladie dont nous entreprenons de trai-
ter, a été désignée par des dénominations fort
diverses; il suffira d'indiquer les suivantes :
Arétée en parle sous le titre de sTepoxpavia ; elle
a été désignée en latin par les noms de trismus
dolorijïcus , trismus arthrilicus , affectiis spas-
modico-conviilsivus lahiorum; André lui donna
celui de tic douloureux ;V\\\o\^ celui de inaladie
de la face; Reil et Ploucquet, celui àe prosopal-
gia nervosa, d'après Fothergili, qui l'avait nom-
mée painf'ul affection of theface. Les Anglais
ont conservé cette manière de la désigner ; les
Italiens Xdc^^^ewX, prosopalgia^ les Allemands
Gesichtsschmerz, ce qui est précisément la même
chose. Chaussier , ayant désigné les affections
douloureuses des cordons nerveux par le nom
de névralgies, n'eut qu'à ajouter une dénomi-
nation spécifique pour désigner le tic doulou-
reux qui appartient évidemment à cette classe
de maladies; il l'appela névralgie faciale. Nous
aurions conservé ce nom, s'il n'avait l'inconvé-
(4)
nient de s'appliquer d'une manière particulière,
et en quelque sorte exclusive, à la névralgie du
nerf/acial, qui est bien loin d'être la plus com-
mune. Nous présumons, qu'après la lecture de
ce mémoire, on pensera que le seul nom qui
puisse être conservé est celui auquel nous
avons donné la préférence.
#
CONSIDERATIONS
PRATIQUES
« LES NEVRALGIES
DE LA FACE.
CONSIDERATIONS GENERALES.
Aperçu historique.
Il est une classe de maladies qu'on pourrait dire,
en quelque sorte , nées pour le tourment des mé-
decins aussi bien que pour celui des malades. Sou-
mises à une espèce de caprice, on les voit céder
dans un cas à l'emploi d'un traitement qui a échoué
dans vingt autres, ou résister sans faiblir aux re-
mèdes les mieux éprouvés; et l'on pourrait dire
d'elles, sous ce rapport, que leur caractère cons-
tant est de n'en point avoir de tel. Ces maladies
sont les névralgies. Long-temps confondues avec
des affections de nature très diverse, elles n'ont
été, que dans les temps modernes, distinguées en
( 6 )
une classe à part. Si le cadre nosographique pré-
sente peu de maladies qui offrent aux yeux de l'ob-
servateur des traits plus propres a les faire recon-
naître, il n'en renferme pas une seule peut-être
dont la nature soit enveloppée de plus d'obscurité.
On s'en aperçoit aux systèmes dont elles ont été
l'objet; et, de toutes, celle qui en a fait naître le
plus, c'est peut-être la névralgie faciale, c'est-à-
dire celle précisément dont il y a le moins de temps
qu'on s'occupe. On pourrait dire en effet que l'é-
tude du lie douloureux date à peine des derniers
siècles qui ont précédé le nôtre : tout ce qu'on
trouve dans les ouvrages antérieurs à ceux d'An-
dré, Sauvages et Fothergill, n'aboutit presque qu'à
démontrer qu'on ne fut pas plus exempt autrefois
qu'aujourd'hui des atteintes de celle affection re-
doutable.
Quoi qu'il en soit , il ne nous paraît pas hors de
propos d'en recueillir les traces dans les premiers
monumens de l'art , et de suivre , à travers les épo-
ques de notre histoire, la série des observations et
des idées qui ont eu cours sur cette matière.
Nous remonterons jusqu'à la source primitive de
la science des anciens temps , moins dans l'espoir
d'y puiser des notions d'une grande importance,
que pour suivre une sorte d'habitude reçue, et en
cédant à une curiosité bien naturelle et qui n'est
pas toujours vaine.
L'observation suivante d'Hippocrate ne se rap-
porte-t-elle point au tic douloureux de la face? On
a €ru reconnaître souvent, dans les écrits du père
de la médecine, des maladies dont la description
s'éloignait bien plus encore de la nature que ne fait
celle que l'on va lire.
« Phenicis affectïo ea quidem erat, dextro oculo
fuigetrse sibi prsemicare videbantur, parvoque pos-
tea temporis intervallo dolor ad tempus dextrum
instabat, deinde per capul ac collum. Caput inten-
debatur rétro ad verticula, et distentio et durilies
circum tendines , et ubi caput commovere , aut
dentés diducere conabatur, non poterat, ut qui
valde distendebatur. Vomitiis, ubi facti fuis-
sent, prsedictos dolores avertebant et leniores fa-
ciebant. Sed et venae sectio proderat et veratri
potio, eduxit autem varia, et omnigena, maxime
vero prasina. Epidem. Lib. V. ad fin. Obs. repet.,
in lib. VII. «
L'élégant auteur qui représente pour nous, tout
entière, la médecine des Romains, paraît n'avoir
pas ignoré l'existence de la maladie qui nous oc-
cupe. A la vérité, on a eu tort de citer, comme s'y
rapportant, le chapitre (lib. iV, cap. n, art. 2)
où il traite de celle désignée par les Grecs sous le
nom de Spasine cynique, affection aiguë et fébrile,
qui n'a nul rapport avec la névralgie faciale ; mais
Geise semble avoir en vue quelque chose d'analogue
au tic douloureux, lorsqu'il dit, en parlant des di-
verses espèces de céphalalgie : « Prseter hsec, do-
lor- intolerabilis, maxime circa tempora, veloccipi-
tium bique omnes dolores modo in febre, modo
(8)
sine hac sunt : modo in toto capite, modo in parte;
INTERDUM SIC , UT ORIS QUOQUE PROXIMAM PARTEM EX-
GRUGIENT. Lib. IV, cap. II. »
Aretée est bien plus explicite et plus précis; il
manque peu de chose à sa description pour donner
de la maladie une idée juste et complète , bien
que cette description se trouve mêlée a celle de la
migraine ordinaire. « Formae cephalese, dit l'au-
teur, infinitae sunt. Quibusdam enim perpetuus
dolor;... non nuUis per circuitus revertitur, ut iis
qui quotidiana intermittente febricitant dolor
modo est in toto capite, modo in dextra magis,
modo in sinistra, modo circa frontem, aut sinci-
put : haecque eodem die incerto et erratice fieri so-
ient. Quidam dextra tantum parle dolent, quidam
Iseva ; qua tempus, vel auris, vel supercilium upum ,
vel oculus ad médium usque terminalur, vel qua
nasus in aequas partes dividit : ultra quem termi-
num dolor non progreditur, dimidium tantum ca-
pitis occupans Haud levé malum : quaravis
intermittit, quamvis exiguum esse prima specie
videtur : nam si acute interdurn impetum faciat,
fœda atque atrocia detrimenta atfert : nervi dis-
tenduntur, faciès obtorquetur; oculi vel contenti
instar cornu rigidi sunt : vel hue, atque illuc in-
terius convelluntur, ac vertiginose agitantur : in
ipsisque dolor profundus usque ad intimas tunicas
descendit neque uUa causa praecessit, perinde
ac si quis ligno plagam inflixerit (De Caus. et
sign. diuturn. Lib. I, cap. ii.) »
(9 )
Cœlius Aurelianus, traitant de la céphalée, dit
quelque chose d'assez analogue à ce qui précède ;
il parle même d'une forme de Themicranie, ayant
son siège dans les muscles delà tempe, et désignée
par les Grecs sous le nom de KpoTacpov ; mais on
lit surtout dans son précieux ouvrage une des-
cription du rapt as caninus , qui doit trouver place
ici. « In ista passione constitutos, dit Cœlius, se-
quitur conclusio, sive contractio repentino motu
veniens ac recedens sine ulla corporis turbatione,
in utriusque labii ultimo fine, sive oris angulo, ut
etiam buccas adducat in posteriorem partem cre-
berrime, tanquam ridentibus, nunc palpebras, vel
supercilia ac nares, ut eliam colla atque humeros
rapiat, etila patientes faciat commoveri, tanquam
onus humeris bajulantes transferendi ponderis
causa. » S'il y avait de la douleur dans le raptiis
caninus, ce qu'on pourrait induire peut-être du
rapprochement de quelques endroits du livre de
Cœlius Aurelianus, dans lesquels il semble qu'il soit
fait allusion à celui-ci, ce raptas ne serait pas diffé-
rent de la prospalgie; au cas contraire, la descrip-
tion qu'on vient de lire se rapporte admirablement
au tic non douloureux , et nous avons dû la rappeler,
car ces deux maladies ne sont pas sans analogie.
Nous ne connaissons de Galien aucun passage
duquel nous puissions dire positivement qu'il s'ap-
plique à notre objet. A la vérité, pour affirmer
des œuvres d'un écrivain aussi enclin aux digres-
sions que Galien , et h qui il arrive si l'réquem-
( 1^ )
ment de parler d'un sujet à l'occasion d'un autre,
qu'on n'y trouve rien sur un point déterminé, il
faudrait le lire d'un bout à l'autre tout exprès pour
s'en assurer, et nous avouerons franchement que
nous serions peu disposé à nous imposer en ce
moment une pareille tâche. Quoi qu'il en soil, voici
parmi les souvenirs qui nous restent de la lecture
de cet auteur, ce qui nous semble aller le mieux à
notre but. « In iis quos convulsio correptura est,
dit-il en un endroit, hic muscuius (le peaucier) pri-
mus omnium tenditur. Itemque ea affectio quam
caninam convulsionem Dominant, musculum hune
potissimum occupât. (De Dissect. musc., cap. i.)^)
Dans un autre endroit, déjà remarqué et cilé par
Rhazès; il dit : « Spasmus aut accidit in toto cor-
pore, sic epilempsia : aut accidit medietati corporis
ad modum spasmi accidentis antrorsum aut re-
trorsum : aut accidit in membro : sicut tortura
NERVI VENIENTIS LABOS ET MANDIBULIS ET NASO *, prO-
grediuntur a pari tertio nervorum cerebri : alias
progrediuntur a parte interiori cerebri. » Cette
dernière réflexion est remarquable; peut-être au-
toriserait-elle à supposer à Galien des connaissances
plus étendues sur ce sujet, que celles dont on trouve
clairement l'exposition dans ses écrits; mais ce
n'est pas d'élever une telle discussion qu'il peut
être question pour nous en ce moment.
Oribase, Alexandre, Aetius, Paul d'Égine, Ac-
tuarius, n'ont rien qui puisse nous arrêter.
Les Arabes ne paraissent pas non plus avoir
( 11 )
connu le lie douloureux. Le passage de Rhazès\
cilé par Dreyssig^^ ne saurait s'appliquer à celle
maladie , et celui d'Avicenne^, où Pujol, suivi de-
puis par Sprengel , avait cru en trouver la descrip-
tion , ne se rapporte évidemment qu'à la paralysie
de la face. Toutefois l'un et l'autre de ces auteurs
rappellent les idées de Galien sur les spasmes de la
face; mais la manière dont ils le font prouve elle-
même qu'ils n'entendaient pas les appliquer h une
affection spéciale dont les caractères eussent été
aussi propres que ceux de la névralgie de la face
à les frapper d'une manière particulière.
La même remarque s'applique parfaitement à
Balescon de Tarenle et à Bernard de Gordon, qu'on
a aussi cités, mais sans plus de raison, comme
ayant eu connaissance du tic douloureux. Leurs
successeurs, jusqu'au dix-septième siècle, n'y son-
gèrent pas davantage.
Tout ce qu'on peut induire de ce qui précède, c'est
qu'on avait eu probablement , dès lors , plus d'une
fois occasion d'observer la névralgie faciale , mais
que la science n'avait encore tiré nul profit d'obser-
vations recueillies sans exactitude et décrites sans
précision e L'absence de ces deux qualités, dans les
observations de médecine, devient de moins en moins
sensible, pour le tic douloureux comme pour toutes
' Contùi. jlih. 1, cap. 5, éd. venet., iSsg.
^ Trait, du Diagnostic Médical , tr. de l'allem.; Paris^
i8o4, p. 45i.
^ Ca/z., 3, fen 2, cap. i5.
( 12)
les maladies , à mesure que les progrès de la philo-
sophie expérimentale, au dix-septième siècle, ap-
prennent à donner beaucoup plus de place à l'ex-
position simple et nue des faits, et beaucoup moins
aux explications ou théories hypothétiques.
Strobelberger fut, dans ce siècle, un des premiers
qui paraissent avoir eu connaissance de la maladie
qui nous occupe; mais le seul titre de son livre
{De Podagra dentium) doit faire présumer que ce
n'est pas cet ouvrage qui nous a suggéré la réflexion
qui précède sur les progrès de la bonne méthode.
Outre les exemples plus ou moins curieux de cé-
phalalgie ou d'odontalgie, rassemblés dans l'hn-
portant recueil des mémoires de l'Académie des
curieux de la nature , qui ne paraissent pas entiè-
rement étrangers à notre objet, ce recueil ren-
ferme plusieurs faits qui s'y rapportent évidem-
ment, et que leurs auteurs ont reconnus pour
constituer une maladie particulière. La première a
pour sujet le fondateur même de cette académie,
Laurent Bausch % qui succomba épuisé par quatre
années de tourmens que lui avait fait endurer une
névralgie maxillaire. Un autre médecin , atteint
d'une névralgie frontale, ne put s'en débarrasser
par aucun traitement, et la porta jusqu'au tom-
beau. Daniel Ludwig, qui nous a conservé ce fait^,
dit avoir assez fréquemment vu des cas analogues.
' Miscell. acad. natur. curios. Dec. I, an II.
^ Miscell. acad. natur. curios. Dec. I , an III.
(13)
Degner, le même à qui l'on doit un ouvrage
estimé sur la dyssenterie qui régna à Nimègue
en 1736, a tracé, avec une exactitude qu'on n'a pas
toujours surpassée depuis, l'histoire d'une névral-
gie, dont nous reproduirons plus loin les détails ï.
Fr. Hoffmann 2, et quelques autres praticiens, en
firent aussi connaître quelques cas.
La science en était à ce point à l'époque où
André , chirurgien de Versailles , publia ses re-
cherches sur cette matière^. Des faits dispersés,
et décrits comme le sont, en général, des observa-
tions insolites dont on ignore la valeur et le ca-
ractère , voilà tout ce qu'on possédait ; et encore
les hommes que leur propre expérience aurait mis
en état d'en saisir l'analogie avec ce qu'ils avaient
eux-mêmes observé, en ignoraient-ils jusqu'à l'exis-
tence. C'estau chirurgien de Versailles quenous ve-
nons de nommer, et non à l'anglais Fothergill , qu'il
faut faire honneur, non pas d'avoir parlé le premier
du tic douloureux de la face, ils avaient été , comme
on l'a vu ci-dessus, prévenus en cela l'un et l'autre,
mais d'avoir connu le véritable caractère de la ma-
ladie. Toutefois, ce ne fut point l'inventeur qui
réussit le mieux à appeler sur ce sujet l'attention
des médecins ; cet avantage était réservé à des écri-
' Act. acad. nat. ciir., t. ï, p. 347-
^ Consult, med., de cap. Morb.
3 Obs. prat. sur les maladies de Turèthre et sur plusieurs
faits convulsifs, etc. Paris, "^J^^ y in-i2.
( 14 )
vains dont le nom eut plus de poids que le sien;
tels furent Sauvages^ et Fothergilh. Tliouret et
Andry-^ furent ceux qui publièrent les observations
les plus nombreuses et les plus importantes. Pujoî4
mit au jour la première monographie qui ait été
composée sur la matière ; et cet ouvrage , malgré sa
teinte on peu trop hypollîélique, est un de ceux
qui font honneur au médecin de Castres, dans les
œuvres complètes duquel on est surpris de ne
le pas retrouver. Selle ^, Bonnard^, Lentin7,
Thilenlus^, Waton^ , Leidenfrost »» , Siebold",
» Nosol. method., t. ï.
^ Of a painful affection of the face, in med. obs. and in-
quiries, n*' 49-
^ Thouret, Obs. sur les veitus de l'aimant. Hist. de la
Soc. Roy. de Med.; 1776, p. 281. — Du même : Mémoire
sur l'affection particulière de la lace , à laquelle on a donne
le nom de tic douloureux. Mem. de la Soc. Roj. de Me'd.,
1782-83, p. 2o4. — Andry et Thouret : Obs. et recherches
sur l'usage de l'aimant en mc'd., etc.; Me'm. de la Soc. Roy.
de Med., 1779, p. 53i.
^ Essai sur la maladie de la face, nommée le tic doulou-
reux, etc. Paris, 1787, in-12.
^ Neue Baitrsege zur Natur-und Arzneiwissenschaft, Ber-
lin, 1782-3, trad. en franc, par Coray, sous ce titre : Obs.
de Me'd. Paris, an IV, 1796, p. 22.
^ Journ. de Me'd.
7 Hufeland's Journal B. IX. st. i. s. 56.
^ Med. und chir. Bemerk. s. 283.
9 Journ. de me'd., 1793, t. 93.
'° In Forstmann Diss. infra indic.
" Doloris faciei morbi rarioris obs. illustr. adumbratio.
Diairibeï,Wirceburgi, 1 796, in-4"; d'^'ï^ibe II, 1797, in-4"-
( 1^ J
Reil ï , Oswald^ Volger^, Rahn4, etc. , firent con-
naître leurs observations particulières; Breiling^,
Haighton^, Klein 7, etc., les succès de leurs opéra-
îions chirurgicales; Menuret, Desondes, Longa-
van et Dupouy^, Sachse9, Posewitz, Sauter, Jo-
nas, etc., les réflexions que leur suggérait un sujet
si nouveau; Hamel ^^^ Fortsmann ", Simon ^2,
Sieboldi^, Weisse ^4, Lœnenï^, résumèrent, dans
des dissertations intéressantes, les résultats de tous
les travaux publiés avant eux.
Dans le courant de notre siècle, les faits ont été
accumulés en assez grand nombre dans les jour-
naux et les recueils académiques; une foule de
remèdes divers ont été essayés comparativement;
des mémoires étendus ont été publiés , entre les-
V Meniorabil. clinic, fasc, i, p. 7.
^ Arch. (îer. prakt. Heilkunde, etc. B. II, st. II, 11° 1.
3 Volger, in Blumenbach med. Biblioth. B. II, p. 5o6.
4 Muséum der Heilkunde. B. ï.,no 36. 4o.
^ In Hufeland's Journ. B. 26, st. 4-
^ Biblioth. med. infr, cit.
7 In Siebold's Chiron. B. II, s. i5y.
^ Journ. de me'd. 4*
9 In Hufeland's Biblioth. B. 4;.
'° De la nevralg. faciale. Thèses de Paris.
" Diss. inaug. med. de dolore faciei Fothergillii. Duis-
bourg, 1790, in-4*'.
'2 Diss. de prosopolgia , Halle, 1793.
'^ Diatrib. suprà citât.
'4 Weisse, de dolori faciei prosopolgia dicto. lena, 1796.
etinBrera syllog. opuscul. T. IV, p. i34.
'^ De dolore faciei convulsiv. Groning., 1797.
(16)
quels se distmguenl ceux de Meglin», Frank ^ et
Masius^. Nous nous efforcerons d'en consigner
dans celui-ci les résultats les plus importons ; ce
sera le moyen le plus sûr d'en faire connaître la
véritable histoire.
Description de la maladie.
Nous ne croirions point avoir assez fait en nous
bornant, à l'exemple de tous nos prédécesseurs,
à donner une description générale de la névralgie
faciale, et à fondre en un seul tableau les traits
assez divers des affections comprises sous ce nom.
Si de telles descriptions , quand elles expriment
tous les caractères cbmmuns et vraiment essentiels
d'objets bien déterminés et. parfaitement connus
dans leurs détails , ont l'avantage de présenter
sous un même coup d'œil tout ce qu'il importe de
voir dans chacun de ces objets; elles ont, dans le
cas contraire, l'inconvénient de ne représenter
que de fausses abstractions , des tableaux imagi-
naires, et de rendre toute déduction qui les pren-
drait pour base, incertaine ou erronnée; et, en tout
' Dans le journ. de Leroux , Corvisart et Boyer ; la bibîioth.
med., et dans : Recherches et obs. sur la neVralgie faciale.
Strasbourg, i8i6, in-S**.
=" Prax. med. praecept., t. IV.
^ In Hufeland's Journ.; Nouv. Bibîioth. german. 5 Hec-
ker's Annalen dcr oesammten Heilkund. T. VI.
( 17)
cas, quelque désir qu'on ait de donner ainsi en
raccourci l'histoire de ce qu'il y a d'important à
connaître dans toute une série de faits , la rigueur
des procédés logiques auxquels on proclame si
souvent la nécessité de se soumettre en médecine,
et dont on s'affranchit si volontiers , ne permet pas
de le tenter avant qu'on connaisse sur chaque
forme d'une maladie tout ce qui constitue son indi-
vidualité , toutes les circonstances qui s'y rappor-
tent. Or, bien loin qu'on en soit arrivé à ce point,
relativement aux diverses espèces de névralgie de
la face , on n'a pas même encore daigné envisager
à part celles de ces espèces qui se distinguent par
les caractères les plus importaus à connaître pour
le traitement; aussi a-t-on vu proscrire ou préco-
niser d'une manière absolue des méthodes théra-
peutiques, qui peuvent être aussi efficaces dans cer-
tains cas qu'elles sont inutiles dans d'autres. Ainsi,
pour ne citer qu'un exemple de cette espèce , c'est
pour n'avoir pas donné une attention convenable
aux névralgies de la cinquième ou de la septième
paire , selon qu'elles existent isolées , ou qu'elles se
compliquent mutuellement, pour n'avoir pas dis-
tingué même , comme on le devait , l'une de l'au-
tre , les névralgies , fort différentes sous plus
d'un rapport, des branches de la cinquième paire,
celles des principaux rameaux de chacune de ces
branches , leur isolement ou leurs complications ,
qu'on n'a point encore déterminé les cas où l'on
peut tenter avec espoir de succès l'opération chi-
( 18)
rurgicale , et ceux où il serait inutile et cruel de
pratiquer, comme on l'a fait plus d'une fois, de
longues et profondes incisions qui ne peuvent avoir
aucun résultat.
Ces considérations, auxquelles il nous serait
facile d'en ajouter bien d'autres qui ne paraîtraient
pas sans valeur, nous obligent à étudier une à une,
et dans tous les détails que présente l'observation
de la nature , chacune des névralgies qui peuvent
affecter quelque partie de la face.
Nous le ferons d'après des faits que nous choisi-
rons de préférence parmi ceux qui sont dispersés
et comme perdus dans les collections académiques
ou les recueils de journaux, surtout étrangers; ce
sera nous assurer l'avantage d'être encore de quel-
que utilité pour ceux de nos lecteurs à qui nous
n'aurons, d'ailleurs, rien à apprendre.
I. Nous commencerons par les névralgies delà
branche ophthalmique de la cinquième paire; et,
d'abord, nous placerons une observation dans la-
quelle l'étendue de la douleur, la profondeur à la-
quelle elle s'étendait , son début en divers points à
la fois, et cette circonstance, sur laquelle nous au-
rons plus d'une fois occasion de revenir, que la
section du nerf sous- orbit aire fut sans résultat,
donnent tout lieu de penser que cette branche
elle-même et la plupart de ses divisions étaient en-
vahies par la maladie; ce caractère de généralité
ressortira bien mieux encore, lorsque, à la suite de
( 19)
ce fait , viendront d'autres cas dans lesquels la né-
vralgie se montre plus ou moins évidemment limi-
tée à quelque rameau isolé du même tronc.
OBSERVATION PREMIERE.
Névralgie de îa branche ophthalmique de la cinquième paire.
M. de L., négociant de Rouen, était âgé, dit
Thouret, d'environ 65 ans, lorsque j'eus occasion
de le voir pendant mon séjour dans cette ville, en
1776; Son indisposition avait commencé a s'an-
noncer huit ou neuf ans auparavant, par de légers
élancement ou dards, qui prenaient avec autant
de vivacité qu'un éclair, et qui passaient de même.
Ils prenaient plus ordinairement les soirs, après
souper, dans l'hiver, quoique cependant ils se fis-
sent quelquefois sentir dans d'autres instans de
la journée. Toutes ces douleurs et leurs crises
avaient été peu considérables jusqu'en 1772, année
où elles commencèrent à devenir plus longues et
plus fréquentes -, au point qu en septembre, octo-
bre et novembre de la même année , elles étaient
presque continuelles , et ne laissaient prendre de
repos au malade ni le jour ni la nuit. Persuadé que
de mauvaises dents étaient le principe de ses maux,
il appela le dentiste qui lui arracha toutes les mau-
vaises et les racines qui étaient du côté affligé;
mais il n'en fut que plus tourmenté.
Cette terrible crise, qui avait duré près de trois
( 20)
mois , s'était enfin terminée vers la mi-novembre.
Mais depuis ce temps jusqu'en octobre 1776, les
douleurs avaient repris de temps à autre, et duré
quelquefois pendant des huit jours entiers. Il y a
eu des élés où le malade ne s'en ressentait que fai-
blement. Il vaquait encore à ses affaires , et pou-
vait vivre avec son mal, qui devint beaucoup plus
opiniâtre par la suite. Lorsque je le vis en 1776, il
y avait plus d'un an qu'il souffrait considérable-
ment. Depuis le mois d'octobre de l'année précé-
dente jusqu'au mois d'août, à peine avait-il eu, par
reprises, six semaines de bon temps. Jusque là
encore ses élancemens ne s'étaient fait sentir que
quelquefois et par crises , en laissant pendant la
journée de longs intervalles. Mais depuis le mois
d'août, les douleurs étaient devenues plus fréquen-
tes qu'en 177.2; leur nombre par jour ne pouvait
se calculer ; elles revenaient à chaque instant , et
ne laissaient prendre au malade aucun repos. Il y
avait eu cependant plusieurs jours où les douleurs
laissaient entre elles quelques intervalles d'une,
deux et même trois heures. Mais après les inter-
missions, elles revenaient avec plus de violence, et
semblaient, par leur vivacité et leur fréquente répé-
tition, se dédommager de leurs courtes absences.
Tel était alors le triste état du malade ; les dou-
leurs, qui n'avaient duré d'abord qu'une seconde,
allaient souvent jusqu'à trois et quatre minutes. Il
semblait que tous les nerfs de l'œil se déchiraient;
leurs contractions étaient si violentes, que les lar-
( 21 )
mes coulaient abondamment. Le mal se répandait
sur la joue, gagnait jusqu'à Textrémité du nez, ou
serpentait vers les gencives. Quelquefois il se fai-
sait sentir avec force au dessus du sourcil et s'éten-
dait jusqu'au sommet de la tête. Le siège de la
douleur n'était pas fixe; il se portait quelquefois
avec plus de force au sourcil; quelquefois l'œil
était plus souffrant ; et il paraissait cependant que
le foyer du mal était toujours placé sous l'œil, vers
le nez, et que le front ou les gencives n^en rece-
vaient des atteintes que par contre-coup. L'œil
était larmoyant depuis 1772.
On avait remarqué que la plus légère vivacité
occasionait le retour subit de ces douleurs, et
qu'elles revenaient plus volontiers, supposé qu'elles
fussent assoupies, lorsque le malade mangeait ou
faisait quelque mouvement. Il avait fait usage des
bains, des demi-bains, des lavemens et des purga-
tions légères. Différentes pommades, les vésicatoi-
res, le savon de Saturne, avaient été employés, et
l'eau de squine donnée pour boisson . On avait appli-
qué les sangsues, et fait faire usage de taffia; ces
remèdes n'avaient procuré aucun soulagement. Le
malade était réduit dans un état vraiment déplora-
ble, lorsque, bien convaincu de l'inutilité des se-
cours ordinaires, un célèbre médecin de Rouen
lui conseilla l'usage de l'aimant; ce conseil salu-
taire fut suivi d'un prompt succès. Ce fut à cette
époque que je le vis armé jour et nuit de son aimant
artificiel, charmant sa douleur dans le moment
f 22 )
même, et la faisant disparaître en peu de temps. A
l'instant où les élancemens se faisaient sentir, l'ap-
plication de l'instrument sur la partie douloureuse
calmait le mal comme par enchantement, et faisait
succéder aux déchiremens violens un engourdisse-
ment léger et très supportable. L'aimant artificiel
dont le malade se servait pouvait soutenir un poids
de six livres; il se proposait d'en substituer un qui
fût d'une force double.
Pendant l'année 1777, il eut des intervalles de
plusieurs mois pendant lesquels il sentit peu de
douleurs; des jours entiers se passaient sanS qu'il
en fût atteint. Les forces s'accrurent, l'embonpoint
revenait; le repos de la nuit, la promenade pendant
le jour, et la tranquillité d'esprit hâtaient son ré-
tablissement. Au mois de novembre, cet état de
calme se soutenait , malgré la rigueur . et l'incon-
stance du temps; le malade jouissait de la meilleure
santé, et sa famille s'empressait d'annoncer qu'il
devrait aux aimans la cessation de ses douleurs.
Ces espérances flatteuses ne furent point réali-
sées ; les crises reparurent comme à l'ordinaire, et
se succédèrent pendant les années 1778, 79, et 80,
sans rien offrir de remarquable dans le cours de la
maladie.
Depuis lors l'état du malade se maintint avec
des alternatives de mieux ou de pire, toujours sou-
lagé, mais jamais guéri par l'aimant. On pratiqua
deux fois, ou du moins on tenta de pratiquer la
section dunerf sous-orbitaire, car on conserva des
(23)
doales à cet égard, mais sans aucun résultat avan-
tageux; ce traitement, comme tous les aulres,
échoua complètement contre la ténacité du mal ^
Le nerf sous-orbitaire avait -il été réellement
coupé dans les deux tentatives qui furent faites
pour cela? Rien, dans cette observation, ne nous
autorise à nous prononcer sur celte question. La
nullité d'effet de cette opération ne saurait servir
de base à une réponse négative; car quel effet pou-
vait-on raisonnablement se promettre en séparant
d'un tronc nerveux , dont toutes les divisions pa-
raissaient également affectées, l'extrémité seule-
ment de l'un de ses rameaux? A mesure que l'on
ayancei^a dans la lecture de ce mémoire, on verra
combien était illusoire et dangereux le précepte
donné ; de pratiquer une pareille opération dans
tout« affection vaguement désignée sous le nom
de névralgie faciale.
fias3ons aux névralgies qui se sont développées
dans quelque rameau isolé de l'ophthalmique , et
qui, pendant toute leur durée, sont restées assez
bien limitées dans le siège primitif qu'elles avaient
affecté.
Ne serait-ce pas à la branche lacrymale de l'oph-
thalmique et au rameau par lequel elle communique
avec le système nerveux de la face (le rameau ma-
laire), qu'on devrait rapporter le cas suivant, pu-
blié par Masius?
' Mem. de la Soc. Roy. de Mëd , ijSo.
( 24 )
OBSERVATIO>' DEUXIÈME.
Névralgie de la branche lacrymale de Toplithalmie.
Le juif Z..., de Schwérîn, qui de tout temps
avait été trèsadonnéau sexe, et qui avait eu diverses
affections vénériennes , éprouva , il y a deux ans ,
étant à dmer, une démangeaison au dessus de l'œil
droit, laquelle, dans l'espace de quelques minutes,
se changea en douleur véhémente. Mon père, qui
était son médecin , envisagea d'abord cette douleur
comme rhumatique ; mais bientôt il reconnut qu'il
avait affaire au tic douloureux deFothergill. Comme
il connaissait le genre de vie du malade, il eut re-
cours, sans tarder, aux mercuriaux ; mais au bout
de six mois, ces remèdes ne produisant aucun ef-
fet, et la douleur au contraire devenant de jour en
jour plus violente , il les mit de côté , et essaya suc-
cessivement la belladona/ la gratiole, les antimo-
niaux , les vésicatoires, le séton et tous les autres
remèdes connus, qui n'eurent pas plus de succès.
Les évacuans aggravaient visiblement le mal. Je
conseillai, il y a quelques mois, de reprendre l'u-
sage du mercure et de l'administrer jusqu'à ce qu'il
provoquât une salivation modérée : on commença
effectivement la cure; mais, par des raisons à moi
inconnues, on n'entretint la salivation que pendant
dix jours, quoique le malade crût déjà sentir du
soulagement. En octobre, il s'est manifesté un
écoulement puriforme du nez, qui dure encore,
( -25 )
est souvent très abondant, mais ne souiage point,
comme on s'y attendait.
La douleur commence dans i'orbite, et se pro-
longe par la tempe et la joue jusqu'au menton.
Pendant Faccès, l'œil, dont depuis peu le malade
ne voit plus du tout, est poussé hors de l'orbite,
presque jusqu'au bord de l'os de la pommette; un
ectropium complet en est la suites
Si le fait suivant était décrit avec plus d'exacti-
tude et de détails, il présenterait sans doute, avec
le précédent , plus d'analogie qu'on ne lui en trouve
au premier aspect.
OBSERVATION TROISIEME.
J'ai observé, dit Leidenfrost, plusieurs cas dans
lesquels l'œil était le siège de la maladie. Le pa-
roxisme s'annonçait et débutait par un écoulement
abondant de larmes brûlantes. De ce nombre était
un paysan de plus de cinquante ans, dont les nerfs
optiques furent tellement affectés par les retours
fréquens des accès, qu'il tomba dans une amaurose
complète. L'usage intérieur de la graine de mou-
tarde et de quelques huiles essentielles aromati-
ques, guérit complètement la névralgie, et procura
en grande partie le rétablissement de la vue 2.
Pour ne pas considérer comme dénuée de toute
valeur l'observation fort incomplète qu'on vient de
• Hufelaiid's Journal . T. XXV, p. 25.
* Epist. ad Forstmaiin in ist. Diss., p. 60.
( 26 )
lire , il est bon de remarquer que l'auteur à qui on
la doit, est un de ceux du dernier siècle, qui avaient
vu le plus fréquemment la névralgie de la face, et
qu'il a prouvé d'ailleurs que cette affection lui était
bien connue. Or, en admettant, ce que nous n'a-
vons nul motif de mettre en doute , qu'il s'agit bien
de névralgies, à défaut d'autres symptômes que
ceux qu'on vient de voir, l'écoulement abondant
de larmes brûlantes avant été indubitablement le
1/*
plus remarquable , puisque c'est presque le seul
qu'on ait cru devoir rapporter, ce n'est pas trop se
hasarder peut-être que de présumer, sur cette des-
cription , que la névralgie était de même espèce que
la précédente (obs. ii). On ne peut s'empêcher,
d'ailleurs, d'être frappé d'une autre analogie qui les
rapproche, c'est l'affaiblissement de la vue et l'a-
maurose qu'elles ont amenée en se prolongeant.
Hâtons-nous de faire remarquer toutefois que
nous n'avons nullement l'intention d'attacher à
deux observations, et à deux observations incom-
plètes et peu précises, plus d'importance qu'elles
n'en méritent. Nous sommes bien loin de vouloir
les donner comme l'image de ce qui doit arriver
toujours ou ordinairement dans les névralgies du
nerf lacrymal; mais nous avouerons cependant
qu'elles nous paraissent mériter quelque attention ,
et nous ne croyons pas exagérer leur valeur en di-
sant qu'elles sont faites tout au moins pour diriger
l'esprit des observateurs à la recherche de faits
analogues.
( 27 )
Les névralgies de la branche frontale de l'oph-
ihalmique sont beaucoup plus fréquentes et plus
distinctes que celles qui précèdent , et presque au-
tant que celles de la branche dont nous parlerons
après celle-ci (la maxillaire supérieure).
Les névralgies frontales ne sont point toujours
uniformes ni toujours fixées dans le même lieu.
Enfermées quelquefois dans la direction du nerf
frontal interne , dans les sinus frontaux , le grand
angle de l'œil et la paupière supérieure, elles se
répandent bien plus fréquemment au loin dans les
divisions du frontal externe et même dans ses nom-
breuses anastomoses. Larareté des premières nous
engage à en consigner ici l'exemple suivant, qu'on
peut dire en quelque sorte perdu dans une thèse
qui n'a d'ailleurs rien de bien remarquable, et où,
par conséquent, peu de médecins songeraient à
l'aller chercher.
OBSERVATION QUATRIEME.
Névralgie frontale interne.
Une femme de trente-trois ans, mère de quatre
enfans , d'un tempérament lyraphatico - sanguin ,
d'une taille très élancée, d'une structure presque
hémoptoïque, et d'une constitution frêle et délicate,
fait, au mois de juin 1804, sur les cinq heures du
soir, étant déjà atteinte d'un catarrhe pituitaire, une
demi-lieue à pied, exposée à un vent du sud-ouest
(28 )
très froid et très violent. De retour chez elle, cette
douleur sourde et obtuse , qui caractérise les ca-
tarrhes de cette espèce, devient fort aiguë, et l'o-
blige à se coucher sans pouvoir prendre aucun ali-
ment. Elle est très agitée toute la nuit; néanmoins
la fièvre, quoique forte, ayant cédé le matin d'assez
bonne heure , elle repose tranquillement deux ou
trois heures, après lesquelles elle se lève et vaque
comme à l'ordinaire aux travaux de son ménage ,
ayant cependant la tête très embarrassée. Tout à
coup, sur les neuf heures, la douleur se fixe au
sinus frontal gauche ; elle devient vive, déchirante ;
se porte profondément dans Forbite du même côté
et occupe tout le globe de l'œil , qui semble se gon-
fler et rougit beaucoup , et dans lequel la malade
éprouve tantôt un sentiment de pulsation et d'élan-
cement, tantôt un sentiment de torsion et d'arra-
chement. Des larmes acres et brûlantes inondent
la joue gauche; la narine correspondante, très
desséchée au plus fort de l'accès, fournit au com-
mencement et à la fin une excrétion abondante d'un
mucus épais et jaunâtre. Parfois la douleur se sus-
pend pendant quelques minutes pour reprendre
ensuite avec un nouveau degré d'intensité. [^Infu-
sion chaude dejleurs de tilleul, manulaves et pe-
diluves chauds^ topiques émolliens sur le sinus
frontal affecté, vapeurs émollientes dirigées vers
la tète, injection émolliente dans la narine du
côté malade?)
Malgré l'emploi répété de ces moyens, l'accès se
( 29 )
prolongea jusque vers quatre heures du soir, et ce
ne fut qu'à cette époque que la malade put se tenir
debout. Après un souper fort léger, elle se mit au
lit , et la nuit fut beaucoup meilleure qu'on n'au-
rait dû naturellement s'y attendre; mais à neuf
heures précises, comme le jour précédent, l'accès
se déclara par un mouvement d'oscillation et de
balancement dans la masse encéphalique; telle est
du moins l'idée que s'en formait la malade. Ce
mouvement, faible et peu considérable dans le
principe, s'accroît et devient si violent au plus fort
du paroxysme, qu'il semble à la malade que la
boîte du crâne doit en être écartée et désunie dans
les diverses pièces qui la composent ; une douleur
aiguë et poignante se fait sentir simultanément dans
l'angle nasal gauche , sans que pour cela l'œil cesse
d'éprouver les sensations horriblement doulou-
reuses qu'il ressentait danâ l'accès précédent.
La malade, extrêmement nerveuse, ne peut ré-
sister à la violence des maux qui la tourmentent ;
elle perd un instant connaissance, puis elle est prise
de convulsions qui, tantôt se succèdent avec une
rapidité effrayante, tantôt se prolongent de ma-
nière à faire craindre un tétanos universel.
Aux moyens employés la veille on ajoute les pré-
parations opiacées qu'on administre à très haute
dose , mais sans nul résultat. Une dissolution
aqueuse d'opium, injectée dans la narine et appli-
quée en topique sur le sinus, paraît apaiser les dou-
leurs, qui cessent enfin avec Taccès, à peu près à
( 30 )
la même heure que celui de la veille. Celui-ci laisse
la malade dans un tel état de faiblesse, qu'elle ne
peut se lever ni prendre aucune nourriture, et la
nuit qui suit se passe dans l'insomnie, triste avant-
coureur d'un accès qui fut plus violent que tous
ceux qui l'avaient précédé.
Au moment même où il survint, on appliqua
des sangsues à l'angle nasal gauche et sur l'orbite
du même côté. Bien loin de soulager la malade ,
elles parurent au contraire aggraver son mal , qui
ne céda, comme la veille, qu'à l'application exté-
rieure de l'opium.
L'accès suivant fut le plus cruel de tous ceux
que la malade eût encore éprouvés; il résista à l'ef-
fet de l'opium appliqué extérieurement, qui, dans
les deux derniers, l'avait visiblement soulagée , et
qui , depuis ce moment , lui fut plus préjudiciable
qu'utile; malgré cela, l'accès se termina a l'heure
ordinaire. Dans ceux qui l'avaient précédé comme
dans ceux qui le suivirent, il y eut toujours apy-
rexie parfaite , quoique avec accélération marquée
dans le système circulatoire pendant la durée des
paroxismes, et quoiqu'il y eût même quelquefois
privation momentanée des facultés intellectuelles.
Les cinquième et sixième accès présentèrent la
même violence et la même opiniâtreté.
La malade, ayant entendu qualifier de migraine
la maladie qui la tourmentait , voulut avoir recours
à l'emploi du café (elle n'avait point l'habitude d'en
prendre), dont on lui avait souvent vanté l'effîca-
( 31 )
cité contre cette affection ; en conséquence, on t"it
bouillir environ trois onces de café en poudre dans
douze onces d'eau , jusqu'à réduction d'un tiers ; la
liqueur fut coulée à travers un linge avec forte ex-
pression, édulcorée légèrement avec le sucre et
divisée en deux doses égales. La première fut ad-
ministrée une demi-heure avant le septième accès,
et la seconde au moment même où il avait habitude
de se faire sentir. L'accès fut retardé d'environ deux
heures, et fut encore assez violent pour obliger la
malade de se coucher, mais d'ailleurs infiniment
moindre qu'à l'ordinaire, et il ne dura qu'environ
une heure et demie , après quoi la malade se leva et
resta toute la soirée debout ; elle prit même des ali-
mens avec appétit et dormit profondément toute la
nuil. Le repos qu'elle prit restaura singulièrement
ses forces ; malgré cela , le lendemain on lui admi-
nistra le café, préparé comme la veille et à la même
dose. L^accès se ht sentir encore sur les onze heu-
res, mais si faiblement, que la malade put cons-
tamment se tenir levée et dîner à midi; la soirée et
la nuit qui suivit se passèrent comme si elle eût été
en parfaite santé. Le jour suivant, neuvième de la
maladie, quoiqu'elle parût aussi bien qu'on pou-
vait le désirer, on crut prudent de lui faire prendre
le spécifique, ce qui eut heu pour la dernière fois.
A onze heures, la malade éprouva encore un cer-
tain embarras sans douleur, dans le sinus frontal
gauche, qui se dissipa en moins d'une demi-heure.
Depuis ce moment sa guérison fut parfaite ; elle
(32)
recouvra même assez promptement ses forces.
La santé de la malade se maintint pendant qua-
tre ans sans aucune atteinte d'affection névralgi-
que : à cette époque, elle fut assaillie par des cha-
grins violens, et ayant, par malheur, le 7 mai 1 808,
été exposée en plein air à un vent très froid , elle
fut atteinte d'une névralgie maxillaire. Tous les
moyens imaginables furent employés inutilement
pour la soulager : l'usage seul du café, administré
comme dans sa névralgie frontale, put la délivrer
de cette dernière affection, aussi cruelle et aussi
opiniâtre que la premiers.
Le mois de novembre 1809 étant froid et bru-
meux, détermina une espèce d'épidémie odontal-
gique, dont la malade fut attaquée, et qui renou-
vela chez elle tous les accidens de sa névralgie
maxillaire. Le café, Fopium, le quinquina, et tous
les sédatifs connus , administrés de toutes les fa-
çons, et à des doses très rapprochées, ont com-
plètement échoué cette dernière fois et n'ont plus
été utiles depuis. Les délayans, tels que l'eau de
veau, l'eau de poulet, etc. , sans couper les accès,
ont été et sont encore aujourd'hui d'une très
grande utilité à la malade, dont les douleurs, quoi-
que presque continuelles, sont cependant infini-
ment moins aiguës. Car, depuis plus de trois ans
(1816), elles n'ont pas déterminé de mouvemens
convulsifs. L'on dirait que la maladie s'use, s'il
est permis de s'exprimer ainsi, ou que les sensa-
tions douloureuses perdent en partie leur activité,
( 33)
€l qu'elles sont émoussées par leur répélition, ou
par l'habitude^
Si Tacuité de la maladie , l'existence d'une in-
flammation catarrhale dans les sinus frontaux
avant les premiers accidens, le retour périodique
et régulier des accès , la promptitude avec laquelle
ils ont cédé à l'action du café , pouvaient faire naî-
tre quelque doute sur la nature de la maladie , il
suffirait, pour les dissiper, de remarquer qu'aucun
de ces caractères , bien qu'ils ne soient pas les plus
ordinaires dans les névralgies, n'exclut l'idée de
cette affection, et, par dessus tout, c|ue la malade,
deux fois reprise de symptômes , sur la nature des-
quels il n'y a pas d'incertitude , a fini par rester en
proie à ces cruelles douleurs dont la ténacité, à
défaut de tout aulre signe, suffit pour caractériser
l'espèce. Il se présente, d'ailleurs, une autre re-
marque , c'est qu'il n'y a pas de névralgie qui ne
puisse être, dans certains cas, régulièrement pé-
riodique , et qu'elles offrent alors au médecin beau-
coup plus de chances de succès : c'est à ce genre
que se rapportent la plupart de celles qu'on a gué-
ries par le quinquina. Le café n'a probablement
pas agi autrement que cet anti-périodique par ex-
cellence.
Le cas suivant, publié par Féthergill, est-il,
comme le précédent, une névralgie du rameau fron-
tal interne de Fopthalmique, ou du rameau externe
• G. C. Barbaria. Diss. sur la névralgie fociale. Paris,
1817, ^^'^ ^^-
( 34 )
du nasal? C^est ce qu'il ne serait pas possible de
déterminer maintenant , mais qui le sera peut-être
un jour, si Ton s'attache à décrire les nuances dif-
férentielles les plus délicates de ces affections.
OBSERVATION CINQUIEME.
Un des premiers cas d'affeclion douloureuse de
la face, dit Fothergill, dont j'aie été appelé à m'oc-
cuper, était chez une femme de soixante-cinq ans,
qui avait joui généralement d'une bonne santé, et
chez qui on n'apercevait ni cause particulière de
chagrin, ni aucun autre principe de maladie.
Elle était saisie tout a coup d'une douleur exces-
sivement aiguë auprès du grand angle de l'œil, qui
ne durait que peu de secondes, lui arrachait quel-
ques larmes et se dissipait graduellement. Quel-
ques minutes après, le même accident se répétait
et revenait de même pendant tout le jour à des dis-
tances inégales, de manière à rendre son existence
tout-à-fait misérable.
Le mal se manifestait comme un violent spasme;
on l'avait regardé comme étant de cette nature,
et conséquemment on s'était servi, pour le com-
battre, de tous les plus puissans antispasmodi-
ques, mais sans aucun succès. L'opium cependant,
donné à très fortes doses, avait procuré du soula-
gement, mais il occasionait une constipation, un
mal de tête, une altération si pénibles, que ces ef-
i'ets devenaient presque aussi insupportables que
(35)
îe mal. L'usage de la ciguë parut adoucir un peu
la douleur, mais la santé générale de la malade
s'affaiblit à cette époque, et elle continua à souffrir
jusqu'à sa mort.
Les névralgies du rameau frontal externe, ou
névralgies frontales proprement dites, sont bien
plus fréquentes que celles dont il vient d'être ques-
tion. Nous en avons sous les yeux de nombreuses
observations , entre lesquelles nous consignerons
ici de préférence celles qui sont le moins connues,
en revenant sur la description générale de la ma-
ladie; nous en indiquerons en outre, autant qu'il
sera nécessaire, pour qu'on puisse prendre une
idée parfaitement complète des diverses formes
de cette espèce de névralgie. Commençons par
l'une des plus anciennes qui aient été publiées
dans les temps modernes; nous en avons déjà dit
lin mot dans l'aperçu historique qui ouvre ce
mémoire.
OBSERVATION SIXIEME.
Névralgie frontale externe, ou frontale proprement dit.
J'ai eu assez fréquemment occasion, dit Dan
Ludwig, d'observer, au dessus de l'un des sour-
cils, à l'endroit où passe un rameau nerveux de la
troisième (cinquième paire), une douleur excessive-
ment intense, durant ordinairement de sept heures
( 36 )
du matin à midi, ou de neuf à deux, et résistant
au traitement le mieux entendu.
Un médecin avancé en âge, en proie aux tour-
mens de cette affection, subit non seulement deux
fois l'artériotomie de la temporale, mais se fit
même pratiquer, au dessus de l'endroit affecté,
une assez profonde incision, dans un sens conve-
nable : Secandum requisilam fîbrariim ductam :
ce fut sans succès; les douleurs revinrent et ne
cessèrent qu'avec la vie du malade » .
Nous sommes surpris qu'on n'ait pas remarqué
les deux observations suivantes consignées dans
l'un à^s ouvrages le plus justement classiques du
dernier siècle.
OBSERVAÏIO.N SEPTIEME.
Névralgie frontale.
Je fus consulté il y a peu de temps, dit Van Swie-
ten, par un personnage d'une grande considération,
qui souffrait tous les jours à la même heure, une vio-
lente migraine j qui durait conslamment pendant
huit heuies consécutives. On apphqua inutilement
à la tére des épilhèmes, des vésicatoires et divers
ëpispasliques aux pieds; il piit bien des purgatifs
et d'autres remèdes internes, qui furent adminis-
trés sans fruit; le mal ne discontinuait point; je
m'avisai d'avoir recours au quinquina, qui dissipa
bienîôt jusqu'à la moindre don leur de têle. Quand
» Eplicm. aoad. nat. curios. Dec. 1, ami. III. ol>s. 262-
(. 37 )
elle le saisissait, le malade désignait positivement
son siège, k l'endroit du front où le trou orbitaire
supérieur donne passage à un rameau des nerfs de
la cinquième paire. La douleur qui y prenait nais-
sance , s'étendait de proche en proche et insensi-
blement dans la moitié de la lête. On ne remarquait
pourtant, malgré sa vivacité, aucun dérangement
dans le pouls , et les autres fonctions s'accomplis-
saient dans l'état naturels
Le cas suivant, rapporté par le même auteur, a
beaucoup d'analogie avec celui qu'on vient de lire.
OBSERVATION HUITIEME.
Névralgie fi on laie.
Un homme d'une santé ferme, d'un tempéra-
ment robuste et d'un âge moyen, était attaqué tous
les jours à la même heure d'une douleur (orte, à
cet endroit au dessus de l'orbite gauche, d'où sort
un rameau de nerf par le trou orbitaire si^périeur.
Quelque temps après, l'œil paraissait rouge, en-
flammé, et laissait couler beaucoup de larmes;
insensiblement cette douleur augmentait au point
qu'il lui semblait qu'on arrachait l'œil de l'orbite,
et elle devenait si insupportable, qu'il en élait
comme furieux. Cet état persévérait pendant plu-
sieurs heures, après lesquelles tous ces accidens
cessaient, et l'œil revenait aussi net et clair qu'au-
paravant. Je fis saigner le malade, je lui ordonnai
■ Van Swieten. Comment, in aplior. Boerhaai^ii y § j5y.
( 38 )
des purgatifs légers et des remèdes antiphlogisti-
qiies ; je fis appliquer des ventouses à la nuque; on
réiîéra les vësicaloires, etc., tout cela fut sans suc-
cès. (Van Swieten, ayant reconnu dans les ramifi-
cations artérielles qui entourent l'orbite , des pul-
sations plus fortes et plus fréquentes qu'à l'artère
radiale, qualifia cette affection de fièvre intermit-
tente locale. ) Je m'empressai, dit-il, d'ordonner le
quinquina qui la guérit radicalement » .
L'auteur dit avoir rencontré dans la pratique
beaucoup d'autres cas analogues, et avoir obtenu
le même succès de l'emploi du quinquina.
La branche ophthalmique ne nous laisse plus à
considérer que les névralgies du rameau nasal et de
ses divisions. Peut-être est-ce à cette espèce, ainsi
que nous l'avons déjà fait remarquer, qu'il convien-
drait de rapporter l'observation cinquième, em-
pruntée à Fothergill ; on ne saurait trop dire en
quoi elle diffère de la suivante , relativement au siège.
OBSERVATION NEUVIEME.
Névralgie nasale externe.
Joseph Beck , vigneron , demeurant à Kaisers-
berg , petite ville à deux lieues de Colmar, âgé de
trente-quatre ans, d'un tempérament bilieux san-
guin, fut atteint, il y a quelques mois, d'une dou-
' Van Swieten. Comment, in aphorism. Boerhaavii.^ 767.
( 39 )
leur périodique à la face, qui se manifestait chaque
fois comme un éclair à la partie moyenne du sour-
cil du côté droit, descendait obliquement sur l'aile
et le milieu du nez où elle se fixait. Cette douleur
commençait tous les matins à sept heures, aug-
mentait en intensité jusque vers les dix heures, et
finissait vers une heure après midi. M. Noll fut ap-
pelé, pour la première fois, le 15 février 1816, à
donner des soins à cet homme ; il le trouva dans le
fort de l'accès : le malade éprouvait des douleurs
déchirantes et lancinantes, si atroces, qu'il ne fut
en état de répondre que très imparfaitement aux
questions du médecin. Ces douleurs étaient portées
à un tel excès, que Joseph Beck assura, dans un
de ses momens de calme, que, si on ne parvenait à
le soulager, il était décidé à se donner la mort. On
ne put découvrir a cette névralgie d'autre cause
qu'une colère extrêmement violente à laquelle cet
homme s'était livré peu avant l'invasion de sa ma-
ladie. Comme la périodicité des paroximes était
bien marquée, que, hors des accès, le malade se
portait très bien et n'éprouvait pas la moindre sen-
sibilité dans les parties si cruellement torturées
pendant sa durée, M. Noll crut devoir recourir de
suite au quinquina : ce médicament fut pris pen-
dant trois jours ; mais bien loin de procurer du sou-
lagement et de faire cesser les accès, il rendit les
douleurs continuelles et permanentes. On substi-
tua alors au quinquina les pilules de Meglin ; on
commença par en donner une le matin et une le
(40)
soir, puis on augmenta graduellement la dose jus-
qu'au nombre de cinq, deux fois par jour. Quand
le malade fut parvenu à cette quantité, à laquelle il
resta jusqu'à la fin de sa guérison, les douleurs di-
minuèrent j-apidement, et elles ne tardèrent pas à
disparaître totalement. Le malade persista pendant
dix-huit jours dans l'usage du remède : il n'y eut
pas de rechute ^ .
II. Entre les névralgies dont il a été question
jusqu'ici, quelques unes sont d'une grande rareté,
et les cas que nous en avons rapportés sont les
seuls qui fussent à notre connaissance ; les autres
sont beaucoup plus fréquentes; mais les exemples
que nous avons choisis dans la foule appartiennent
aux formes les moins communes de ces névralgies.
Nous avons pu nous dispenser de consigner ici de
celles qui le sont le plus : il est peu de médecins
qui n'en connaissent quelque exemple, et nous se-
rons entendu de tout le monde, quand nous aurons
à tracer quelque trait qui s'y rapporte, dans la des-
cription générale du tic douloureux.
Laissant donc à ce point les névralgies de la
branche ophthalmique et de tous les rameaux qui
en dépendent, nous allons passer à celles de la
maxillaire supérieure, dont les espèces ne sont ni
moins distinctes dans quelques cas, ni moins com-
pliquées dans beaucoup d'autres , et qu'il n'im-
' Meglin. Recb. sur la iievr. faciale. Strasbourg, 181G,
in -8"..
( -^l )
porte pas moins de distinguer dans tous , de celles
avec lesquelles elles sont susceptibles d'éîre con-
fondues.
Nous ne pourrions citer comme exemple de né-
vralgies du rameau orbitaire que des cas dénature
fort douteuse ; aussi allons-nous passer immédia-
tement à celles du rameau dentaire postérieur. On
verra, dès la première observation comme dans
celle qui doit la suivre, un exemple d'une grave
méprise dans laquelle on dut tomber autrefois bien
fréquemment , et qu'on n'évite peut-être pas tou-
jours aujourd'hui , quoiqu'on prenne soin de la si-
gnaler dans tous les travaux sur le tic douloureux,
et quoique le savant dentiste, M. Duval, ait consa-
cré à ce sujet un opuscule intéressant ^
OBSERVATION DIXIEME.
Névralgie dentaire poste'rieure.
En 1793, Tellier, employé aux fermes, se plai-
gnit de douleurs de dents du côté droit; la face
était légèrement enflée et les dents saines, mais
l'intérieur de la bouche du côté affecté bien plus
rouge que l'autre. Gel état tluxionnaire dura plu-
sieurs jours; les gargarismes adoucissans , les bois-
sons calmantes et la chaleur de la partie entretenue
par des compresses chaudes semblèrent arrêter les
' Obs. sur quelques affections douloureuses de la face^^
considc're'es dans leur rapport avec l'organe dentaire. Paris ^
i8i4. ln-8°.
( 42 )
progrès du mal ; mais les douleurs devenant plus
vives au bout de douze jours , le malade se per-
suada que son état dépendait d'une molaire de la
mâchoire supérieure , parce qu'il y éprouvait une
douleur plus sensible que sur les autres. Dans cette
idée , il vit un dentiste qui, après un mûr examen ,
ne reconnut aucune dent cariée; Favant-dernière
dent molaire lui paraissant seulement plus sensible
au toucher, il en conclut que la racine de cette
dent était altérée; il en proposa l'extraction, à la-
quelle le malade consentit d'autant plus volontiers
que ses souffrances étaient extrêmes et accompa-
gnées d'un ptyalisme fatigant. La dent extraite se
trouva saine; alors Beaupréau (le dentiste) esti-
mant que c'était le fond de l'alvéole qui était al-
téré, en proposa la cautérisation. Comme le ma-
lade se crut soulagé, il s'y refusa; la journée et la
nuit suivantes furent beaucoup plus calmes. Mais
le lendemain matin , environ dix -huit heures après
l'opération , les premières douleurs se firent sentir.
Le dentiste , de nouveau consulté , insista pour
cautériser l'alvéole , dans la vue , disait-il , de dé-
truire la sensibilité du nerf. L'espoir d'être soulagé
y fit consentir le malade; il en arriva bien autre-
ment ; dès cet instant, les douleurs allèrent en aug-
mentant ; les saignées répétées , les bains , les ca-
taplasmes et les lotions narcotiques procurèrent
assez de calme pendant huit jours, pour que Tel-
lier reprît ses occupations ; la joue était restée seu-
lement sensible au toucher et un peu plus rouge ,
( 43 )
le malade conservant toujours, du côté de la face,
un sentiment douloureux mais supportable. Trois
semaines s'écoulèrent dans cet état, et les douleurs
revinrent ensuite avec la même violence et les mê-
mes rémissions. Pendant la première année, les
accès parurent périodiques, en sorte qu'après trois
semaines environ de repos , il y avait dix à douze
jours de souffrances énormes ; mais pendant le
calme, il restait toujours dans la partie un senti-
ment douloureux qui était supportable; Tintérieur
de la bouche était plus coloré , et il y avait un cra-
chotement fatigant. La seconde année , les accès
furent plus fréquens et plus longs , et le ptyalisme
plus abondant. Tantôt le malade ne supportait que
les boissons chaudes , tantôt les froides lui étaient
plus agréables. Pendant les accès de la douleur, la
face entrait en convulsion , la joue droite étant al-
ternativement plus plate ou plus ridée que la gau-
che; après l'accès, il y restait de légers mouve-
mens de rétraction. Mais, ayant passé deux ans
dans cet état, sans éprouver aucun soulagement,
malgré tous les remèdes employés , les paroxismes
devinrent si fréquens, et ils offraient un aspect si
horrible , que le désespoir s'empara de Tellier, et
que ce malheureux mit fin à sa déplorable exis-
tence ^
' Duval, Opusc. cite. — Obs. communiquée par Allan,
OBSERVATION ONZIEME.
Névralgie dentaire poste'rieiiie.
Madame Marie- Madelaine Haraberger, épouse
du sieur Noil, officier de santé à Ammerschwyr,
à deux lieues de Golmar, âgée de trente-huit ans ,
d'un tempérament mélancolique, d'une constitu-
tion sèche, ayant le genre nerveux très sensible,
fut affectée d'un tic douloureux sous l'apparence
d'un mal de dent, vers le 15 novembre 1812. La
douleur venait par accès plus ou moins violens et
plus ou moins fréquens. Elle s'était principale-
ment fixée sur la dernière dent molaire de la mâ-
choire supérieure du côté gauche. La malade ayant
eu beaucoup à souffrir dans sa jeunesse de plu-
sieurs dents attaquées de carie, elle crut que, pour
cette fois elle avait affaire au même mal, et qu'elle
obtiendrait un soulagement prompt du remède
qu'elle était habituée à employer, savoir, de se
faire enlever la dent cariée : elle avait, de cette
manière, fait arracher huit de ses dents, à des épo-
ques différentes, et toujours avec un égal succès,
la douleur ayant disparu à chaque fois presque
aussitôt. En conséquence elle se décida sans peine
à faire extraire la dent soupçonnée ( la dernière
molaire); elle fut enlevée avec adresse, mais elle
ne parut nullement malade. Cette bonne dame fut,
pour cette fois, trompée dans son attente; les dou-
leurs continuèrent et devinrent insupportables.
Il se manifestait quelquefois dans la journée, j)ar
( 45 )
accès plus ou moins lougs , des spasmes si violens
dans l'alvéole de la deni enlevée, ainsi que dans
les muscles buccinateur et masséîer, qu'il sem-
blait à la malade qu'on lui arrachait ces parties
avec des tenailles; à cet état se joignait un resser-
rement douloureux et comme tétanique, de la mâ-
choire inférieure, au point que la malade ne pou-
vait introduire qu'avec peine une nourriture fluide
dans sa bouche. La malade a avoué, depuis sa
guérison, que, dans l'excès de ses souffrances, elle
avait pensé plus d'une fois à se donner la mort.
M. Noll employa tous les remèdes caïmans qu'il
put imaginer, mais sans aucun succès. Cet état
affreux de son épouse durait depuis trois semaines
lorsqu'il alla consulter le docteur Meglin, de Col-
niar. Celui-ci conseilla l'usage de ses pilules d'ex-
trait de jusquiame noire, d'extrait de valériane sau-
vage, et d'oxide de zinc sublimé. Elles furent
portées successivement à six le matin et à six le
soir, de trois grains chacune. Dans l'espace de
trois semaines, la guérison fut complète; depuis
ce temps il n'y eut pas la moindre récidive.
En fouillant dans les archives de la science, on
ti'ouve un grand nombre de faits analogues; la plu-
part des ouvrages sur l'odonlalgie en renferment
quelques uns , et il n'est pas rare d'en trouver dans
lesquels on a arraché toutes les dents d'un côté jus-
qu'à la dernière avant de reconnaître que la maladie
tenait à une autre cause que l'altération de ces os.
(46)
Ce n'est point parla difficulté du diagnostic que
se fait remarquer la névralgie dont nous allons
parler maintenant, mais bien plutôt par sa fré-
quence et son opiniâtreté. La névralgie du rameau
sous-orbitaire de la branche maxillaire supérieure
est une de celles qu'il importe le plus de connaître
avec précision ; car si c'est celle contre laquelle a
le plus fi'équemment réussi l'opération chirurgi-
cale, c'est celle aussi qui a été le plus souvent atta-
quée sans succès par le même moyen. Si l'on eût
eu, dans tous les cas , une connaissance précise du
siège du mal , on aurait pu prédire à l'avance quel
serait le résultat de la section du nerf. Nous ne
craindrons donc pas de rapporter un certain nom-
bre d'exemples de névralgies sous-orbitaires et de
choisir les plus détaillés.
C'est presque un devoir de placer en première
ligne le plus ancien que nous connaissions.
OBSERVATION DOUZIEME.
Névralgie sous-orbitaire.
Marie Furrerin, d'environ soixante ans, d'une
taille élevée, grêle, d'un tempérament chaud et
sec, mère de onze en fans, cessa d'être réglée à cin-
quante-deux ans; elle éprouva depuis lors une
hémicranie pour laquelle elle vint me consulter
avec son mari, chirurgien distingué, pour la pre-
mière fois le 1«*" juillet 1692. La douleur vient su-
bitement, occupe cette partie de la joue droite qui
(47 )
est au dessous de la paupière inférieure , là où se
trouve le grand os de la mâchoire supérieure; de
là elle s'étend vers la tempe, elle occupe en même
temps le front au dessus de l'œil , la moitié droite
du nez et cette partie de la lèvre qui est sous l'aile
droite du nez; le moindre contact y est presque
insupportable. Cette douleur tourmente cruelle-
ment la partie postérieure de l'œil, qu'elle fait ren-
trer en quelque sorte dans l'orbite , et détermine
un écoulement abondant de larmes. Les gencives
de la mâchoire supérieure sont aussi douloureuses,
quoique toutes les dents en aient été depuis long-
temps arrachées; on remarque du côté droit un
tiraillement de l'aile du nez, d'une partie de la
lèvre supérieure et de la portion voisine de la joue.
Ce tiraillement gênait quelquefois la mastication,
mais n'était pas aussi fort et ne déformait pas tant
la face que je l'ai vu quelquefois. La douleur est
lancinante, brûlante, pongitive, tensive, presque
intolérable, mais courte et momentanée, revenant
une ou plusieurs fois par semaine , par jour, ou
même par heure. Aujourd'hui, au moment où j'ai
vu la malade , elle a éprouvé plus de six accès dans
une heure; chaque fois, les larmes ont coulé de
l'œjl droit seulement, qui était rouge , la lèvre su-
périeure droite a éprouvé un tremblement, puis
une rétraction en arrière, avec l'aile du nez. Il y
avait a cette partie de la lèvre un vaisseau très
enflé qui s'affaissait après la douleur, et on le
touchait alors sans irriter le mal, ce qu'on ne pou-
( 48 )
vait Taire autrefois ni pendant ni après l'accès. La
douleur monte parfois au synciput, au vertex,
d'où elle descend vers le cou. De temps en temps
les nuils sont calmes ; et quand la malade souffre
trop fiéquemnient dans le jour, l'appétit se perd.
D'après le conseil de plusieurs médecins, de Mu-
rait, Lavater, Yitoduranus et autres, eile a em-
ployé un grand nombre de remèdes, vésicatoires,
emplâtres d'onguent huileux, gargarismes, fomen-
tations, et le tout en vain. Son mari lui a arraché
successivement jusqu'à la dernière molaire toutes
les dents de la mâchoire supérieure, la canine et
les incisives *, récemment il enleva avec le bistouri
une portion de la gencive, à l'endroit où étaient la
canine et les petites molaires ; l'opération fut faite
h sept heures du matin, la douleur fut suspendue
jusqu'à sept heures du soir, mais elle reprit alors
avec la même violence , ce que la malade attribua
à l'hémorragie trop considérable qui eut lieu. Il s'y
est fait depuis une petite exfoHation de l'os. L'ar-
tère temporale a été ouverte deux fois. Une foule
de médicamens ont été adininistrés à l'intérieur.
Je pense, dit Wepfer, que le mal réside dans
le nerf qui répand ses filets dans l'orbite, dans l'os
maxillaire supérieur et les racines des dents, sort
par le trou sous-orbitaire, et se répand dans la
lèvre supérieure et Taile du nez.
( Vésicatoires derrière les oreilles et sur toute
la tète, cautère, selon, artériotomie a plusieurs
reprises, embrocations avec une décoction de
( 49 )
plantes céphaliques, pédiluves id., poudre cépha-
liqueavec racine de valériane, pseon. limail. , etc.
Au mois de septembre, la malade écrit qu'elle a
appliqué le vésicatoire sur la têle, pris la poudre,
subi Fartériotomie ; que la douleur a éprouvé une
rémission de deux ou trois jours pour revenir
comme auparavant ; elle refuse le cautère et plus
encore le séton.
( Même prescription. )
Le 16 octobre 1692, tous ces moyens étant
sans succès, Wepfer conseille encore le séton.
Vers Tautomne de 1693, la phthisie se déclare,
et la malade meurt au mois de mars 1694, dans le
dernier degré du marasme.
Quoique la douleur ne restât pas, au plus fort de
l'accès, parfaitement renfermée dans les limites
qu'embrasse le rameau sous-orbitaire de la maxil-
laire supérieure, cependant les parties auxquelles
il se distribue après sa sortie du canal osseux qu'il
traverse étaient si évidemment le point de départ
de cette douleur, et sa violence en cet endroit
l'emportait si constamment sur celle à laquelle elle
parvenait en tout autre , que nous ne croyons pas
nous être trompé en assignant à la névralgie, dans
ce cas, le siège que nous venons d'indiquer, et en
en faisant une espèce particulière. C'est celle dont
on trouve le plus d'exemples parmi les observa-
tions qui ont été publiées jusqu'à ce jour. Il serait
difficile d'en trouver un plus analogue en tout au
précédent, que celui dont la relation fut insérée
4
( 50 )
en 1811, par le docteur Megliri, dans le Journal
de médecine de Corvisart, Leroux et Boyer. Le
suivant s'en rapproche également beaucoup. Nous
le citons pour cette analogie, mais surtout parce
qu'il servira plus tard de base à des considérations
thérapeutiques que nous croyons n'être pas sans
importance.
OBSERVATION TREIZIEME.
Névralgie sous-orbitaire.
Madame H , de Stockwell, âgée de soixante-
quatorze ans, mère de famille, d'une faible cons-
titution , d'un caractère doux , et très active pour
son âge, éprouvait, depuis treize ans environ, une
douleur à la face. Dans son principe, cette douleur
avait été modérée; dans ses progrès elle devint
violente, et elle acquit enfin un degré d'intensité
si considérable, qu'il serait impossible de le décrire ,
ni même de s'en former une juste idée. Son siège
parut d'abord fixé à l'aile du nez et à une petite
portion de la lèvre supérieure du côté droit. Elle
n'était pas continue comme dans le rhumatisme
chronique; elle était au contraire passagère, exces-
sivement aiguë et lancinante durant ses paroximes.
Ses retours étaient irréguliers , et ses intervalles
laissaient jouir ordinairement la malade de la tran-
quillité la plus parfaite. Il existait toujours une
uniformité frappante dans son origine et dans sa
direction. Elle commençait d'abord à l'aile du nez,
à la lèvre supérieure, et s'étendait vers l'orbite ;
( 51 )
mais quand les attaques devenaient plus violentes,
elle se portait sur d'autres parties : la malade
éprouvait alors une sensation du même genre,
moins forte à la vérité, tout le long de la joue jus-
que vers l'oreille; sensation qui s'étendait au palais,
aux gencives, à la mâchoire supérieure, et même
au gosier.
Cette affection se faisait particulièrement sentir
dans les saisons changeantes et rigoureuses. Quoi-
que la malade n'en fût pas toujours exempte dans
les saisons tempérées, les attaques étaient souvent
déterminées par les causes les plus simples, comme
de parler, de tousser, démanger, de respirer. Elles
ne duraient ordinairement qu'une demi-minute,
quelque fois moins ; souvent elles ne prenaient que
cinq ou six fois par jour; souvent aussi elles se re-
nouvelaient deux fois par heure; elles variaient
beaucoup dans leur degré d'intensité; tantôt elles
étaient si modérées, qu'elles se bornaient à suspen-
dre le mouvement de la lèvre supérieure ; tantôt
( ce qui était le plus ordinaire) elles étaient si fortes,
qu'elles arrachaient à la malade des cris qui res-
semblaient à ceux de lagonie; si parfois elles sus-
pendaient le mouvement de la lèvre supérieure,
d'autres fois elles produisaient un effet contraire ,
tel qu'un mouvement convulsif , durant lequel la
lèvre était entraînée en haut; mais, quelle que fût
son intensité, il n'y avait jamais de changement de
couleur à la peau, si ce n'est lorsqu'on y avait ap-
pliqué quelque topique.
(52 )
Haighlon recourut d'abord à l'application d'un
liniment ammoniacal, et à l'usage tant extérieur
qu'intérieur de la teinture d'opium , ainsi qu'à l'é-
lectricité administrée sous la forme la plus conve-
nable à la malade. Comme elle habitait le nord de
l'Angleterre, Haighton la perdit de vue pendant
deux ans, époque à laquelle elle vint se fixer dans
le voisinage de Londres. Ce ne fut qu'alors que le
médecin se forma une juste idée de la maladie, et
qu'il fût éclairé sur son origine par les circonstan-
ces suivantes : « La malade voulant me rendre
compte, dit Haighton, de sa situation , articulait
avec beaucoup de difficulté, et s'arrêtait tout à coup.
Portant alors toute mon attention sur la partie af-
fectée, j'aperçus a la lèvre supérieure un tremblot-
tement avec attraction de cette partie en haut,
précisément à l'endroit où le muscle releveur pro-
pre de la lèvre supérieure est implanté. Cherchant
alors à connaître le nerf qui produisait ce mouve-
ment à la partie à laquelle il se distribuait , il me
parut clair que c'était la branche sous-orbitaire de
la cinquième paire. A dessein de vérifier autant que
possible mes conjectures à cet égard , j'attendis le
retour d'un accès qui eut lieu peu de minutes après,
et je fis alors une forte pression sur les tégumens
qui recouvrent le trou sous-orbitaire : la douleur
cessa aussitôt; je répétai plusieurs fois cette pres-
sion, et j'obtins toujours le même résultat. Comme
mes conjectures , relativement au siège de celte
maladie, semblaient acquérir plus de solidité par
(53)
cette expérience , je pensai qu'il était essentiel de
faire un examen plus approfondi des symptômes,
et particulièrement de ceux qui existaient dans les
parties qui ne paraissaient affectées que secondai-
rement ou par sympathie. Il parut, d'après cet
examen, que la douleur qui existait à l'aile du nez
et à la ièvre, avait son principal siège dans ces par-
ties, et que lorsqu'elle devenait plus vive, elle af-
fectait d'autres parties telles que l'oreille, s'éten-
dait ensuite le long de la joue par les branches de
communication appartenant à la portion dure de la
septième paire. La douleur attaquait aussi le palais,
les gencives et les dents de la mâchoire supérieure,
mais aucune partie de l'inférieure , quelquefois en-
core le gosier ; mais la partie qui semblait affectée
à un nlus haut degré, par rapport au siège princi-
pal deia douleur, était immédiatement située der-
rière les dents incisives.
« En comparant cet assemblage de symptômes
avec la distribution de la branche maxillaire supé-
rieure de la cinquième paire , je fus frappé de la
coïncidence qui s'y rencontrait, et en même temps
je fus persuadé , comme je l'avais déjà pressenti ,
que le siège principal de la maladie était dans le
rameau sous-orbitaire qui se distribue à l'aile du
nez et à la lèvre supérieure , et que la douleur qui
s'étendait aux dents, aux. gencives , au palais, avait
lieu par la communication des filets nerveux qui
unissent le sous-orbitaire aux branches palatines,
« D'après les avantages momentanés obtenus à
(54 )
plusieurs reprises par îa pression du nerf sous-or-
bilaire contre l'os, il me parut utile d'en faire la
section , et je la proposai à ma malade comme der-
nière ressource.
« L'opération fut fort simple , et consista en une
incision longue de neuf lignes, dirigée obliquement
en bas ; le centre de cette incision devant corres-
pondre au trou sous-orbitaire, mais seulement à
trois lignes au dessus; l'incision devait être faite
jusqu'à l'os, autrement il eût été impossible de di-
viser le nerf, tant il est situé profondément dans cet
endroit. Comme il y a plusieurs inégalités à la sur-
face de Tos maxillaire, a l'endroit où s'implantent
les muscles, ainsi qu'un canal qui aboutit ordinai-
rement à la partie inférieure du trou, un bistouri
pointu parut préférable à tout autre, comme plus
propre h effectuer la division complète du nerf situé
dans cet enfoncement. La veine faciale passe fré-
quemment sur ce trou et le recouvre, ce qui peut
donner iieuà sa division pendant l'opération. Si cet
accident arrive, ou si quelque branche artérielle est
ouverte, on pourra y remédier avec facilité en fai-
sant une compression dirigée sur l'os. La plaie n'é-
tant que superficielle, se doit guérir probablement
comme une plaie simple.
« Je fis l'opération ainsi que je viens de la décrire,
et le succès justifia pleinement mon attente : la
douleur cessa aussitôt, et la plaie fut guérie en peu
de jours. Ma malade, qui depuis treize ans vivait
dans la douleur, éprouva, comme il est aisé de le
concevoir, une grande joie de ce succès.
(55)
« Il est à remarquer que le sentiment et le mou-
vement de la lèvre, quoique évidemment diminués,
n'ont pas été entièrement perdus, comme je l'avais
prédit; cet accident a duré peu; et nous pensons
(c'est toujours Haighton qui parle) qu'il s'est formé
une réunion de nerfs à l'endroit divisé , laquelle a
présenté l'avantage inappréciable qu'il ne s'est ma-
nifesté jusqu'à présent dans la partie régénérée
aucune disposition au retour de la maladie ^
Nous rapporterons encore un cas de la même
espèce que les précédens. Il est décrit avec tous
les détails qu'on peut désirer, et se trouve dans
une dissertation fort rare en France, double motif
dont chacun suffirait pour qu'on le lise ici avec
intérêt.
OBSERVATION QUATORZIEME.
Névralgie sous-orbitaire.
Jean Kreuser, artiste de l'académie de musique
du palais de l'ancien électeur de May ence , âgé de
quarante-six ans , d'une taille haute , d'une consti-
tution robuste, d'un caractère gai , était père de
deux enfans adultes et bien portans. Lui-même,
depuis son jeune âge, avait toujours joui de la meil-
leure santé jusqu'en 1793, qu'il fut affecté d'une
' John Haighton , in Londow médical Review and Ma-
gazine.
(56)
violente douleur de léte. Celle douleur commen-
çail à l'occiput et s'étendait de là peu à peu vers
les parties antérieures du crâne , jusqu'à ce qu'elle
occupât tout le front. Elle était si violente , que le
malade , incapable de toute occupation , était forcé
à chaque paroxisme de se mettre au lit et d'y rester
dans une parfaite immobilité. Les accès, qui, dans
l'origine , revenaient toutes les trois ou quatre se-
maines, et presque toujours vers midi, se rappro-
chèrent au point de tourmenter le malade chaque
jour et même deux fois dans les vingt-quatre heu-
res, et avec une violence qui ne lui laissait pas la
faculté de dire un mot, ni même d'ouvrir la bou-
che. Cette douleur dura ainsi pendant plusieurs
années, et résista aux remèdes les plus efficaces.
Le kinkina, le camphre, l'extrait d'aconit furent
administrés sans le moindre soulagement. L'usage
interne du muriate de mercure semblait procurer
quelque amélioration, mais on se vit obligé de
s'en abstenir par l'invasion d'une fièvre inter-
mittente qui régnait alors épidémiquement , et dont
notre malade fut atteint. Il fallut de nouveau avoir
recours au kinkina pour la combattre; et, chose
singulière, non seulement la fièvre fut guérie,
mais avec elle disparut la douleur de tête, dont
le malade fut un an sans éprouver la moindre at-
teinte. Arriva l'année 1799 et avec elle l'ancien
mal de tête; il faut remarquer, toutefois, que les
accès étaient d'abord moins fréquens et moins in-
tenses , et qu'ils s'accrurent insensiblement. Il ar-
(57 )
riva vers celte époque que, toutes les fois que le
malade voulait se moucher, il éprouvait à l'aile
droite du nez une démangeaison suivie d'un faible
effort d'éternuement , auquel succédait un cha-
touillement qui se propageait de l'os droit et de
Faile du nez dans la région malaire du même côté.
On observait pendant l'éternuement de légers
mouvemens convulsifs des muscles de la face , un
larmoiement et un écoulement abondant par les
narines d'une pituite ténue. Au commencement,
l'accès durait à peine une minute, ne venait jamais
sans l'influence préalable d'un stimulus, mais était
constamment provoqué par l'éternuement ou l'ac-
tion de se moucher. Le malade frottait-il du doigt
avec légèreté les parties affectées , la douleur et le
spasme cessaient à l'instant. Content d'avoir trouvé
ce moyen d'alléger et de dissiper sa douleur, le
malade fit d'abord peu de cas de son mal, dont la
durée et l'intensité augmentèrent progressivement.
Il passa plus de neuf mois au milieu de ces souf-
frances , espérant tous les jours en voir la fin ; mais
il en arriva bien autrement. Les convulsions des
muscles de la face, auxquelles le malade songeait
à peine , et qui n'avaient lieu qu'après l'éternue-
ment et le moucher, dégénérèrent en douleurs
atroces , en sentiment de brûlure ou de dilacéra-
tion, d'élancemens ou de perforation. Ces douleurs,
qui se propageaient jusque par delà l'orbite ,
étaient provoquées ou augmentées quand elles
existaient déjà , par diverses circonstances telles ,
( 58)
que la parole, la toux, l'expuilion de la salive,
mais surtout par les mouvemens de la bouche et
de la mâchoire comme dans la mastication.
Vers le milieu de l'année 1800, le malade se plai-
gnit d'un accroissement considérable de son mal ,
et tous ses amis étaient vivement affligés de la fré-
quence et de la cruauté de ses tourmens ; non seu-
lement il suffisait du plus léger mouvement de la
bouche ou de la mâchoire pour ramener la douleur,
mais bien souvent elle revenait spontanément et
sans nulle cause connue , et sa violence augmenta
à tel point, qu'elle retentissait jusqu'à une grande
distance du lieu de son origine. Elle commençait
alors vers la racine de la dent laniaire de la mâchoire
supérieure. Cette dent, quoique très saine et sans
les moindres taches, qui, hors du paroxisme, pou-
vait être frappée sans douleur par les corps les plus
durs, était, dans l'accès, d'une telle sensibilité,
que le malade éprouvait la douleur la plus aiguë ,
si la langue venait frapper, même très légèrement,
ou cette dent, ou la gencive, ou même la partie
antérieure du palais. Il n'en fallait souvent pas da-
vantage pour ramener le paroxisme. La douleur
passait comme la foudre dans les paupières et le
globe même de l'œil, dans tout le côté droit du nez
et la lèvre supérieure du même côté ; les muscles
de toutes ces parties étaient agités de mouvemens
convulsifs, qui amenaient une rétraction en haut
de l'aile du nez et de l'angle de la bouche du côté
droit; en même temps les lèvres étaient contractées
{ 59 )
et la bouche proéminait en saillie du côté droit. Ces
mouvemens cloniques des muscles ne cessaient
qu'après la douleur et après que quatre larmes
avaient coulé de Fangle interne de l'œil sur la joue,
et que la narine droite avait fourni une humeur
muqueuse , blanchâtre et visqueuse. On observait
en outre ce singulier phénomène, que, pendant
tout le temps des plus violentes douleurs , le ma-
lade agitait avec vivacité la pointe de sa langue en-
tre les lèvres contractées; il affirmait que ces
mouvemens de la langue lui procuraient quelque
soulagement. L'habile médecin Zenzen employa,
contre un mal aussi opiniâtre, tous les remèdes
imaginables : d'abord les anti-rhumaliques, les ré-
solutifs, les eccoprotiques, mais sans nul effet; le
soufre , le musc , le castoréum , l'éther sulfurique ,
dans la classe des excitans ; dans celle des narcoti-
ques, la ciguë, la belladonna, la jusquiame, le
datura-stramonium et l'opium sous diverses for-
mes; le mercure même, qu'on croyait avoir pro-
curé du soulagement quelques années auparavant,
tout fut mis en usage sans aucun succès. Les topi-
ques ne furent point oubliés : la teinture d'opium ,
la ciguë et la belladonna; on appliqua des sangsues
à la face, des vésicatoires à la nuque, l'écorce de
garou aux bras. L'électricité et le galvanisme fu-
rent employés de toute façon , des sternutatoires
furent pris en guise de tabac. Chaque changement
de remède, procurant quelque soulagement, ré-
veillait l'espoir de la guérison; mais bientôt se dis-
■ ( 60 ■)
sipait ce faible soulagement, qu'on devait bien
moins attribuer à la vertu des remèdes qu'à l'ima-
gination du patient. Le seul médicament qui pro-
curât réellement quelque répit, était l'opium, qu'il
fallait pour ceia administrer à très grande dose.
Au commencement de l'été de l'année 1801, le
malade prit, pendant huit semaines, les eaux de
Wisbad ; leur effet fut si avantageux que les dou-
leurs disparurent pour toute cette saison , et que le
malade se crut entièrement guéri.
L'hiver suivant les douleurs reparurent, mais
moins intenses et plus circonscrites. Au printemps
elles augmentèrent comme de coutume; mais le
malade s'en consolait, en songeant qu'il trouverait
encore un remède dans les eaux de Wisbad. Il se
rendit donc à ces eaux, plein d'un espoir qui fut
bien trompé ; loin d'en avoir retiré aucun avantage,
il revint chez lui avec une aggravation de ses souf-
frances. Le printemps et l'été de 1 803 présentèrent
la même succession des mêmes maux ; l'hiver, qui
amenait toujours quelque soulagement, laissa en-
core au malade quelque intervalle de calme. Au
printemps de 1 804 , la névralgie faciale se réveilla
de nouveau plus violente que jamais; elle s'étendit
à une plus grande surface, et s'accompagna de
symptômes qu'elle n'avait pas encore présentés; la
douleur ne fut plus limitée à la joue et aux pau-
pières, elle occupa tout le front et une partie du
cuir chevelu. L'œil était violemment tourné en de-
hors, et il semblait au malade qu'on le saisit avec
(61 )
des tenailles et qu'on Tarrachât de l'orbite. Le côté
gauche de la face, qui jusqu'alors n'avait présenté
de symptômes d'aucune espèce , fut agité de mou-
vemens convulsifs, mais sans douleur; à cela se
joignit un bourdonnement d'oreilles qui obscurcit
l'audition. Les moindres circonstances, le contact
le plus léger du nez, de l'oreille, du cou du côté
affecté, l'odeur du vinaigre, de toutes les subs-
tances spiritueuses et volatiles ; bien plus, la vapeur
des alimens chauds, la moindre agitation de l'air,
les vibrations qu'y détermine le son des instrumens
de musique, suffisaient alors pour renouveler les
douleurs, ou pour leur donner, si elles existaient,
un surcroît de violence. Il en résultait que tantôt
plusieurs jours s'écoulaient, pendant lesquels il n'y
avait que de rares paroxismes, et que tantôt les ac-
cès se répétaient plus de cent fois dans la journée.
Les jours où le mal était le plus supportable furent
toujours ceux où le ciel était serein, et où un
froid violent avait condensé l'atmosphère ; un
temps chaud et humide était au contraire le plus
fâcheux.
Au milieu des métamorphoses nombreuses que
subit la maladie, un phénomène fut toujours cons-
tant et invariable : quand la douleur avait duré une
demi-minute ou une minute entière , tout à coup
quatre larmes coulaient sur la joue , une mucosité
blanchâtre et visqueuse s'échappait des narines, et
l'accès était fini. Si cet écoulement de larmes et de
mucosité n'avait pas lieu, ce qui arriva quelquefois
(62)
dans la période la plus violente de la maladie, les
douleurs recommençaient avec une nouvelle inten-
sité, et les accès se succédaient ainsi jusqu'à ce
qu'arrivât enfin cet écoulement indispensable de
larmes et de mucus.
Le malade observa depuis cette époque, que la
nuit les douleurs revenaient dès qu'il était couché
sur le côté, n'importe lequel; aussi s'étudia-t-il à
dormir sur le dos, position dans laquelle les inter-
valles de calme duraient beaucoup plus long-temps;
mais il eut à supporter bien des douleurs, et bien
des précautions à prendre avant d'être accoutumé
à cette position. Tous les moyens qui autrefois
avaient diminué la douleur ou dissipé les accès ,
comme les frictions de la partie affectée, la pression
exercée à l'endroit où le nerf sous-orbi taire sort
de son canal osseux, une forte compression des
dents des deux mâchoires du côté gauche, le
mouvement du corps dans un air sec et froid, ne
procuraient plus le moindre soulagement.
En proie à d'aussi cruelles souffrances, ce mal-
heureux ne désirait rien tant que la mort. Tous les
remèdes qu'avaient pu ordonner les médecins de
l'endroit et les médecins étrangers, ceux qu'a-
vaient suggérés le raisonnement ou imaginés l'em-
pirisme, tous avaient été employés en vain. Il ne
restait que le séton dont on n'eût pas encore fait
l'essai; il fut proposé, accepté par le malade comme
une ancre de salut, et appliqué à la nuque le 13
juin 1804. Il ne fut pas plus efficace que tout le
(63)
reste. L'hiver suivant, la douleur diminua comme
de coutume, mais elle reprit au printemps de 1 805,
augmentant toujours en étendue et en intensité. Le
séton , qui avait fort inutilement fait souffrir le ma-
lade, fut retiré et l'ulcère guéri.
Depuis ce temps , que le malade appela une nou-
velle époque de spasmes , jusqu'à la fm de juin , les
douleurs s'accrurent à tel point , soit sous le rap-
port de la violence, soit sous celui du nombre des
accès, qu'il eut à peine , dans cet intervalle de cinq
mois, une heure de sommeil. Les nuits, qui lui ap-
portaient autrefois quelque soulagement , étaient
maintenant le temps des plus cruelles souffrances.
La douleur avait gagné dans tous les sens; elle
s'étendait au voile du palais et à la luette , et à la
langue. Elle ne s'était pas moins propagée à l'exté-
rieur; elle occupait l'angle de la mâchoire infé-
rieure, la région de l'oreille et même les muscles
du col et les tégumens au dessous du menton. Les
plus fortes doses d'opium n'y apportaient pas le
moindre soulagement. Le long abus de ce remède,
la perte du sommeil, le défaut presque complet
d'alimentation auquel le malade avait été réduit par
les tourmens que lui faisait endurer la mastica-
tion, le délabrement de la constitution et la chute
des forces; toutes ces circonstances, auxquelles on
ne voyait pas de terme possible , faisaient prévoir
que la mort viendrait bientôt enfin trancher une si
déplorable existence.
La maigreur générale était considérable; mais
( 64 )
la inaigreur du côté de la face , siège de la maladie,
était particulièrement remarquable.
Dans cet état désespéré , où tous les remèdes
imaginables avaient été essayés en vain, Leydiget
un autre médecin conseillèrent la section du nerf
sous-orbitaire. Ce conseil fut accueilli avec em-
pressement par le malade. Après lui avoir parlé
du succès que pouvait avoir cette opération , on ne
lui laissa point ignorer que dans quelques cas, ra-
res à la vérité , cette section , bien loin de faire ces-
ser les douleurs , les avait , au contraire , augmen-
tées. L'état insupportable dans lequel il se trouvait
lui fit repousser toute objection; il demanda Topé-
ration avec instance. Elle fut pratiquée par Leydig,
le 22 juin , de la manière suivante.
Le malade fut assis , la tête appuyée contre la
poitrine d'un aide placé debout derrière lui, et
chargé de la maintenir immobile avec ses deux
mains. L'opérateur était debout en face du malade
et entre ses jambes. En explorant avec soin l'en-
droit où devait être faite l'incision, on reconnut
fort distinctement, à cause de la maigreur du vi-
sage, la marge du canal sous-orbitaire. Toutefois,
pour procéder avec plus de sûreté , on appliqua
en cet endroit une bandelette d'emplâtre adhésif
d'un demi-pouce pour marquer la longueur et la
direction de l'incision. Cela fait, avec l'attention
de ne point déranger par la tension les tégumens
de leur situation naturelle , on enfonça un bistouri
à lame droite, mince et étroite, vers l'extrémité ex-
(66 )
terne du bord inférieur de l'emplâtre adhésif, à
travers la peau et les chairs , jusqu'à l'os. Le pouce
appuyé fortement sur l'os de la pommette retint la
peau pour l'empêcher de suivre l'instrument et
d'en changer la direction ; alors le bistouri , la
pointe toujours appuyée contre l'os, fut conduit
le long du bord inférieur de l'emplâtre aggluti-
natif, jusqu'à l'endroit marqué pour le terme de
l'incision. L'artère sous-orbitaire , ouverte, donna
beaucoup de sang, et en remplit la plaie, de ma-
nière qu'il était impossible d'en examiner le fond.
Quoique la pointe du bistouri n'eût jamais aban-
donné l'os dans toute la longueur de l'incision,
cependant , pour s'assurer encore mieux que toutes
les parties molles y avaient été exactement cou-
pées , le chirurgien introduisit dans la plaie une
sonde cannelée, et se convainquit, en raclant l'os
de sa pointe dans toute l'étendue de la division,
qu'elle n'avait rien épargné; il explora même, pour
dissiper jusqu'à l'ombre du doute , le fond de la
plaie avec le doigt indicateur, et il reconnut que
Fincision avait été faite si près de la marge du ca-
nal sous-orbitaire , qu'on sentait parfaitement l'ori-
fice de ce canal , l'os dénudé en cet endroit de son
périoste , et pas le moindre vestige du nerf qui
passe par ce trou. Ne voulant pas laisser les lè-
vres de la plaie se réunir^ on mit d'abord de la
charpie dans le fond et même à l'orifice du canal
sous-orbitaire, puis la plaie fut remplie de charpie,
et le tout maintenu avec un emplâtre adhésif*
5
( 60 ;
L'hémorrhagie s'arrêta alors complètement. Pen-
dant qu'on lavait les environs de la plaie, des mou-
vemens convulsifs agitèrent les joues, les lèvres,
le nez et les paupières ; le moindre contact suffisait
pour les provoquer, mais ils cessèrent en moins
de deux minutes, et le malade fut alors mis au lit.
Deux heures après l'opération, Leydig revit le
malade : celui-ci évitait avec soin le moindre mou-
vement , et écrivit, sur un petit billet , qu'il n'avait
ressenti depuis l'opération aucun accès doulou-
reux ; que la lèvre supérieure était dans un état de
torpeur et d'insensibilité, et qu'elle lui semblait
avoir le volume du poing. La vérité est que cette
lèvre n'était point plus gonflée, mais bien plus
froide que les autres parties , et tirée vers le côté
opposé.
A huit heures trois quarts, le malade s'endormit ,
mais il fut réveillé à neuf heures par le retour de
sa douleur, dont deux accès se succédèrent en peu
de temps. Au milieu de ces accès, la plaie fournit
de nouveau du sang , dont une compression modé-
rée suffit pour arrêter l'écoulement. Exempt alors
de toute douleur, le malade s'était encore livré au
sommeil ; mais des mouvemens convulsifs, quoique
non douloureux, de l'autre côté de la face, trou-
blèrent son repos : il se rendormit vers le milieu
de la nuit. Au bout de deux heures environ de
sommeil, il fut réveillé par un nouvel accès : le
reste de la nuit se passa entre le sommeil et la veille,
et de rares accès de douleur.
( 67 )
Le 23 juin, à une heure après midi, le malade
eut, en mangeant, deux accès, mais moins violens
que les précédens : il ne souffrit plus jusqu'au soir,
que la même cause réveilla quatre ou cinq fois la
douleur.
Le 24 juin, le malade, plein de joie, rapporta
qu'il avait passé la nuit tout entière sans douleur,
ce qui ne lui était pas arrivé une seule fois dans
tout le cours de sa maladie, et qu'il avait joui du
sommeil le plus doux et le plus tranquille. Il par-
lait ce matin sans être interrompu, comme de cou-
tume, par la douleur; il sentit seulement, en man-
geant, quelques élancemens passagers dans les
muscles de la face. La nuit du 24 au 25 juin ne
fut pas moins bonne que la précédente. A la visite
du matin, le malade était à déjeuner : il raconta
qu'il avait éternué sans éprouver la moindre dou-
leur, et qu'il pouvait maintenant remuer, secouer
même le pied droit , ce qu'il n'aurait pu faire aupa-
ravant sans provoquer des accès. Le ventre était
resserré : un lavement fut administré.
Le 26 juin, vers le milieu de la nuit , apparurent
tous les symptômes qui annonçaient ordinairement
les plus violens accès , mais tout disparut sans que
le malade eût éprouvé de douleur. Vers une heure
après minuit, retour des mêmes alarmes, qui se
dissipent également sans accès; mais bientôt après,
survient une grande douleur de tête, vers l'occiput,
suivie, au bout d'un quart d'heure, d'un sommeil
qui dura jusqu'à six heures. Le malade se trouva
(68)
très bien a son réveil. Les 27, 28 et 29 juin furent
également Iranquilles et exempts de douleur; le 30,
tout était dissipé, jusqu'à ces élancemens passa-
gers qui s'étaient fait sentir dans la région affectée
de la face ; bien plus , cette exquise sensibilité,
dont la dent canine supérieure et le voile du palais
avaient été le siège, était si bien dissipée, que le
malade avait pu, pour la première fois, depuis
si long-temps, briser entre ses dents des corps
solides , mâcher et avaler sans éprouver la moindre
douleur.
Le 1" juillet, il se fit faire la barbe. Avant la
section du nerf, cette opération était une des cir-
constances qui réveillaient le plus sûrement les
douleurs, et elle ne se passait jamais sans avoir
provoqué plusieurs violens accès. Pour cette fois,
bien que le malade ne vît pas sans frayeur appro-
cher le rasoir, il n'en éprouva nul effet. Ayant
frappé par mégarde , en voulant se moucher, la
plaie de la face, il sentit, au moment même, son
ancienne douleur, mais elle fut peu violente, et se
dissipa en un instant : il fut très bien aussitôt après.
Le premier appareil n'avait pas encore été levé
le 2 juillet ; la charpie était assez imbibée de pus
pour qu'on pût l'enlever sans causer d'autre dou-
leur qu'un peu de démangeaison à l'aile droite du
nez et à la lèvre du même coté. La plaie fut pansée
de la même manière, jusqu'au 1 4 août, sans que le
malade eût, dans cet intervalle, éprouvé de dou-
leui'. La cicatrisation lût alors complète : on n'avait
(68)
rien observé d'aiileui's de particulier et qui mérite
d'être rapporté. Une petite cicatrice, n'ayant rien
de difforme, était tout ce qu'on pouvait observer
de ce côté de la face; toute agitation convulsive
des paupièjes, de l'œil et des muscles de la face y
avait disparu; le côté droit du nez et de la lèvre
supérieure avait perdu sa sensibilité ; le malade le
sentait plus froid et plus volumineux qu'avant la
section du nerf. Le côté gauche de la face n'avait
éprouvé aucun changement depuis l'opération ; les
mouvemens convulsifs non douloureux y persis-
taient toujours.
Délivré de ses affreux tourmens , Kreuser jouis-
sait maintenant de la santé, et pouvait reprendre
les fonctions de son état , les plaisirs et le soin de
sa famille; le retour de l'appétit ramena bientôt les
forces et l'embonpoint.
Un an et trois mois s'étaient écoulés depuis l'o-
pération, quand Leydig en écrivait l'histoire : la
douleur n'avait jamais reparu, quoique Kreuser
s'exposât aux causes, et remplit les fonctions qui
les provoquaient autrefois immanquablement : seu-
lement, durant l'automne et le printemps, époques
ordinaires des plus violens accès, le côté droit de la
face était doué d'une plus vive sensibilité : quel-
quefois il y avait douîeur de tête vers l'occiput,
mais rien de comparable, à beaucoup près, à la né-
vralgie faciale. Les mouvemens convulsifs non
douloureux du côté gauche de la face, l'anaesthé-
sie de la lèvre sunérieure et de l'aile du nez du côté
( ''^ )
droit , persistaient toujours , de même que l'écou-
lement de mucosités blanchâtres par les narines.
Kreuser conservait aussi l'habitude qu'il avait con-
tractée de se pincer les lèvres avec le bout de la
langue ^
ni. Les observations rapportées jusqu'ici don-
nent une idée des formes simples que peuvent pré-
senter les névralgies des deux premières branches
de la cinquième paire. 11 est à peine nécessaire de
rappeler que, dans la plupart des cas, ces formes
se compliquent mulueliement et donnent lieu aux
variétés sans nombre de la maladie. Les affections
de la troisième branche, et surtout celles de son
rameau le plus important, le mentonnier, sont
moins rarement isolées. Nous rapporterons quel-
ques cas de cette dernière , mais nous devons
dire auparavant quelques mots des névralgies des
différens rameaux qui forment la maxillaire infé-
rieure, avant de pénétrer dans le canal osseux du
même nom. Ceux de ces rameaux qui se distri-
buent aux muscles ptérygoïdiens masseters , etc.
donnent lieu , quand ils sont le siège de la maladie,
a des symptômes qui peuvent la faire prendre pour
une affection de quelque partie du nerf faciaL
Voici un cas dans lequel c'était probablement le
rameau lingual qui était affecté.
• P. J. Lejdig : Doloris faciel dissecto infra- orbitale
uervo jU'ofÀgcui liistoria. Heidclberg (1808), 111-4"? 36 pp.
(71)
OBSERVATION QUINZIEME,
Névralgie du rameau lingual de la branche maxillaire
inférieure.
Nous avons observé (dit Brewei ) un cas de tic
douloureux chez un vieillard de soixante-quinze
ans, qui y est demeuré sujet jusqu'à sa mort , c'est-
à-dire pendant sept à huit ans encore. La douleur
chez lui avait constamment son siège sur le côté
gauche de la langue, à la partie la plus large. Il
y avait des temps où elle se faisait sentir très fré-
quemment, et où le moindre mouvement, soit pour
mâcher les alimens , soit pour parler, la faisait re-
paraître en excitant chez lui , quoiqu'il fut d'un
naturel extrêmement patient , des contorsions pé-
nibles à voir, mais qui n'avaient aucune apparence
de spasme , ainsi que le remarque Fothergill. Sou-
vent ses repas étaient dérangés par la crainte de
ramener les paroxismes , souvent la même crainte
l'empêchait de parler. L'examen répété de la langue
n'y fit jamais apercevoir ni gonflement , ni ulcéra-
tion , ni aucun corps étranger, dont on avait été
jusqu'à soupçonner la présence. Nous voulûmes
lui donner de l'extrait de ciguë; mais, soit qu'il ne
pût pas avaler les pilules , soit qu'il ne voulût pas
s'astreindre à prendre aucun remède d'une ma-
nière suivie, il fut impossible d'en obtenir aucun
effet. Cependant il parut quelquefois recevoir du
soulagement de l'usage interne des fleurs de zinc
et de leur application sur la langue ; mais , quoi-
( 72)
qu'il en convint, on ne pouvait le déterminer à y
avoir recours aussi souvent qu'il aurait été né-
cessaire ; il se faisait un devoir de la résignation ;
il cherchait à cacher ses souffrances à ses alen-
tours , et il paraissait regarder comme inutile de
s'occuper de remède à un âge aussi avancé que
le sien (^Biblioth, gey^man, , tom. V, pag. 55).
On lit dans le deuxième fascicule des Memo^
y^abiL clini'c, de Reil , un cas qui paraît être assez
analogue à celui-ci , bien que la douleur ne fût pas
aussi nettement limitée ; nous y renvoyons le
lecteur.
Nous négligeons les névralgies dentaires infé-
lieures, proprement dites, et celles qui attaquent
le tronc nerveux dans le trajet même du canal
qu'il parcourt , pour arriver aux névralgies men-
tonnières , c'est-à-dire à celles qui l'atteignent à
sa sortie par le trou de ce nom.
Plusieurs points de l'observation qui va suivre
manquent de précision et seraient capables de jeter
quelque incertitude sur le véritable siège de la
maladie qui en fait le sujet, si d'autres renseigne-
mens très positifs, qui s'y trouvent aussi, et l'opi-
nion formelle de l'observateur, ne fournissaient,
avec assez de sûreté, les moyens d'assigner, beau-
coup mieux que ne le font les ternies mêmes dont
il s'est servi, la valeur relative des symptômes,
et le caractère ynimitif ou secondaire de chacun
d'eux.
( 73
OBSERVATION SEIZIEME.
Maxillaire inférieur. Mentonnier.
Le sieur Lespart, bourgeois de Versailles, souf-
frait depuis quatorze à quinze ans les douleurs les
plus cruelles d'un tic douloureux qulaymi son prin-
cipal siège à la mâchoire inférieure du côté gau-
che, ou plutôt dans une branche de nerf de la
cinquième paire appelée 7naxillaire inférieure,
qui sort du canal de la mâchoire par le trou men-
tonnier. Ces maux ne laissaient au malade aucun
relâche; jour et nuit il courait comme un insensé
et un furieux; il ne pouvait mâcher, et dans le
temps de la déglutition il faisait les grimaces les
plus horribles; enfin son tic le fatiguait au point,
par ses fréquences, qu'il était obligé d'avoir con-
tinuellement le menton appuyé sur un point solide;
il ne pouvait presque pas parler, il était aussi dans
l'impossibilité de vaquer aux affaires indispensa-
bles d'un négoce étendu. Son tic s'annonçait par
des cris plaintifs, il finissait par des accens gra-
dués, entrecoupés, et une respiration précipitée
par le nez, et était accompagné d'une extension
générale et d'une distorsion continuelle du nez,
des lèvres, de la bouche et de tout le visage, et
des douleurs si grandes et si vives qu'il disait tou-
jours qu'on lui arrachait avec violence les tempes
et le pariétal du côté malade. Il avait pendant tout
ce temps fait beaucoup de consultations et de re-
mèdes, et il n'y eut guère de charlatans qui n'eus™
( 'i-i )
sent essayé de lui en donner. Mareschal fut le pre-
mier qui connut la nature de la maladie , et son
opinion fut que le véritable moyen de la guérir
était de pratiquer la section du nerf mentonnier à
l'endroit même où il sort par le trou de ce nom.
L'opération, pratiquée par l'intérieur de la bou-
che , n'atteignit probablement pas le nerf qu'il fal-
lait couper; les symptômes restèrent les mêmes
jusqu'au dix-septième jour, qu'il survint une hé-
morrhagie extrêmement violente , accompagnée
d'un soulagement d'environ deux mois , pendant
lesquels il n'y eut que quelques accès passagers
de tic douloureux.
Après ce temps, le mal reprit de nouveaux ac-
croissemens, et le malade retomba dans des dou-
leurs encore plus aiguës que par le passé. André,
de Versailles, consulté à cette époque, eut recours
à la cautérisation, qui lui avait réussi plusieurs
fois. «Le caustique ayant pénétré jusqu'à l'os , dit-
il , et mis à nu le trou mentonnier, j'aperçus dis-
tinctement le paquet des vaisseaux, le nerf, l'artère
et la veine confondus avec les fragmens de l'es-
carre; je les pinçai et secouai légèrement, à l'instant
le tic reparut. » Assuré d'avoir ainsi pénétré jusqu'à
la source du mal, André crut devoir pratiquer en-
core plusieurs cautérisations successives , dont
nous aurons occasion de parler dans un autre en-
droit, et le malade fut guéri, après avoir, il est vrai,
supporté quelques opérations inutiles outre une
opération nécessaire, et pour laquelle on ne saurait
( 75)
donner trop d'éloges à celui qui la pratiqua le
premier.
OBSERVATION DIX-SEPTIEME.
Maxillaire inférieur. Meiitonnier.
Le sieur "^^^j procureur fiscal de Château-
Thierry, âgé de plus de soixante-quinze ans, était,
dit encore André, dans le même état dont je venais
de tirer le sieur Lespart ; la conformité de leurs
maladies les avait liés de l'amitié la plus étroite, ils
se rendaient un compte mutuel des moyens qu'ils
mettaient en pratique pour se soulager. En consé-
quence le sieur *** partit sur-le-champ de son pays
et vint à Versailles chercher le même avantage que
je venais de procurer à son ami.
Son aspect m'effraya, je balançai long-temps si
je renverrais ce malade ou non, sans faire aucune
tentative ; effectivement, outre la maladie pour la-
quelle il était venu, il était vieux et usé, il avait le
visage livide et décharné , il crachait sans relâche
du pus verdâtre et en grande abondance; de plus,
il portait depuis long-temps une fistule complète à
l'anus, il avait essuyé l'opération; enfin il avait
inutilement essayé de tout ce que l'art a de plus
connu et de plus efficace dans l'une et l'autre mé-
decine.
Les instances réitérées de ce pauvre vieillard ,
son triste état, ses tourmens continuels l'emporté-
rent sur mes répugnances, et me déterminèrent à
(76)
mettre en œuvre les moyens qui m'avaient déjà
réussi.
Les douleurs convulsîves étaient dans le nerf
maxillaire du côté droit. Je lui fis la même
opération que je fixai sur le trou mentonnier; je
continuai l'application des caustiques jusqu'à ce
qu'il fui découvert et que toutes les adhérences
du nerf maxillaire inférieur fussent détruites ;
alors tous les accidens de son tic douloureux ces-
sèrent.
Une fluxion de poitrine qui survint au ma-
lade et qui faillit l'emporter, le préserva des cau-
térisations ultérieures que voulait encore pratiquer
le chirurgien. Il partit dès qu'il fut en convales-
cence. Il n'a jamais ressenti la moindre atteinte
de son tic douleureux , quoiqu'il ait survécu plu-
sieurs années à cette opération.
Nous terminerons tout ce que nous avions à dire
sur les névralgies de la cinquième paire en parti-
culier, par la relation du fait suivant que l'on doit
à Marc-Aurèle Severino.
OBSERVATION DlX-IlUmEME.
Névralgie du Mentonnier.
« Antonius a Cavio provincise romanœ oppido ,
sacerdos sodalis Franciscanus ex his, quos con-
venluales appellant*, homo vigesimum quintum ,
aut circiter, annum natus; pusillocorpore, habita
(77)
gracili , dejecto plane colore , crasi omnino biliosa
et non nihil exusta ; id sibi molestiarum et morbi ,
decemjam annos, questus est incurrisse. Ad mé-
dium inferioris maxillse locnm , qua oum labro ,
item inferiore mediis merabranis connectitur ,
nullo unquam apparente tumore , vel alieno co-
lore, prurigo insultât in dies, saepe sic gravis et
effera , ut necessum sibi sit , ut dolor ejusmodi
prehendat , nunc dextera , nunc lœva manu , par-
titis scilicet quasi vicibus laboris, locum, quà men-
tum incohat , vehementissime quatere , pressum-
que hue îlluc varie deducere ; quo facto in horas
particulse defricatu sic posse quiescere ut furienle
illo dolore non deprimatur, alque dispereat! quam-
quam qualis illa quies, aut qualis illa levatio sit,
cui supersit amaritudo incomparabiliter potior !
cui malo nullse pares corporis aut inanitiones,
aut expurgationes , aut assse sudationes : ut neque
diversoria remédia, fonticuli, externa epithemata,
intinctus medicamentorumacerrimi, et quse deni-
que non medeîse ! adde neque diruptus, concisus-
que , particulee , quse perpetuo , credo , lancinatu
callum obduxerat. Quid plura? Sed neque vis ignis
ex ferro diaphano , et scintillante, vitii virus ex-
coquere , quid dicam autem extirpare valens fuit :
adeo scilicet atrox fomes altis nixus radicibus in-
time se reduxerat.
« Vivit adhuc vitae pertaesus homo , vigiliis
nocturnis , molestiisque diurnis , quassus , actus-
que, sic, ut aridus , et squalens toto corpore,
( -78 )
futurum sit aliquando , ut doloribus , salis in mo-
duni, quod Plaulus ait, liquescat. Res nota nuUis
non Cœnobii fratribus , medicisque neopolilanis ,
quoshomo miserabilissingulos consuluit, patavinis
et vcnetis, et romanis etiam exacto tempore imme-
dicabilis.
« I nunc et assere , malum exile loco perexiguo
circumscriptum , externum , et quasi hilum in se
coactum , muitis et magnis medicamentis omnis
generis , et exquisitis cessurum ! 1 etc. {^L-Aur,
Severini^de Recond, absc. ;z^^ , pag. 236, édit.
1724, in-4.)
IV. Nous devrions placer ici peut-être quelques
remarques générales sur les névralgies de la cin-
quième paire, considérées dans l'ensemble de toutes
les variétés qu'elles peuvent offrir ; nous trouvons
plus commode néanmoins de renvoyer aux consi-
dérations générales sur les névralgies de la face ce
que nous avons à dire de celles-ci ; car nous tenons
à ne pas interrompre par de longues réflexions la
série des faits qui doivent trouver place dans ce
travail. Aussi allons-nous passer immédiatement à
l'histoire des névralgies de la portion dure de la
septième paire.
Névralgies du Nerf facial.
Rien n'est plus faux que l'opinion long-temps,
généralement admise , et consignée encore au-
jourd'hui dans des ouvrages estimés , que le nerf
(79)
facial est le siège ordinaire du lie douloureux.
Ceux mêmes d'entre les praticiens qui ont déjà re-
levé en partie cette erreur, comme MM. Boyer et
Deîpech , en sont restés encore entachés, car assu-
rément la névralgie du facial n'est pas aussi fré-
quente qu'ils le disent. Ce n'est pas que nous pré-
tendions donner notre assentiment à l'assertion de
Georget , qui déclare que jamais celte névralgie n'a
été observée. Non, cette assertion est fausse, et on
va le voira l'instant; mais c'est certainement une
affection fort rare que la névralgie simple çlpri-
mitive de la portion dure de la septième paire de
nerfs. Ce n'est pas sans peine que , entre plusieurs
centaines d'observations détaillées de névralgies de
la face que nous avons rassemblées de toutes parts,
nous en avons trouvé quatre ou cinq de l'espèce de
celles dont nous nous occupons maintenant ; et
encore sont-elles bien loin d'offrir les conditions
que l'on y désirerait , et qui seraient indispensa-
bles pour qu'on pût prendre sur elles une idée
nette et complète de la maladie.
A défaut de faits plus précis, nous indiquerons
d'abord sommairement les premiers de ceux qui
vont suivre, dont Ig^ détails portent sur d'autres
points que ceux que nous avons à faire connaître
ici , et nous placerons à la suite les observations les
plus concluantes qui nous soient connues.
( 80)
OBSERVATION DIX-NEUVIEME.
Névralgie du Nerf facial.
Une dame de trente-sept ans , d'une constitution
faible et très nerveuse , après deux années d'une
santé languissante , éprouva , au commencement
de 1821 , des douleurs vagues , tantôt au ventre,
tantôt à la poitrine ; l'appétit diminua ; elle perdit
le sommeil et tomba dans l'amaigrissement. Vers
le milieu de cette même année , elle ressentit , par
accès irréguliers et éloignés, des douleurs vives
dans les mâchoires, que l'on attribua à des maux
de dents. Bientôt ces douleurs se concentrèrent
sur le nerf facial du côté droit ; elles reparurent
tous les jours à des heures indéterminées , et fini-
rent ensuite par revenir à peu près à une heure
fixe. Elles commençaient de six à huit heures du
soir, et se prolongeaient jusqu'à deux ou trois
heures du matin. Ces douleurs étaient déchi-
rantes : elles ne tardèrent pas à porter leurs effets
sur les voies digestives, et donnèrent lieu à des
vomissemens violens. La malade en vint au point
de ne pouvoir plus rien supporter dans l'estomac,
même entre les accès.
« Cet état des organes digestifs ( dit l'observa-
teur) n'était que sympathique; car le point de dé-
part des douleurs éîait bien au nerf facial. La sen-
sation douloureuse commençait à la sortie de ce nerf
par le trou stylo-mastoïdien , et se prolongeait à
la région temporale , à la joue , aux lèvres et k la
(81)
partie supérieure du cou : la bouche était un peu
tournée du côté malade. » Après avoir tenté inu-
tilement un grand nombre de moyens contre cette
névralgie , on mit en usage le sulfate de quinine ,
et en peu de temps la malade fut guérie (i).
Nous ne donnons les observations qui vont
suivre que comme des exemples probables de né-
vralgie du nerf facial.
OBSERVATION VINGTIEME.
Une dame de trente-huit ans , après de grandes
agitations morales , ressentit de temps à autre une
douleur ressemblant à une espèce de commotion
électrique, dans tout le côté gauche du corps , et
plus particulièrement à la partie de la face où se
trouve située la pâte d'oie. La belladone et le mu-
riate sur-oxigéné de potasse se montrèrent les
moyens les plus efficaces contre cette affection (a).
Brasdor avait communiqué le fait suivant à
MM. Brewer et Delaroche.
' F. Ribes, Obsen^atioTi de Névralgie du Nerffacialy etc.,
dans le journal de physiologie de Magendie. T. II, p. 219,
= Biblioth. Med, T, ^9 , p. no,
0
(82)
OBSERVATION VINGT -UNIEME.
Le 1 6 avril 1 788 , le nommé Charles Lemonnier,
âgé de trente ans, fut admis à Thospice de l'École
de chirurgie, dont le ciloyen Pelletan était alors
chirurgien en chef. Cet homme était tourmenté
d'un mouvement convulsif presque continuel du
muscle auriculaire antérieur du côté droit, et d'une
douleur vive qui paraissait se propager suivant
les principales distributions de la portion dure
du nerf auditif. On attribuait sa maladie à la lésion
d'un des principeaux rameaux de cette portion
dure , occasionée par une saignée faite un an au-
paravant à l'artère temporale , pour le délivrer
de vioîens maux de tête. Le citoyen Pelletan cau-
térisa profondément les parties situées vis-à-vis le
cartilage de l'oreille , à l'endroit où l'on avait pra-
tiqué la saignée. Les mouvemens convulsifs ces-
sèrent par la destruction du muscle auriculaire
antérieur, mais la douleur continua. Pour la cal-
mer on Ot prendre au malade de l'huile animale de
Dippel , que l'on porta jusqu'à la dose de vingt-
cinq gouttes, mais sans en obtenir aucun effet, et,
le 10 juillet de la même année, le malade, tou-
jours souffrant, sortit de l'hospice. [Bibliothèque
germanique^ tom. V, pag. 38.)
L'observation suivante est plus positive : aussi
la donnerons-nous avec ses détails. Nous y som-
( s-"? )
mes d'ailleurs engagés par rinterêl qu'elle pré-
sente sous d'autres rapports.
OBSERVATION VINGT - DEUXIEME.
Névralgie du Nerf facial.
M. de L^** , capitaine au régiment , âgé pour
lors d'une Irentaine d'années, vif, vigoureux et
replet , d'une humeur enjouée , d'une santé habi-
tuellement bonne, était malade depuis plus de
dix-huit mois , quand j'eus occasion de le voir.
J'examinai attentivement son état; exti^êmement
défait, dans le dernier degré d'amaigrissement, à
peine pouvait-il se tenir debout. Une toux sèche
et continuelle le tourmentait beaucoup ; il avait
de temps en temps des tiraillemens si douloureux
et si violens à toute la partie gauche de la tête,
que l'œil et la bouche de ce côté entraient pour
lors dans une contraction spasmodique effroyable
au premier aspect. Ces tiraillemens partaient de
l'occiput, un peu au dessus de la nuque, entre
elle et l'apophyse mastoïde. Ce point douloureux
avait présenté , dans le premier temps de la ma-
ladie, un gonflement pâteux très léger, qui avait
bientôt entièrement disparu. Il était si sensible que
l'on causait au malade les douleurs les plus cruelles
pour peu qu'on y touchât, et soudain la crise se
renouvelait. Ces instans une fois passés, il ne souf-
frait point de la tête , mais son état était d'autant
■ ( 84 )
plus fâcheux que le moindre mouvement du cou
ou desniâchoires, un léger froltemenl, une attitude
gênante, un bruit inattendu, une chose quelconque
qui l'affectât, suffisaient ie plus souvent pour rap-
peler les paroxismes. Leur durée était inégale (au
plus quatre à cinq minutes) et assez ordinairement
en raison de la cause qui les avait produits; ceux
qui survenaient spontanément, c'est-à-dire sans
être déterminés par un agent extérieur, étaient gé-
néralement plus longs et plus violens ; chaque ac-
cès commençait par un point de douleur plus ou
moins aigu , vers Focciput, à Tendroit ci-dessus dé-
signé , et ce point dolorifîque était constamment
ie même, d'où, comme de leur foyer, de leur
centre commun, s'élançaient avec rapidité des
rayons douloureux vers la bouche , l'œil et la joue
gauche, et, presque en même temps survenaient
des convulsions aux muscles de ces parties. On
avait, dès le commencement de la maladie, ap-
phqué sur cet endroit des vésicatoires, plus bas
un séton qui existait encore, ce qui avait d'abord
procuré de légers soulagemens ; mais bientôt les
accidens avaient repris une nouvelle intensité. La
peau était sèche et brûlante, presque point de
sommeil , sans cependant que les douleurs de tête
se renouvelassent plus souvent la nuit, et le peu
qu'il y en avait était à chaque instant interrompu
par des crampes douloureuses.
Celle maladie, qui, comme il a été dit, durait
depuis plus de dix-huit mois, avait commencé par
( s^ )
de violentes douleurs de tête, qui revenaient par
intervalles 1res rapprochés ; celles-ci cédèrent, et
la poitrine fut affectée. Les forces cependant di-
minuaient sensiblement ; Fesîomac faisait mal ses
fonctions ; l'appétit n'était plus le même ; une
sombre tristesse s'emparait du malade. A six mois
de là environ , en allant se coucher, il sentit subi-
tement , à l'endroit qui depuis est devenu le point
central du tic, une douleur poignante des plus
aiguës , qui , d'abord, reparut une ou deux fois par
jour, puis plus souvent, augmentant graduelle-
ment d'intensité, ensuite accompagnée de mouve-
mens convulsifs plus ou moins violens. Elle par-
vint enfin par accroissemens insensibles et journa-
liers au point où je la voyais. L'état inquiétant de
la poitrine, l'insomnie, la susceptibilité nerveuse ,
s'étaient successivement développés. L'exténuation
surtout était portée à un point singulier, parce que
M. de L*^"^ n'osait prendre des alimens solides,
craignant avec raison que la mastication ne pro-
curât quelques accès douloureux. Exactement in-
formé de tout ce qu'on avait inutilement mis en
usage (et que n'avait-on pas fait? les bains, le
lait , l'opium , l'éther pris intérieurement , furent ,
entre autres , les principaux moyens sur lesquels
on avait insisté), je crus devoir attribuer cette
série d'accidens au virus vénérien. Le malade , à
différentes reprises, avait eu des symptômes véro-
liques bien caractérisés, pour lesquels il n'avait
jamais voulu se soumettie à des traitemens mé-
(86)
ihodiqucs ; entre autres des gonorrhées qu'il avait
lestement répercutées. D'ailleurs, tous les moyens
employés jusqu'alors par des médecins éclairés se
trouvèrent infructueux , et les mercuriels n'avaient
jamais été donnés. Je me crus suffisamment fondé
à proposer la friction. Le malade adopta mon avis
et se rendit à la garnison.
A peine y fut-il arrivé que je le mis à un régime
humectant et adoucissant. Peu de jours après,
je supprimai le séton, et nous commençâmes le&
bains ; mais, à mon grand regret, la préparation fut
courte. La toux devint plus opiniâtre , les insom-
nies plus fréquentes, aussi bien que les accès
douloureux de la tête; tous les symptômes s'aggra-
vèrent, et je me vis obligé de hâter l'application
du mercure pour brider la fougue du virus , dont
je craignais de ne pouvoir plus me rendre maître,
pour peu que j'attendisse encore. Je continuai le
traitement, de façon que mon malade se baignait
le matin et se frottait le soir ; ce cas-ci me parut
un de ceux où cette méthode devait avoir le plus
grand succès.
Aux premières frictions, qui se faisaient de deux
jours l'un , nous employâmes demi-gros d'onguent
mercuriel à parties égales ; la quatrième fut portée
à un gros ; et, dès la septième, les accidens com-
mencèrent à diminuer. Assuré pour lors de la
bonté de mon diagnostic , le malade continua les
remèdes avec une entière confiance, et je ne dou-
tai plus de sa guérison. De jour en jour, par gra-
( 87 )
dations insensibles, le sommeil revenait, la toux
était moins fatigante , les accès du tic perdaient
en même temps de leur fréquence et de leur inten-
sité. M. de L^^* renaissait pour ainsi dire, retour-
nait à la vie , et goûtait de nouveau le plaisir
d'exister, qui, depuis quelque temps, était changé
pour lui en un tourment presque continuel. Une
boisson délayante et abondante, du lait au sortir
du bain et le soir en se mettant au lit , une purée à
midi, composaient son régime. A la douzième fric-
tion nous augmentâmes d'un demi-gros la dose
de pommade mercurielle. A la dix-neuvième , les
accidens disparurent en entier ; le malade repre-
nait de la force ; son teint s'améliorait ; l'appétit
se faisait sentir, et les digestions étaient bonnes ;
aussi lui permis-je davantage d'alimens. Après le
bain, une soupe au lait , une semblable le soir, un
potage gras pour dîner, avec des œufs frais ou du
poisson choisi, quelques pommes cuites, quelque
peu de confitures. Quoiqu'il n'existât plus le moin-
dre signe de maladie , quoique tout annonçât une
convalescence décidée, je ne crus cependant pas
pour cela devoir cesser de donner du mercure *,
j'en portai dès ce moment la dose à deux gros.
Mon malade prit cinquante-cinq bains , et em-
ploya, en vingt-cinq frictions environ, trente-
quatre gros d'onguent à parties égales, dont il
faut cependant défalquer, par approximation, ce
que devait faire perdre Fabstersion journalière
des bains , espèce d'infidélité d'une estimation et
( as )
d'une évaluation assez difficile. Dans le courant
du traitement , qui a duré près de deux mois et
demi , nul accident remarquable n'est survenu ;
quelquefois nous avons pu prendre les frictions
pendant plusieurs jours de suite; d'autres fois un
léger commencement de ptyalisme nous les a fait
suspendre; ce qui n'empêchait jamais de prendre
exactement un bain chaque jour. Dans les derniers
temps on avait soin de tenir l'eau au dessous du
degré de chaleur de la peau, et d'y rester une
bonne heure; ce qu'il eût été impossible de faire
plus lot. La convalescence a été des plus heureuses;
j'ai évacué à plusieurs reprises avec de doux mi-
noratifs ; j'ai conseillé un régime restaurant; et,
depuis plus de neuf ans , M. de L^*^ jouit de
la meilleure santé et d'un embonpoint qui l'an-
nonce ^
Nous noterons , en terminant le récit de ce fait ,
outre la direction des élancemens douloureux,
qui ne peut convenir qu'aux ramificaiions du nerf
facial, et le point de départ des souffrances qui se
rapproche plus , indubitablement, de ce nerf que
de tout autre, nous noterons, disons-nous, ces
agitations convulsives de la face, qui s^explique-
raient si naturellement si l'on tombait d'accord avec
Charles Bell sur la nature des fonctions qui sont
' Wa?o:i , Joiirr,. de Mcd. et de Chir. Mars 1793.
T. 9.) , p. 233.
(89)
attribuées au nerf facial par l'ingénieux physiolo-
giste anglais ; et, à cette occasion, nous ne pouvons
nous empêcher de faire remarquer le rapport assez
singulier qu'il y a entre la rareté des mouvemens
convulsifs de la face dans les névralgies de cette
partie, et la rareté de l'affection spéciale du nerf fa-
cial dans la même maladie (quoique les convulsions
ne soient certainement pas un attribut exclusif de
ces dernières névralgies). Cette remarque s'appli-
que, comme on va le voir, à l'observation suivante.
OBSERVATION VINGT - TROISIEME.
Névralgie du Nerf facial.
La femme de Jean Brechtel , vigneron de Col-
mar, âgée de quarante-deux ans, d'une constitu-
tion sèche, d'un tempérament bilieux, est accou-
chée il y a dix-huit mois. Elle a nourri son enfant
pendant un an ; depuis trois mois ses règles ont re-
pris leur cours ordinaire. Un mois avant de sevrer
son enfant , elle a pris des douleurs comme rhu-
matismales , qui se sont fixées d'abord sur la cla-
vicule gauche , et transportées ensuite sur la cla-
vicule droite. Elles s'étaient toujours bornées a ces
deux régions sans s'étendre plus loin. Ayant souf-
fert ainsi pendant un mois, cette femme a pris le
parti de sevrer son enfant. Elle attribuait son état
de souffrance à un allaitement trop prolongé, et
espérait qu'en sevrant elle éprouverait du soula-
(90)
gement ; mais , malgré cette mesure, les douleurs
ont continué comme du passé, jusqu'il y a envi-
ron quatre semaines (mois de mars 1814 ) , qu'elles
ont quitté leur premier siège pour se porter à la
tête. Voici ce que la femme Brechtel éprouvait :
Les douleurs venaient par accès périodiques irré-
guliers ; les attaques étaient subites comme un coup
électrique, et elles cessaient de la même manière;
dans l'intervalle des accès elle était parfaitement
libre. Les douleurs étaient lancinantes , déchi-
rantes , pulsatives , presque insoutenables ; elles
commençaient dans la première vertèbre cervicale,
passaient par-dessus l'occiput et le vertex, se por-
taient sur l'os frontal, sur le nez, sur l'œil, la
tempe, et sur toute la partie gauche de la tête et de
la face , de manière que les douleurs occupaient
entièrement la moitié gauche de la tête , et que tout
le côté droit demeurait libre et indolent. Pendant
l'accès , qui durait une heure et quelquefois plus ,
la malade éprouvait des trémoussemens dans les
parties musculaires affectées ; l'œil devenait rouge
et larmoyant. Le matin, les douleurs étaient plus
supportables , mais elles devenaient de plus en plus
fortes vers le soir. Pendant la nuit, elles avaient le
plus d'intensité , contre l'ordinaire de ce qui ar-
rive dans le tic douloureux ; les accès étaient alors
si violens et si rapprochés que cette malheureuse
femme, en proie aux plus vives souffrances, ne
pouvait reposer un instant. La périodicité , la viva-
cité excessive, insoutenable des douleurs, l'invasion
( 91 )
et la cessation subite des accès , le trémoussement
dans les fibres musculaires des parties occupées
par la douleur, me démontraient évidemment que
cette affection était une véritable névralgie , qu'on
appellera, si l'on veut, rhumatismale, d'autant
plus que cette femme attribuait son mal à de fré-
quentes suppressions de transpiration , occasio-
nées par refroidissement. Quoi qu'il en soit, des
sangsues , des vésicatoires avaient été appliqués ;
on avait entretenu la suppuration de ces derniers
pendant quelques temps, le tout sans succès.
Ayant été consulté, le 16 mars 1815 , je prescrivis
les pilules d'extrait de jusquiame noire , de racine
de valériane sauvage et d'oxide de zinc sublimé ,
avec l'infusion de feuilles d'oranger et de fleurs de
tilleul , à prendre immédiatement par-dessus ces
pilules, le matin et le soir, en augmentant pro-
gressivement ces dernières, selon l'usage accou-
tumé. La malade ne put aller que jusqu'à dix pi-
lules pour chaque dose , nombre auquel elle s'est
arrêtée. Dans la première huitaine de l'usage de
ces remèdes , elle éprouva déjà un grand soulage-
ment ; les accès diminuèrent beaucoup en nom-
bre et en intensité : au bout de trois semaines ils
eurent entièrement disparu. La malade continua
encore pendant quatre semaines ses remèdes pour
consolider sa guérison , qui ne se démentit plus ^
» Meglin, Rech. et Oh s. sur la Névralgie faciale. Stras-
bourg, i8i6j iii-8^.
( 92 )
La névralgie dont nous allons emprunter This-
loire à Weisse , semble débuter comme une né-
vralgie maxillaire ; mais bientôt la douleur re-
monte du rameau où elle avait pris naissance vers
le tronc d'où émane ce dernier, et alors les élan-
cemens que la malade éprouve jusque dans la pro-
fondeur de Toreille interne, font mettre en doute le
véritable siège du mal. Ce pouvait être en effet ou
un tic facial proprement dit , ou une névralgie du
nerf maxillaire inférieur, s'étendant à son rameau
temporal, et par là jusqu'au rameau tympanique.
Quoi qu'il en soit ^ le fait mérite dans tous les cas
d'être connu et examiné, et nous le rapportons
tout entier.
OBSERVATION VINGT- QUATRIEME.
« Puella qusedara, annos viginti nata , nullo
morbo, nisi rheumalica biliosa febre laboraverat ;
a qua tamen ad pristinam sanitatem restituta fue-
rat, ita, ut nullum quidem pristini morbi vesti-
gium superesset. Mensium fluxus semper regu-
laris fuerat ; atque in hoc quoque morbo rite flue-
bant menses. Mense autem octobri anni 1795, con-
querebatur de dolore maxillam inferiorem lateris
dextri occupante. Hic dolor mox quasi dilacerans
erat, mox tendens, moxpungens, adeo ut aegroîa
sensumillum, quem percipiebat, non satis pers-
picue verbis exprimere posset. Dolor vero singu-
lis diebus aliquoties revertebatur , maxime post
(93)
nieridiem atque multam molesliam quotidie fere
auctam faeminae afferebat. Simul ac illa aliquid
cibi sumeret, dolore suo vexabalur, isque impe-
tum suum , et quidem majori cum vi , etiam tune
redintegrabat , quando segra in aère libero versa-
batur, atque in bypocaustum calidum intrabat.
Ante doloris impetum latus affectum frigescehat,
ac musculi illius loci intumescebant : pulsus erat
aliquantum irritatus cœterum naturalis. Quibus
praegressis, dolor irruebat, atque per quadrantem
vel eûam dimidium horse, atque interdum etiam
diutius, durabat. Eorum tamen symptomatum
neque duratio , neque tempus, quo redirent , prae-
dici poterat. Vesperi, cum iectum peteret aegrota,
dolor apparebat, eratque longe gravior, quara
interdiu : dein vero , id quod miserae magno solatio
erat , post quietum situm horae unius et dimidise ,
dolor subito evanescere solebat , quo facto som-
nus plerumque insequebatur. Ab omni calido cibo
potuque abstinere debebat, quippe qui dolorem
excitabant. Talis erat puellse status, quumse mihi
committeret. Quae cum dentibus cariosis laborarêt,
atque jam antea doloribus dentium vexata fuisset,
et neque in facie , neque in ore aliquid haberet ,
quod pro causa mali haberi posset ; initio dentés
cariosos pro causa doloris habendos esse existi-
mabam. Sed paulo post me in errore fuisse vide-
bam : eegrota enim cibos frigidos in latere affecto
non minus, quam in sano, manducare poterat,
sine omni doloris dentium sensu. Ipsa quoque di-
( 94 )
cebat , dolorem non in dentibus , sed potius in car-
nosa faciei parte sedem suam habere. Dolor erat
fîxus, atque in parvo loco, et quidem in medio
dextise maxillae in ferions residebat. Quum locus
affectus externe premerelur, dolor, tam in pa-
rosismo angebatur, quam extra illum redibat :
hoc phsenomenon in doloribus aliarum partium non
animadverteram. In latere maxillae exteriori nil
aderat, quod causam doloris indicaret. NuUa ru-
bedo, nulla durities externe conspicua erat, sed
levis solummodo tumor, qui paulo ante paroxis-
mum apparebat et cum illo disparebat. Hujus
morbiindolem probabiliter rheumaticam esse mihi
persuadebam, quia aegrota in cubiculo humido ha-
bitabat eamque ob causam remédia, quse in ejus
modi morbis dare soient, adhibebam, additis ta-
men medicamentis evacuantibus , propter sordes
n primis viis haerentes. Purgatis vero primis viis
sequentem formulam praescribebam.
%, TarL vitriol, drachm, duas,
Pulv. gumni, giiai, drachm. iinam,
Antim. crud.
Extr, aconit, ana. scriip. mium^
S ace h. alb. drachm. unam.
M. F, pulv. D. S. capiat mane et vesperi
cochlear. parvum.
Simui praescribebam decoctum ex ligno guaiaci,
juniperi , stipitibus dulcamarse et herba millefolii.
(95)
Externe linimentum volatile cum oleo succini in-
fricari jubebam , atque aegrae convenientem vitae
vielusque rationem commendabam. Initio dolor
aliquantum minuebatur, sed deinde dolor gravior
evadebat, atque res aegrae in pejus ruebant. Antea
raro ante meridiem doloris impetum experiebatur
aegrota , nunc etiam ante meridiem atque noetu
per très quatuor ve horas illum percipiebat. Jam
quoque dolor non amplius in uno loco residebat,
sed vagus modo maxillam superiorem et tempora,
modo magis aurem internam occupabat. Ante im-
petum saepe , maxime vesperi, non tamen semper,
frigus aderat illudque insequebatur calor. Nunc
frictiones tentabam, sed frustra. Intra triduum tria
vesicatoria pone aurem adplicari jubebam ; sed
nullum levamen insequebatur. Durum illum ma-
lum jam duodecim per hebdomadas ssevierat, at-
que miseram vehementissimum in modum vexa-
verat. Aderat magna corporis débilitas et macies,
quia dimidium noctis vigilando peragebat aegrota,
ciborum appetentia prorsus nulla, atque dum ci-
bos caperet fœmina, redibant increscebantque
dolores, quod antea factum non erat. Notatu di-
gnum et hoc est. In principio morbi aegra cibis fri-
gidis vesci potuerat , nullum doloris impetum
sen tiens : in praesenti vero ab omnibus frigidis
abstinere illam oportebat , quippe quae acerbis-
simis doloribus illam adficiebant. Calidi cibi po-
tusque minus incommodi afferebant, nec tamen
raro et hos dolor insequebatur. Pedes semper fri-
(96)
gidos habebat, qunm antea semper, maxime seslatis
tempoi e , sudarent : hinc ssepe pediliivia commen-
dabam ad sudorem reducendum. Quo facto dolor
aliquanlum imminuebatur , mox vero pristina
vehementia redibat , atque pediluviorum usum
frustraneum esse demonslrabat. Nunc unguentum
Homii adhibebam, illudque sequenti formula prae-
scribebam.
%, Camph, scrap, unum y
Solve in
01. terebinth. drachni. duab,^
Adde
SaL C. C. voL gran. quindecim,
Sem. cumin, diachm, duas ,
Ungu. nervin» une, semis,
M, F, unguentum parti adfectce adpli-
candum.
Hoc unguentum licet ingralum agrotse esset , ta-
men illud illiniebat , ut doiore îiberaretur. Simul
quoque commemorata remédia interna continua-
bam 5 atque veheraenter gaudebam , quum vide-
rem dolorem decrescere , et pauîo post ex toto
evanescere. Lsetans hoc malum horribile subla-
tum esse, mulierculas suadebam , ut hoc unguento
per aliquot tempus adhuc uteretur, id quod etiam
hibenter fecit.
Sed , proh dolor ! malum post octodecim dies
denuo redibat, locumque priori oppositum occu-
(97 )
pabat. Ad illum usqae diem aegra domi el in cu-
biculo manserat, nec quidquam comraiserat, qiiod
|)ro caussa reditus doloris haberi poluisset. Pri-
mum neffipe dolor sinistri iateris maxillam supe-
riorem occiipabai, deinde lolum dimidium capitis.
Hic poslquam per dimidium horse adftierat, subito
ad dexlrum îalus maxillae inferioris descendebat;
tune autem dextram internam aurem petebat , ibi-
que cruciatus per dies noctesque exeitabat. Ves-
peri forti frigore corripiebatur segrota. Extremse
eorporis partes semper glaciei instar gelidas eranl.
Per loiamnoctemsomnusacaperenequibat. Anxie-
tate doloreque discruciata stragula de peclore re-
movebat, et in leclulo devolvebatur, et pulvinaria
mordebat, donec doiore stupefacla ac delassata
sopore corriperetur : dolor enira circa fmem pa-
roxismi totum caput oceupabat, maxime vero, ut
jam dixi, aurem dextram interiorem. Hoc modo
dolor singulis diebus , maxime vero noclu , ssevie-
bat, aegrotaque per sex fere menses vitam suam
miserrime ducebat,
Nunc oiîinia a celeberrimis medicis in ejusmodi
doiore commendala remédia adhibebam ; sed el
horum medicamentorimi vim dolor ekidebat. iEgra
ut noctu non nihii quietis haberet, etiam opiata
largis dosibus capiebat, sed frustra. Malum in
pejus ruebat, opiumque vehemenîissimi dolores
insequebantur, Nec cicuta , quani magna dosi de-
deram sahitarem eifeciuni habebat. Tandem in
menîem mibi veniehat, illustrissimum Starkium,
7
(98)
praeceptorem summe colendum , in collegio prac-
tico , unguentum neapolitanum lanquam unicum in
prosopalgia remedium , commendasse. Sine morâ
hune meum prseceplorem adibam, qui meum con-
siliura adprobabat. Nune hoc unguentum magni-
tudine pisi , singuhs diebus mane ac vesperi am-
babus maxillis infricari jubebam. Post lertiam ad-
plicationemdolor lateris sinisUi cessabal : in dextro
subsislebat quidem, sed parvus erat. Post sextam
adphcationem dolor qui tara diu, tamque crudeHier
ssevierat, ex toto evanescebat. Non insequebatur
sahvatio, hcet muliercula infricati^ones adhuc aU-
quoties repeteret; dentés modo aliquantum ex suis
alyeolis eminebant. Interne decoctum supra indi-
catum continuabat , atque eliam tincturam guaiaci
volatilem sumebat. Praeler hsec, victnm conve-
nientem ac nutrientem commendabam , additis
tandem medicamentis roborantibus. Hac ratione
medendi segra omni dolore hberabatur, ejus corpus
reficiebatur, et ad pristinum robur revertebatur,
ita ut ad hune usque diem optima sanitate fruatur.
Les faits qu'on vient de Vire doivent suffire pour
démontrer que si la névralgie faciale , proprement
dite, est une affection rare , elle n'est du moins pas
sans exemple. Trois cas publiés, l'un par Hartmann
[Dus. in. med. sistens ohs. gaasd. de prosop. Tu-
bingue, 1811 j, et les autres par Bellingeri (Z^^
nervis et neiiralgia fnciei. Turin, 1818), nous
( 99 )
ien fourniraient au besoin de nouvelles preuves;
enfin nous pouvons citer à ce sujet l'autorité d'un
observateur fort distingué , du docteur Dance, qui
en a eu deux cas à traiter à l'hôpital Cochin , et
qui fera sans doute part au public de ses observa-
tions.
Poursuivons, et voyons encore quelques cas dans
lesquels l'affection du nerf facial se joignait a celle
du plexus cervical superficiel et de ses divisions.
Outre la complication de siège , il y a , dans le
fait suivant , complication dans la nature de la ma-
ladie ; mais , primitive ou non , une névralgie y a
existé, ou du moins des accès névralgiques; et ,
pour le moment , ceci suffît à notre but.
OBSERVATION VINGT - CINQUIEME .
La nommée Geneau (Marie- Anne) , âgée de
trente-huit ans, ouvrière, se présenta à M. J. Clo-
quet, le 5 janvier 1825. Dix mois auparavant elle
avait travaillé , ayant le cou découvert , près d'une
croisée, par laquelle entrait un air froid. Pendant
la journée elle n'éprouva rien ; mais en se réveillant
le lendemain matin , elle sentit au dessus de l'o-
reille gauche une douleur vive, caractérisée par
des accès d'élancemens et par une cuisson conti-
nuelle semblable h celle provenant de l'application
d'un vésicatoire, quand on a enlevé l'épiderme. La
pression fut bientôt si douloureuse que la malade
ne put poser ce côté sur l'oreiller ; les accès d'é-
( 100 )
lancemens la réveîîlaieiit pendant ia nuit. Le jour
elle ne pouvait (ravailîer. Les règles se supprime-
renl. Quelques jours après, les douleurs s'éten-
dirent au cou , et des engourdissemens se firent
sentir jusqu'au bras. Quand l'avant-bras était à
demi fléchi , comme dans l'action de coudre , il se
manifestait des picotemens dans les doigts , et
quand il était pendant, il n'y avait que de l'engour-
dissement. La malade ne portait la main sur sa
tète qu'avec grande peine. L'application de douze
sangsues, des cataplasmes émolliens, des pilules
purgatives, des applications de compresses im-
bibées d'eau-de-vie camphrée, des douches d'eau
de pluie sur le cou , poussées au point d'ar-
racher des cris à la malade, n'avaient amené
aucune amélioration, non plus que les bains de
pieds sinapisés ; des bains de vapeurs , des bains
simples , une saignée du bras, quarante sangsues,
un séton à la nuque entretenu pendant un mois ,
une saignée du pied , deux ventouses scarifiées à
la tempe , enfin des frictions avec un Uniment
camphré, avaient été également sans effet. Le
5 janvier, il y avait des élancemens très vifs de-
puis la région temporale gauche et le cou, jusque
dans le bras correspondant. La malade ne pouvait
dormir ni lever ce membre ; elle baissait un peu
la tête , mais ne la relevait qu'avec les plus vives
douleurs ; elle ne pouvait la tourner ni à droite ni
à gauche: elle sentait comme plusieurs cordes le
long du cou, et éprouvait de la constriction dans t
( 101 )
le sens transversal. Les douleurs étaient, airoces. et
la malade poussait des gémissemens continuels.
Quelquefois, quand elle s'appuyait sur le bras, au
moment où elle se croyait très solide, ce membre
cédait subitement. Quand elle mangeait, les mou-
vemens de la mâchoire étaient quelquefois si dou-
loureux qu'elle était obligée de les suspendre
aussitôt. M. J. Gloquet introduisit trois aiguilles ,
l'une derrière l'oreille, et les deux autres un peu
plus bas. Au bout d'une heure et demie on retira
les aiguilles , et les douleurs étaient encore aussi
vives, les engourdissemens du bras étaient les
mêmes. Le 6, on introduisit une aiguille vers la
partie supérieure du cou : elle y resta pendant une
demi-heure , après quoi les douleurs , tout aussi
vives qu'auparavant, se présentèi*ent cependant à
des intervalles plus éloignés ; quant aux cuissons ,
elles étaient continuelles et vives. M. J. Glo(|uet
introduisit alors une aiguille dans le muscle sterno-
mastoïdien, du côté malade, qui était fortement
contracté. La contraction persista. Au bout de
deux heures et demie, les douleurs devinrent si
vives que toute la l'égion latérale du cou était
rouge et tendue , la figure de la malade animée, et
les yeux larmoyans. On retira l'aiguille : on vit
alors le muscle sterno-mastoïdien former, par sa
tension , à l'endroit de lapiqûi e , une tumeur grosse
comme une noisette, tumeur qui disparut , un in-
stant après , avec les élancemens. La cuisson di-
minua; mais les élancemens, qui parurent cepen-
( 102 )
dant revenir à des intervalles plus éloignés dans le
reste de la journée, reslèrent ensuite aussi vifs et
aussi fréquens qu'auparavant. La malade ayant dit
qu'ils partaient de derrière l'oreille, le 7 on intro-
duisit dans cet endroit une aiguille, qui fut retirée
au bout d'une heure et demie sans avoir procuré
aucun changement. Le 10 , même état; on intro-
duisit encore deux aiguilles au cou et une derrière
l'oreille. Un instant après, élancemens très vifs,
face rouge , yeux larmoyans , lipothymie. Pendant
l'application des aiguilles et après, les élancemens
furent tout aussi intenses , et se manifestèrent à
des intervalles aussi rapprochés. Cependant, dans
le courant de la journée , la malade fut pendant
une heure sans éprouver d'élancemens, tandis
qu'auparavant ils revenaient au bout de cinq mi-
nutes ; mais , cette heure écoulée , ils reprirent leur
fréquence ordinaire. Le 11 , on introduisit encore
trois aiguilles aux mêmes points , mais très super-
ficiellement. On les laissa en place une heure et
demie, et elles ne produisirent aucun effet. La ma-
lade, rebutée sans doute par l'insuccès , fut un
mois environ sans revenir consulter M. Cloquet. '
Alors ce médecin , étonné de trouver si rebelle
une affection contre laquelle l'acupuncture lui pa-
raissait le remède le plus efficace , songea à y as-,
socierle fluide galvanique. Plusieurs essais n'ame-
nèrent aucun changement avantageux.
Nous passons sous silence, pour le moment, les
caractères particuliers qu'offre la névralgie dont
( 103 )
Oïl vient de lire l'histoire, son analogie, et pour
ainsi dire la combinaison qu'elle présente de sa
nature avec celle du rhumatisme ; nous aurons oc-
casion plus tard de revenir sur ce sujet; nous n'ap-
pelons l'attention que sur le siège probable du
mal. Les nerfs du plexus cervical étaient certaine-
ment les plus compromis , mais le facial n'y était
point étranger.
Enfin , nous ne pouvons considérer comme étant
hors du sujet qui nous occupe, une névralgie qui ,
à la vérité, ne siège point à la face, mais dont
l'extension peut finir par envahir jusqu'à cette ré-
gion , et dont la connaissance est d'ailleurs néces-
saire pour qu'on puisse mettre toute la précision
nécessaire dans l'établissement du diagnostic des
névralgies de la face proprement dites. L'alfection
que nous avons en vue est celle qui a été décrite
par Paleîta, sous le nom de Névralgie mastoï-
dienne. N'ayant pas à notre disposition l'ouvrage
de l'habile observateur italien, nous emprunterons
à Weisse la description qu'il donne de cette névral-
gie; on verra par les termes mêmes dont il se sert,
et que nous reproduisons textuellement, que ce
n'est point une description de fantaisie , et que l'au-
teur ne dit que ce qu'il a vu , quoique sa descrip-
tion soit une description générale, et non l'histoire
d'un malade particulier.
( ^^^ )
OBSERVATION VINGT - SIXIEME.
Névralgie inastoïdiemic .
« Alius dolor, dolori faciei simillimus dura
partim in capite residet, partira certe ex codera
fonte oritur, praeterea ex iisdem qooque nervis
generatur, licet alium locum occupet. est dolor
processus mastoïdei ^ qui initio tanquam levis den-
lium dolor incidit , nonnunquam aulem tanquam
species levis trismi vehementioribus doîoribus
juncta apparet , tandem vero processum mastoï-
deum adfieit , unde vel antrorsum versus aurem ,
vel retrorsura ad occiput, aut sursum ad tempora,
aut deorsum ad colîum defertur. Hic dolor etiam
crebrius revertitur. Apud plerosque segrotos mor-
bus iste sequenti ratione se exhibuit : vesperi in-
columes lectum petebant, mane autemcxpergisce-
bantur cura sensu quodani singulari in musculis
coili, ac si caput aliquantum fiexum fuisset, mus-
culi que tensi fuissent. Quandiu "^g^^ri se non mo-
vebant , nihil incommodi sentiebant; simulac vero
aliquo modo caput movebant, illud vel leniter
erigentes vel antrorsum vel letrorsum fiectentes ,
illico eos vexabat vebemens dolor, qui in processu
mastoïdeo fixam habebat sedem. Hic dolor in dies
increscebat, ita, ut borum miserorum nonnuîli ne
minimum quidem capitis aut labiorum motum ex-
sererenec ullam fere vocem edere possent, dum
molestus ille sensus aderat. Tum vero nec muscu-
( 105 )
iorum relaxatio, nec extensio levasiien adreiebat,
sed lîtraquc eundeisi efTccîmii, ncrape gravera do-
lorera, prodccebat. Sola immola fisaqiie capitis
positura doiorem minuebaî.
«înterdum dolor eo usque augebalîîr, nt îE£!;ri
necslare, necbrachium movere, nec os iîaaperire
possent, Lil potiim cibumque caperent. Hic dolor
nonmiquam per decem, duodecim dies , nec raro
per tôt hebdomadas subsisiebal. Ssepias etiam, at
non semper, febris quoque adei^at , prseeipue in
iis , quibus major erat irritabililas. Interdmii doîor
sponle ac subito cessabat; interdum vero cedebat
per aliquod îempas, duobus tiibusve ulceribus ,
aut furuncuiis in collo ortis. Quod reiiquum est ,
neqiieevacuantibus, neque diaphoreticis remediis,
nec etiam vesicatoriis , dio continuatis , aul elec-
tricitale , friclionibusque aiife linimenîis volaliiibus
toili poterat dolor isle , sed solo iisU unguenti se-
quenti formula prœscripti :
% Uîigii. al th. une, unam
Ol. succm, , dî^achm. semis ^
CalomeL scrup, unum.
« M. D. S. infricetur aliqua pars quovis bihorio
vel tritîorio.
« Salutarem vero hujus remedii effectum non
oleo SQCcini, sed soli mercurio tribuendum esse ,
inde apparet , quod etsi plura linimenta unguen-
taque cum hoc oleo aliisque similibus oleis
sethereis infricarentur, dolor non cederet. Citius
( lOG )
adhiic evanescebal dolor, cum piilvis noster ex
i^uaiaco, cum aelhiope mirierali, aal mercurîo dulci
adhibebatur (Weiss. op. cit.), »
Nous croyons inutile d'ajouter ici des exemples
de la complication mutuelle des névralgies diverses
que nous avons jusqu'ici étudiées isolément. Ces
cas ne sont point de ceux qu'on a de la peine à
trouver dans les auteurs ; ce sont peut-être au
contraire les plus communs, car, si la maladie com-
mence toujours par une branche nerveuse isolée ,
il est rare, pourpeu qu'elle dure, qu'elle ne s'étende
pas aux rameaux voisins. Nous pouvons donc enfin
aborder la description générale des névralgies de
la face. Nous n'aurons plus à craindre désormais
de ne tracer qu'une esquisse de fantaisie et dont
les traits n'existeraient que dans noire imagination.
DESCRIPTION GENERALE DES NEVRALGIES DE LA FACE.
Si , rapprochant des faits qu'on vient de lire un
nombre d'observations assez considérable pour
avoir des exemples de toutes les formes de la ma-
ladie, on cherche à en tirer un tableau des phé-
nomènes qu'elle présente dans la généralité des
cas; ce tableau se rapprochera beaucoup de celui
dont nous allons tracer l'esquisse : les détails en
doivent nécessairement varier un peu selon le
nombre et la diversité des cas qui le foui'nissent.
( 107 )
Le tic douloureux , à quelque degré de violence
et d'opiniâtreté qu'il puisse parvenir , n'est jamais
par lui-même qu'une maladie intermittente. Aux
premiers temps de son existence, il laisse ie patient
jouir, dans l'intervalle des accès , d'une santé par-
faite. Ce n'est qu'après une assez longue durée,
ou quand il a acquis une horrible acuité, qu'il jette
dans l'âme du malheureux qu'il tourmente une
morosité perpétuelle , ou qu'il peut même troubler
Tordre et la régularité de quelque importante
fonction.
L'accès commence le plus souvent subitement,
avec la rapidité de l'éclair ou d'uiie étincelle élec-
trique. On l'a vu cependant , quelquefois , s'an-
noncer par une démangeaison de la partie affectée,
par une agitation spasmodique, une sorte de palpi-
tation des muscles , par la fausse perception de
quelque odeur désagréable , ou par quelque autre
sensation bizarre.
La douleur est limitée dans un espace fort étroit,
ou elle parcourt la direction connue d'une branche
nej'veuse , ou elle se propage à la fois dans un grand
nombre de ces cordons. Dans l'immense majorité
des cas, elle s'établit et reste toujours fixée d'un
côté de la face et le plus souvent à droite ; rarement
on l'a vue changer de côté, soit spontanément, soit
après la section du nerf affecté , plus rarement en-^
core , et cela ne s'est vu que deux ou trois fois y
avait-elle envahi les deux côtés en même lempSo.
Ce sont, le plus souvent, les nerfs sous-orbitaire,.
( 108 )
frontal, dentaires supérieur et inférieur, men-
tonnier, qui sont le siège de la maladie; il n'esi
pas ordinaire qu'elle débute dans plusieurs à la
fois , mais elle s'accroît par sa durée en étendue
et en violence. Quant à la douleur de la proso-
palgie , nulle autre , pour Fatrocité , ne paraît lui
pouvoir être comparée. Pour ce qui est de sa na-
ture , c'est un trait de feu qui traverse , qui tranche
la partie , c'est une effroyable commotion qui la
brise, ce sont des dents de fer qui la déchirent.
Le malheureux en proie à ces tourmens pousse
des cris de désespoir, ou , comme enchaîné par la
souffrance, reste sans voix, sans mouvement, la
face contractée et grimaçante, le corps ramassé
sur lui-même , les membres immobiles , et dans la
position où l'accès les a surpris. Assez fréquem-
ment les muscles du visage sont agités de mouve-
mens convulsifs ; la face est rouge et animée , ou
pâle et livide; pas de trace de fièvre; le pouls con-
serve au fort de la douleur son rythme naturel.
L'accès dure ordinairement une ou deux minutes,
ou seulement quelques secondes , mais il peut s'é-
tendre jusqu'à un quart-d'heure, une deiiii-hèure
une heure même , presque jamais au delà. La durée
en est généralement en proportion inverse de la
violence. Il se dissipe pour revenir chaque jour,
chaque heure, quelquefois même à chaque instant,
d'autres fois il laisse aussi de bien plus longs intei-
valles de calme. Assez souvent l'accès cesse aussi
brusquement qu'il a commencé ; d'autres fois il se
( 109 )
calme progressivement , et , chez un assez grand
nombre de malades , la terminaison prochaine en
est annoncée par des phénomènes qui varient pour
chacun d'eux.
On ne saurait, dans une description générale,
indiquer les phénomènes sans nombre qui peuvent
se présenter, et dont quelques uns se montreront
sur un ou deux sujets pour manquer dans cin-
quante autres ; il y aurait d'ailleurs peu d'utilité à
s'arrêter h l'étude minutieuse de toutes ces varié-
tés, nous dirions presque de ces bizarreries de la
maladie ; nous nous attacherons seulement à faire
connaître quelques unes de ses Formes principales,
auxquelles se rattachent des données de quelque
intérêt pour le pronostic ou le traitement. Nous
ne comptons point dans ce nombre toutes les es-
pèces diverses de névralgies faciales admises par
quelques pathologistes, telles que des névralgies
traiimatiqaes , injlammatoires , rhumatismales ^
métaslatiqaes , gastriques , arthritiques , carci-
nomateuses ^ cancéreuses , syphilitiques ^ etc. Ce
n'est pas que nous ne reconnaissions que toutes
ces divisions, plutôt inutiles qu'arbitraires, signa-
lent quelques circonstances de k maladie dont il
y aurait souvent de l'inconvénient à ne pas tenir
compte; mais il doit suffire de les rappeler à l'at-
tention, quand on cherche à établir les bases d'une
thérapeutique rationnelle de la prosopalgie , sans
prétendre leur subordonner la pathologie même
de cette affection, l.es seules formes de la maladie
( 110)
que nous signalerons comme espèces , sont la né-
vralgie régulièrement périodique, et celle dont les
accès ne sont assujétis à aucun type; celle dont
l'existence n'est liée à aucune autre affection aper-
cevable , la névralgie simple , la prosopalgie pu-
rement nerveuse; et celle, au contraire, qui est
provoquée et entretenue par une autre maladie ,
qui n'en est qu'une dépendance ou une compli-
cation. Quelques mots sur chacune d'elles : on
sentira bientôt l'importance de ces distinctions.
La névralgie faciale n'est jamais une maladie
continue. Lors même que , par sa longue durée ^
et par le retour mille fois répété de tourmens qui
la caractérisent , elle a détérioré la constitution du
patient et ruiné sa santé, celui-ci ne retrouve plus,
il est vrai , le calme et le bien-être qui succédaient
autrefois à la cessation de chaque paroxisme , mais
il est toujours des intervalles durant lesquels, s'il
souffre , ce n'est pas précisément de sa névralgie ;
des intervalles qu'il appelle ceux du soulagement
et du repos. Toute névralgie est donc nécessaire-
roent intermittente ; mais, malgré ce caractère com-
mun, l'intermittence est, selon les cas , de na-
tures très diverses. Tantôt, en effet, les intervalles
des accès sont réguliers ; leur retour est assujéti
aux lois du temps ainsi que leur durée ; tantôt , au
contraire , ils ne reconnaissent aucune règle sous
l'un et Fautre de ces deux rapports. Dans le pre-
mier cas , exempte jusqu'à un certain point de
toute influence extérieure, la maladie attendra
( 111 )
son heure pour débuter, même au milieu de cir-
constances qu'on croirait propres à la provoquer,
et se prolongera , selon sa coutume , en dépit des
moyens qu'on pourra tenter pour l'abréger ; dans
l'autre cas, au contraire, à toute heure, atout
moment, elle menacera le malade d'une invasion
toujours brusque , toujours inattendue ; un coup ,
un mouvement , une impression de l'air, du chaud,
du froid, etc. , suffira pour la ramener. Dans le
premier cas, les accès sont ordinairement plus
rares et plus longs , dans l'autre , ils peuvent être
infiniment plus fréquens, et sont presque tou-
jours d'une durée beaucoup plus courte. Et ces
différences , qui semblent ne porter que sur
des formes extérieures , et n'avoir qu'une valeur
phénoménale peu digne d'attention, ont un fonde-
ment si profond dans la nature même du mal,
qu'une névralgie régulièrement périodique cède ,
dans le plus grand nombre des cas , à un traite-
ment basé sur la considération de ce caractère,
tandis qu'on ne guérit que rarement les névralgies
atypiques.
Nous ne serions pas dans l'obligation d'arrêter
l'esprit de nos lecteurs sur la nécessité qu'il y a
de bien distinguer la névralgie simple, la névralgie
proprement dite , des maladies qui peuvent en re-
vêtir les apparences ou se compliquer de véri-
tables accès névralgiques, si divers écrivains,
faisant en quelque sorte profession de tout con^
( 112 )
fondre , n'avaient prétendu déduire la véritable
notion qu'on doit se faire de la nature de la ma-
ladie, de la considération de quelques faits dans
lesquels les caraclères de la prosopalgie étaient
comme perdus au milieu de ceux de quelque autre
affection fort différente. Les médecins dits or-
ganiciens^ au jugement desquels il ne suffit pas de
reconnaître que toute maladie suppose une lésion
d'organe, mais qui veulent qu'il soit toujours pos-
sible de découvrir^ de reconnaître et de toucher
cette lésion , n'ont pas manqué de profiler de la
connaissance de quelques cas d'altérations bien
évidentes et bien profondes, soit du cerveau , soit
des troncs nerveux dans lesquels il y avait eu des
accès névralgiques , pour déclarer que la proso-
palgie n'était, ne pouvait être qu'un symptôme , un
effet secondaire d'une encéphalite ou d'une né-
vrite, le plus souvent avec quelque altération or-
ganique ancienne des nerfs ou du cerveau. Nous
voulions signaler cette fausse prétention , mais
nous ne nous arrêterons pas a la réfuter ici ; on en
verra le peu de solidité lorsque nous dii-ons les ré-
sultats des recherches d'anatomie pathologique
faites jusqu'ici dans des cas de véritable proso-
palgie. Ces recherches trouveront leur place dans
la section de ce travail qui sera consacrée à l'étude
delà nature de la tîialadie: avant d'y arriver il faut
achever le tableau de ses formes extérieures en la
comparant avec celles qui pourraient cire confon-
dues avec elle , après quoi il conviendra d'exposer
(113)
€e que l'on sait de plus important sur les causes,
soit prédisposantes , soit occasionnelles du tic dou-
loureux.
Masius a tracé avec exactitude le parallèle de
la prosopalgie avec quelques autres affections. Nous
profiterons de ses remarques. Les maladies avec
lesquelles le tic douloureux a été le plus fréquem-
ment confondu, sont les douleurs à la face, de na-
ture rhumatismale ou arthritique. Un caractère
qui le distingue des unes et des autres , c'est que le
moindre attouchement des parties affectées suffit ,
presque toujours, pour en renouveler les accès.
Voici, du reste, les signes particuliers par lesquels
chacune de ces maladies diffère des névralgies de
la face.
La douleur rhumatismale se manifeste d'ordi-
naire après un refroidissemnt partiel ; rarement
le tic douloureux est survenu sous l'influence d'une
pareille cause, et le plus souvent on ne lui en con-
naît aucune.
La douleur rhumatismale , assez aiguë pour se
rapprocher du tic douloureux , est tôt ou tard ac-
compagnée de fièvre; cela n'arrive presque jamais
dans la prosopalgie.
L'approche de la nuit et la chaleur du lit ac-
croissent la douleur rhumatismale ; elles n'ont
pas le même effet sur le tic douloureux.
La douleur rhumatismale a rarement des inter-
missions de plusieurs jours , encore moins de se-
maines entières. Le tic douloureux, au contraire,
8
( H* )
cesse quelquefois des semaines , des mois , des an-
nées, paraÎL complètement guéri, et revient tout
à coup avec la même violence.
La douleur rhumatismale est plus tensive , plus
déchirante; celle du tic est lancinante, perçante,
rongeante. La première, quelque violente qu'elle
soit, est plutôt diminuée qu'augmentée par une ir-
ritation faite à la partie souffrante ; la prosopalgie,
au contraire, peut être provoquée sur-le-champ, et,
pendant l'accès , s'accroître jusqu'à la rage par le
plus léger attouchement de la partie affectée.
Quant au mal de tête arthritique, celui-ci a été
précédé d'affections goutteuses , générales ou par-
tielles , plus ou moins marquées. Il survient très
souvent après la cessation d'attaques de goutte po-
dagrale auparavant régulière; à la suite d'un frisson
fébrile, et il est ordinairement accompagné de
quelques signes de dérangement des voies diges-
tives. Le tic douloureux, au contraire, survient
sans ces antécédens, et sans aucune autre altération
de la santé.
Dans le mal de tête arthritique , c'est rarement
le visage qui est affecté, et la douleur a, pour l'or-
dinaire, son siège aux tempes ou à l'une d'elles, aux
orbites ou dans leur proximité ; le tic douloureux
attaque, dans la plupart des cas, un côté du nez,
l'une des joues , les gencives , la langue , le men-
ton , mais d'un côté seulement.
Le premier est plutôt une douleur ostéocope
sourde et profonde; l'autre est une douleur vive
( 115 )
dans les parties molles aussi bien que dans les os,
et souvent accompagnée d'une sensation semblable
à celle qu'éprouverait le malade si on lui sciait une
partie du visage , ou qu'on le lui coupât en deux.
Le mal de tète arthritique n'est jamais accom-
pagné de convulsions des muscles de la face ; il
peut y en avoir dans le tic douloureux.
Le mal de tète arthritique cesse quelquefois tout
d'un coup , et alors l'affection gagne d'autres par-
ties internes ou externes ; la névralgie , au con-
traire, ne change jamais de place ; à la vérité, elle
disparaît quelquefois tout d'un coup, mais pour re-
venir au moment où on s'y attend le moins , et
sans que sa disparition donne lieu au développe-
ment de quelque autre maladie en un lieu différent.
Le clou hijstérîqae^ les symptômes déterminés
par l'engorgement muqueux et d'autres affections
du sinus maxillaire , n'ont avec la prosopalgie
que des rapports de ressemblance bien plus éloi-
gnés ; leurs différences sont bien plus saillantes ,
et n^ont pas besoin d'être rappelées.
L'opuscule de M. Duval, que nous avons eu plus
d'une fois occasion de citer, renferme plusieurs ob-
servations qui , entre beaucoup d'autres, prouvent
qu'on n'a pas toujours , à beaucoup près , su distin-
guer l'odontalgie du tic douloureux, et que les
dents du malade ont bien des fois payé cette mé-
prise du médecin.
Le nombre considérable d'écrits publiés sur le
( l'6)
tic douloureux, suffit pour prouver que la maladie
n'est point rare. On avait voulu conclure de leur
date assez récente, qu'elle était nouvelle ou du moins
plus fréquente qu'autrefois. La première de ces con-
clusions est fausse ; on a pu le voir par l'aperçu his-
torique qui ouvre ce mémoire; l'autre pourrait bien
n'être pas plus exacte, car on a pu, pour le tic dou-
loureux, comme pour tant d'autres maladies, s'ima-
giner que cette affection devenait de plus en plus
fréquente à mesure qu'on l'a mieux connue, et
qu'on en a recueilli les exemples avec plus de soin.
La prosopalgie ne paraît être étrangère à aucun
pays, du moins l'a-t-on observée dans toutes les
contrées de l'Europe et en Amérique; mais elle
est certainement moins fréquente dans les régions
chaudes qu'ailleurs. On avait cru que l'Italie en
était exempte ; quand Marino * serait le seul qui
l'y aurait observée , et qui en aurait été affecté , il
faudrait se contenter de dire qu'elle y est fort rare;
mais la vérité est qu'elle a été observée dans ce
pays par Bréra, Borda, Bellingeri, et que, dans ses
Annales de la Clinique de Pavie , Hildenbrand en
cite plusieurs cas. C'est, jusqu'à présent, l'Alle-
magne , l'Angleterre et la France qui en ont fourni
le plus d'exeuiples. Du reste, aucun calcul qu'on
puisse considérer, même comme simplement ap-
' Giovanni-Antonio-Marino , sopra la Prosopalgiay in
Memor. délia societa ilaliana, t. 1, p. 9.
(117)
proximatif, n'a encore été fait sur ia fréquence
absolue des névrakies de la face.
'^'
Quel est l'âge le plus sujet a cette cruelle affec-
tion? Si l'on rapproche, pour le déterminer, un
grand nombre de faits particuliers, et l'on peut,
à cet égard , adopter les calculs de Masius , qui
portent sur deux cents cas, on trouve que la
très grande majorité tombe entre la trentième et la
soixantième année. Sur ce nombre, on en a vu
deux à vingt-sept ans, un à vingt-quatre, un à
vingt-trois , un à dix-neuf et un à neuf. Sur dix-huit
sujets, Fothergill n'en a pas vu un seul qui eût
moins de quarante ans. Il s'en trouve parmi les
deux cents dont nous parlons , six de soixante-
deux, soixante-cinq, soixante-treize, soixante-
quatorze, soixante-dix-sept et quatre-vingts ans.
Les causes occasionnelles ou déterminantes du
tic douloureux sont externes ou intérieures : on
l'a vu provoqué par un coup , une blessure à la
joue, au front, près de l'œil, etc. ; par la présence
de quelque corps étranger engagé dans les os de
la face, l'antre d'Higmore, la mâchoire; par quel-
que tumeur carcinomateuse , quelque ulcère ou
carie au voisinage ou sur le trajet des principaux
rameaux nerveux ; par l'action d'une chaleur vive
sur le visage , comme chez des cuisinières ; par
des nuits passées au bivouac ; par des lotions
très froides , le visage étant en sueur ; quelques
observateurs disent par l'usage de cosmétiques
( 118 )
acres et corrosifs , et par one foule de causes de
même espèce, dont rénuméralion serait superflue.
Entre les causes intérieures , on a compté la
cessation brusque de douleurs chroniques de na-
ture goutteuse ou rhumatismale; on a yu le tic
douloureux se développer chez des sujets qui
avaient eu long-temps ou plusieurs fois des symp-
tômes divers d'affection vénérienne; on Fa vu sur-
venir après la disparition d'exanthèmes anciens ,
après la suppression d'hémorrhagies habituelles ,
des menstrues ou des hémorrhoïdes , de suppura-
tions périodiques, de fonticules anciens , ou d'éva-
cuations 5 qu'un long usage ou une longue durée
avait rendues nécessaires.
On a vu quelquefois le tic douloureux ne pas
reconnaître d'autre cause qu'une passion violente,
et il est certain que les affeclions vives de Famé
exercent toujours une influence fort active sur sa
marche, sa cessation et ses retours.
Nous n'en dirons pas d'avantage sur les causes
de la prosopalgie : aussi bien, n'ont-elles rien
d'assez spécial pour que leur étude puisse fournir
quelque lumière sur la nature de la maladie qui
nous occupe.
Où irons-nous donc chercher ces lumières?
L'anaîomie pathologique, cette science qui a le
privilège d'éclairer tout ce qu'elle touche , n'a pas
eu jusqu'à présent celui d'atteindre le siège immé-
diat et la cause formelle du lie douloureux. On a
jusqu'ici fait peu d'autopsies de sujets qui en eus-
( 1»9 J
sent long -temps souffert, et, à défaut de rensel-
gnemens fournis par le petit nombre de celles qu'on
avait faites, et dans lesquelles on n'avait rien
trouvé, on a fait, pour la prosopaigie, de Vana-
tomie pathologique par analogie ou par supposi-
tion. On a dit que Cotugno avait trouvé dans la
sciatique une infiltration sous-névrilématique du
nerf sciatique, d'où Ton a conclu qu'il devait y
avoir une infiltration analogue des nerfs de la face
dans le tic douloureux. On a pensé que des dou-
leurs aussi violentes que celles de la névralgie
faciale , ne pouvaient pas avoir lieu sans une lésion
apercevable et sans une lésion irritative, inflam-
matoire , des mêmes nerfs , et Ton a supposé qu'ils
étaient rouges , goiifiés , etc. Tout cela s'est dit
de bonne foi peut-être, mais tout cela est complète-
ment faux. On n'a rien trouvé jusqu'à présent dans
ces nerfs (nous avons aéjà dit qu'on devait écarter
les cas de maladies organiques diverses qui peu-
vent se compliquer de névralgies faciale3, mais
qui sont tout autre chose par elles-mêmes), on n'a
rien trouvé, et les cas si fréquens dans lesquels on
a vu le tic douloureux durer pendant quinze et
vingt années sans entraîner la formation de quel-
que lésion organique reconnaissable , doivent faire
penser qu'il n'y a véritablement rien là qui res-
semble à une inflammation. Mais quelle est donc,
à votre avis, pourra-t-on nous demander, la nature
du tic douloureux? Avant de répondre, il est bon
de s'expliquer sur ce qu'on doit entendre par ces
( 120 )
mots, la nature d'une maladie. L'opinion que
nous professons à cet égard n'élève pas bien haut,
comme on va voir, les prétentions de la science
systématique ; mais elle nous parait la seule accep-
table dans l'état présent des choses. Il y a plus,
comme nous avons le sentiment que la réserve qui
la caractérise n est point dictée par une modestie
particulière, mais se fonde sur une notion que
nous croyons juste de la véritable portée des fa-
cultés de l'entendement, nous sommes convaincus
qu'il n'y aura jamais qu'une imagination infatuée
ou un esprit faux , qui prétendent creuser plus
avant dans la connaissance de la nature des choses.
Nous dirons donc que ce qu'on peut appeler la
connaissance de la nature des maladies se borne
à la détermination des rapports fondamentaux
qu'elles ont les unes avec les autres ; que la décou-
verte de la nature d'une maladie , jusque-là peu
connue , n'est pas autre chose que la découverte
qu'on fait des grandes analogies qu'elle a avec
d'autres maladies plus communes , plus ancienne-
ment étudiées , et dont beaucoup de médecins se
sont habitués à penser qu'on connaît la nature in-
time et essentielle , comme si Ton connaissait la
nature intime de quelque chose, dans le sens qu'at-
tachent à ces mots les philosophes dogmatiques et
explicateurs; et cette nature des maladies n'est
point une chose absolue et déterminée , de laquelle
on puisse dire , à l'occasion de quelque sujet que
ce soit, qu^on l'a trouvée, et qu'il ne reste plus
( 121 )
rien à y chercher. Non , c'est au contraire un fond
inépuisable et où il y aura toujours à découvrir,
car il y aura toujours à reconnaître de nouveaux
rapports entre des objets aussi susceptibles que
les maladies d'être considérés sous une multitude
de faces différentes.
Expliquons ces idées abstraites , par quelques
exemples.
A l'origine, chaque maladie était un sujet isolé,
sur lequel il fallait faire le travail tout entier de la
découverte de la médecine. Le point de côté, avec
fièvre et toux ; la gêne de la respiration , l'oppres-
sion , la toux , avec fièvre et crachats rouiilés ou
sanglans ; la douleur au ventre, ne supportant pas
la moindre pression, avec fièvre, extrémités froides,
traits du visage serrés , etc< ; la douleur à l'épigas-
tre, avec envie de vomir et vomissemens, soif vive,
langue rouge , fièvre , etc. , et une foule d''autres
maladies , se présentant isolément sur des sujets
divers et à tout âge , sont comme autant de pro-
blèmes, sans relation les uns avec les autres, pour
celui qui les voit pour la première fois , et pour qui-
conque ne réunit pas , à la faculté de les observer,
celle de les rapprocher, de les comparer, et d'en
saisir les nombreuses analogies. Mais quand l'esprit
d'induction est venu s'exercer sur ces matériaux
rassemblés par une aveugle et patiente expérience,
quand il a vu toutes ces maladies provoquées par
des causes plus ou moins analogues; quand il a vu
le travail qui les constitue présenter, dans tous les
( 122 )
lieux où elies siègent, des phénomènes fondamen-
taux toujours les mêmes ; quand ils les a vues céder
aux mêmes traitemens ou à des moyens peu dif-
férens les uns des autres : alors , empruntant leur
caractère essentiel du phénomène le plus frappant,
la chaleur générale ou locale qu'elles provoquent
dans le corps, et faisant abstraction des différences
pour ne tenir compte que des phénomènes com-
muns qu'elles présentent , l'esprit d'induction ou
de théorie a déclaré qu'on devait considérer ces
communautés comme constituant la nature de ces
affections diverses , et il les a qualifiées àWnJlam-
matio7is. On a dit dès lors, et l'on a pu dire que
l'on connaissait la nature de la pleurésie , de la
pneumonie, de la péritonite, de la gastrite, de la
cystite, etc., etc.: cette nature n'était pourtant
encore connue que sous un aspect très général et
très vague. C'est à bien meilleur droit encore qu'on
a pu dire que l'on connaissait la nature de ces af-
fections, quand, aux notions déjà indiquées, on a
pu ajouter celles que nous a fournies la connais-
sance des rapports qui existent entre l'inflamma-
tion du péritoine et celle de la plèvre ou du pé-
ricarde , entre l'inflammation de la membrane
muqueuse de l'estomac et celle de la vessie , des
bronches ou des fosses nasales. Mais est-ce là le
terme des connaissances possibles sur ces divers
sujets? Non, certes , car, outre que nous savons
par exemple que l'ophthalmie est une inflamma-
tion , outre que nous savons que c'est l'inflamma-
( 123 )
lion d'une membrane muqueuse , nous savons
encore qu'elle peut être ou scrofuleuse ou véné-
rienne, etc., c'est-à-dire, qu'elle peut avoir des
rapports importans, fondamentaux, avec d'autres
classes de maladies connues sous ces différensnoms.
11 est donc un grand nombre de maladies des-
quelles nous pouvons dire que nous en connais-
sons la nature : ce sont celles qui nous ont laissé
pénétrer les rapports essentiels qui les lient les
unes aux autres ; mais il n'en est pas une seule
dont nous puissions dire que nous en connaissons
la nature toute entière , la nature intime et essen-
tielle, car ce serait dire que nous connaissons tous
les rapports possibles qu'elle saurait avoir avec la
santé , avec des maladies que nous n'avons jamais
vues, ou que nous ne connaissons que très impar-
faitement. On comprend donc , d'après ces expli-
cations, que ces mots connaissance de la nature
d'une maladie , n'ont et ne peuvent jamais avoir
qu'une valeur relative , dont l'étendue est singu-
lièrement variable.
La nature des inflammations nous est connue
sous beaucoup de rapports; et l'on peut, à leur
égard, formuler en un petit nombre d'aphorismes,
une multitude de notions de détail, applicables
au plus grand nombre d'entr'elles, ce qui est pré-
cisément le caractère d'une science qui a dévoilé
assez profondément la nature ou les rapports des
choses; mais il n'en est pas de même de beaucoup
d'autres classes de maladies , dont il nous est pour-
( 124 )
tant permis de dire que nous en connaissons la
nature. Les rapports que nous connaissons entre
les chancres , les bubons , les ulcères , les exto-
ses, etc., dépendant d'un coït impur, et l'impor-
tance de ces rapports relativement à la thérapeu-
tique, nous autorisent à déclarer que nous en
connaissons la nature, et cette déclaration se trouve
implicitement énoncée dans les comparaisons qu'il
nous arrive si souvent de faire entre les maladies
de nature vénérienne et d'autres classes de ma-
ladies. Il y a plus, on ne saurait trouver une rai-
son solide pour prouver que nous ne pouvons dire
que nous connaissons la nature d'un certain nom-
bre d'affeclions , quand nous ne connaissons entre
elles qu'un seul rapport, si d'ailleurs ce rapport
est précis, positif , et d'une importance majeure.
Ainsi, je comprendrai bien qu'un physiologiste
dise que la nature des maladies intermittentes nous
échappe; mais je ne vois pas pourquoi l'on vou-
drait interdire au médecin praticien de dire que
c'est précisément l'intermittence qui fait leur es-
sence , et que la nature d'une fièvre ou d'une né-
vrose nous est connue, quand il est constaté qu'elle
est intermittente.
Nous ignorons la nature de la rage , de Fépi-
lepsie, du choléra; car quels sont les rapports
intimes et positifs qu'on ait dévoilés jusqu'à pré-
sent entre ces maladies , et quelque classe d'affec-
tion sur laquelle nous ayons des notions solides?
Mais nous connaissons celle d'une douleur rhu-
( 125)
matismale , d'un bubon vénérien , d'une fièvre
pernicieuse , etc., etc. Cela posé , revenons à notre
sujet.
Si l'on nous demande maintenant quelle est la
nature du tic douloureux de la face , nous répon-
drons , et notre réponse sera bien comprise , que
le tic douloureux est une névralgie. Cela revient à
dire que, entre toutes les maladies douloureuses
auxquelles on pourrait le comparer, la seule avec
laquelle il ait de frappantes analogies , dont il par-
tage tous les caractères généraux , est l'affection
névralgique. Et parmi ces caractères, qui sont
bien connus et qu'il est par conséquent inutile de
rappeler ici , le seul que je citerai encore une fois ,
parce qu'il suffit pour réfuter les opinions para-
doxales qu'on a voulu établir depuis quelques
années sur la nature du tic douloureux , le seul que
je citerai, sera le privilège qu'a la maladie de durer
pendant un temps indéfini, sans altérer aucune-
ment l'organisation du nerf qui en est le siège , et
cette opposition étrange , en quelque sorte, cette
contradiction entre une lésion si violente qu'elle
cause des douleurs horribles , et si légère que
l'œil et le scalpel le plus exercés n'y peuvent rien
apercevoir. Ceci est maintenant bien établi et n'a
pas besoin d'être développé. Il ne faut pas toujours
recommencer la science sur nouveaux frais , et re-
mettre sans cesse en question ce qui a été une fois
résolu.
On n'avait point négligé, ainsi que M. Brous-
( 126)
Sais reproche h la plupart des médecins , et parlicu-
lièreinent à M. Pinel de l'avoir fait, de rechercher
si la névralgie tient à une affection propre du nerf,
ou si elle n'est que le résultat de Taltération de toute
autre partie, dont le système nerveux transmet-
trait seulement les souffrances au centre de toute
sensation. C'est précisément par là que commence
l'auteur d'une des dissertations les plus anciennes
sur ce sujet. «Nervi autem, dit Weisse, duplici modo
paliunlur : vel immédiate , quando ab aiiqua caussa
ipsi afficiuntur ; vel médiate , quando ab illa partes
nervis vicinse infestantur. » Et il ajoute : « Ad pri-
mum morborum genus prosopalgia pertinere vide-
tur , quia prgeter dolorem faciei acerbum, nihil quod
praeternaturale habendum sit, in ulla parte de-
prehendimus. In ea faciei regione, quam dolor oc-
cupât, nec rubor, nec duritas,nec tumor conspici-
tur, et tamen dolor estveheraentissimus, atquehaud
raro convulsiones musculorum sese adjungunt.
( Jo. Mart. Weisse, de dolore faciei prosopalgia
dicto. Diss. lena, 1796. Reçus, in Brera Syllog.
Opuscul. T.IV. P. 134). »
Nous voilà suffisamment préparés à aborder la
section de ce travail qui doit être consacrée au
traitement des névralgies de la face. Parmi les
points dont il est question dans tout ce qui pré-
cède, il en est qui n'ont été touchés que légère-
ment; mais nous répéterons que nous n'avons pas
voulu faire un traité complet et classique , et que
l'attention et les développemens que nous avons
( ^2^ )
donnés à chaque chose , ont été prescrits par des
motifs que nous avons fait connaître en corn-
mencanl.
DU TRAITEMENT DES NEVRALGIES DE LA FACE.
Le tic douloureux, comme toutes les maladies
qui mettent souvent en défaut toutes les ressources
de notre art , a été attaqué avec une multitude
innombrable de remèdes. Le recensement de tou-
tes les pratiques, tantôt raisonnables tantôt ab-
surdes, qu'on a tentées pour le combattre, ne serait
pas moins fastidieux qu'inutile: nous ne voulons
parler que des moyens qui comptent en leur faveur
un certain nombre de succès bien constatés. En
réduisant à ces termes la thérapeutique des névral-
gies de la face , elle est encore assez étendue et
assez compliquée pour qu'une exposition qui en
serait faite sans ordre formât un cahos difficile à
débrouiller. Nous y ferons donc quelques divisions
nécessaires.
Tous les procédés dont nous avons a parler se
partagent en deux classes bien distinctes : les uns
constituent une thérapeutique rationnelle dont
les motifs peuvent être déduits de principes reçus
en thérapeutique générale , et se rapportent à la
science des indications ; les autres n'ont jusqu'ici
d'autre sanction que celle d'essais tentés , pour
( 128)
ainsi dire , au hasard , et doivent être jugés non
d'après les règles de la science, mais seulement
d'après le calcul comparatif des succès qu'ils ont
eus et des cas contre lesquels ils ont échoué. C'est
la thérapeutique empirique , portion de l'art bien
décriée par les systématiques , mais dont il y au-
rait trop de dommage à faire le sacrifice à l'orgueil
de l'esprit scientifique, qu'elle a de tout temps bien
vivement blessé.
Cette division fondamentale sera respectée dans
ce qui va suivre ; mais, quant aux détails , qu'on
n'y cherche point de partitions scolastiques , tou-
jours marquées à l'avance , et toujours rigoureuse-
ment suivies. Je ne promets point de m'astreindre
a tout cet échafaudage de divisions et de subdivi-
sions , que l'on confond si mal à propos avec la
véritable méthode.
Commençons par la thérapeutique rationnelle.
A. Traitement Jbndé sur la considération de
Vétat général du sujet.
Pour pouvoir se montrer chez deux sujets doués
des tempéramens les plus opposés qui se puissent
imaginer, une maladie ne perd point, en atteignant
le deuxième , le caractère fondamental qui consti-
tuait sa nature chez le premier. L'influence de la
constitution ne va point jusqu'à transformer une
affection d'un genre déterminé en une affection
d'un genre contraire. Il y avait donc beaucoup
( 129)
d'exagëralion dans la doctrine des diathèses, telle
que la professait une école long-temps en vogue
Sans aucun doute , il est des maladies , la syphilis
par exemple, qui savent se soustraire à toute ten-
dance que pourrait avoir la constitution à les dé-
naturer, et il ne suffit pas d'être affecté d'une dé-
bilité radicale, pour être exempt des atteintes d'une
inflammation franche et vigoureuse. Mais si cette
doctrine est fausse , comme trop absolue , elle n'en
a pas moins pour base un fait placé hors de toute
contestation : c'est qu'une maladie reçoit presque
toujours, plus ou moins, le cachet de l'état géné-
ral du sujet qu'elle frappe, et qu'il faut assez sou-
vent avoir complètement détruit cette influence ,
avant de pouvoir espérer s'en rendre maître par
l'emploi des moyens qu'on sait être propres à la
combattre directement. Les névralgies n'échap-
pent point à cette commune loi. Le tic douloureux
d'un homme robuste et pléthorique sera une af-
fection de même nature que celui d'un individu
cacochyme et épuisé ; mais , quoique de même na-
ture, ces deux cas ne sauraient être traités de la
même façon ; ils réclameront tout au moins ,
comme moyens préliminaires , des secours fort
différens. Ainsi donc, si l'on a affaire à un homme
au pouls large et plein , à la face animée , sujet
aux étourdissemens , aux maux de tête, etc., la
première chose qu'il faudra faire sera de combattre
cette pléthore par les moyens appropriés à cet ob-
jet. Une saignée, plusieurs saignées, s'il est né-
9
( 130 )
cessaire , devront être faites , des sangsues appli-
quées à l'anus ; des pédiluves seront administrés.
Outre Favantage direct et immédiat qu'on retire
de Femoloi de ces moyens, ils préparent et facili-
tent l'action des remèdes qui seront employés plus
tard, et rendent possible l'emploi de certains trai-
temens auxquels, sans cette précaution , on n'au-
rait pu se permettre d'avoir recours.
S'il suffit d'une certaine disposition pléthorique
du sujet pour autoriser cette conduite , à plus
forte raison sera-t-elle prescrite quand on croira
pouvoir faire dépendre le tic douloureux de l'ab-
sence ou de la suppression d'une hémorrhagie ha-
bituelle, et plus encore, quand la névralgie elle-
même revêtira plus ou moins une forme inflam-
matoire : plus d'une fois , en pareil cas , on a vu
tout mal cesser complètement après quelques éva-
cuations sanguines.
Mais ce sera par la considération attentive du
cas qu'on aura à traiter, qu'il faudra se laisser gui-
der dans cette prescription , par des raisons posi-
tives, prises du sujet, et non par une sorte d'ha-
bitude banale , dont tant de médecins offrent
l'exemple , de débuter toujours par des saignées.
Car, autant ce moyen peut être avantageux pour
les malades dont l'état le réclame, autant il au-
rait d'inconvéniens pour ceux qui seraient placés
dans des conditions opposées. Si la personne af-
fectée de tic douloureux est douée d'une de ces
constitutions sèches, nerveuses, irritables et dé-
( 131 )
biles , dont les organes n'ont d'énerg ie que pour
souffrir, gardez-vous de diminuer les forces par
la saignée , vous ne feriez qu'en augmenter l'exci-
tabilité , et le remède tournerait au profit de la ma-
ladie. L'usage des bains , un régime alimentaire
substantiel et restaurant, un exercice modéré mais
habituel, toutes les précautions possibles, tous les
moyens imaginables de distraction qu'on jugera
propres a faire taire les passions, etc., tels sont
les moyens , infiniment variables selon les cas et
les circonstances, par lesquels devra débuter le
traitement. Cela passe avant l'usage des drogues,
et doit toujours en favoriser l'action.
B. Traitement J'ondé sur la connaissance
des causes de la Névralgie.
Les lumières fournies à la thérapeutique par
l'étiologie des maladies , sont loin d'être toujours
sûres et de n'égarer jamais. Cependant, compa-
rées à celles empruntées à d'autres sources , que
nous possédons sur un bon nombre d'affections ,
elles tiennent encore le premier rang; et c'est peut-
être le cas de celles que nous fournissent les causes
du tic douloureux. Du moins peut -on poser en
principe qu'avant d'en appeler aux ressources de
l'empirisme, il faut avoir inutileîuent tenté les mé-
thodes de traitement suggérées par la notion des
causes de la maladie. On pourrait s'étendre bien
longuement sur les vues que peuvent fournir à la
thérapeutique de la prosopalgie les règles de Thy-
( 132 )
giène contre lesquelles ont péché les malades, et
celles qu'il convient de leur prescrire pour réparer
les fautes qui ont causé le mal ; mais tout cela
n'offre rien de particulier au traitement du tic dou-
loureux , plutôt qu'à celui de toute autre affection ;
ainsi un mot suffit pour rappeler au praticien qu'il
ne doit pas perdre cela de vue. Le seul fait spécial
que nous mentionnerons, c'est que la névralgie de
la face étant venue yjlus d'une fois à la suite des
rhumatismes , éprouvant du froid uni à l'humidité
presque la même influence que cette autre affec-
tion, ayant été en divers cas provoquée par l'ha-
bitation d'une maison humide et malsaine, il faut
donner à cet objet toute son attention , et ne pas
omettre, relativement à la demeure du malade,
une précaution dont l'oubli pourrait com.promettre
l'effet de tout autre traitement. S'il exerce une
profession qui l'expose constamment à l'influence
morbifique qui a altéré sa santé, à des courans
d'air, ou à l'action d'une vive chaleur, comme celle
qu'endurent les cuisiniers , les verriers , etc. , n'est-
il pas évident qu'il faut absolument qu'il y renonce,
ou qu'il se résigne à vivre avec son mal. Un chan-
gement dechmat peut aussi devenir nécessaire, et,
dans tous les cas , on comprend qu'il ne peut y
avoir que de l'avantage à quitter un pays froid et
brumeux, où la maladie est commune, l'Angleterre
par exemple, pour aller habiter une contrée plus
sèche et plus char ^e, comme l'Italie , où l'on a vu
si rarement le tic ouloureux.
(133)
La répercussion de quelques exanthèmes , ou la
suppression de quelque évacuation habituelle ou
périodique, ont bien des fois été la cause des né-
vralgies de la face ; bien des fois aussi on a vu cette
affection céder au traitement qui ramenait ces exan-
thèmes ou ces évacuations. André a vu une dame
être reprise de névralgie, toutes les fois qu'un éry-
sipèle bourgeonneux qu'elle avait à la face venait
à cesser de suinter. Une femme de dix-neuf ans fut
attaquée de névralgie après la disparition d'une
gale ; elle souffrit jusqu'à l'âge de soixante-dix ans;
à cette époque , elle fut reprise de la gale , et les
douleurs disparurent ; on guérit la gale , et les dou-
leurs revinrent de nouveau.
Une dame avait, depuis quelques années, plu-
sieurs dartres au visage. Ces dartres disparurent
tout à coup , sans qu'elle pût indiquer aucune cause
de cette disparition. Presque aussitôt elle fut saisie
d'un asthme violent et d'un tic douloureux , contre
lequel elle lutta plus de six mois. Westendorf de
Gûstrow lui administra la douce-amère à des doses
très fortes et sous toutes les formes possibles.
Après qu'elle eut pris ce remède pendant sept se-
maines , les dartres reparurent , et en même temps
les deux autres affections diminuèrent, l'asthme
cependant avec plus de lenteur que le tic. (Masius.)
Une dame avait une dartre pustuleuse au front
et à la joue droite; un onguent la fit disparaître.
Quelques jours après l'œil droit devient larmoyant,
une douleur vive se fait sentir dans le trajet du nerf
( I3'i )
frontal ; les accès en sont d'abord éloignés , puis
se rapprochent. On emploie beaucoup de remèdes
sans succès; on applique enfin la pommade éméti-
sée ; l'apparition des pustules fait cesser la névral-
gie. (^Fallot, Jour, complém. des Se. méd,)
Il serait facile de rauUiplier les citations de faits
analogues ; ceux-ci suffisent pour tracer au méde-
cin la conduite qu'il doit tenir en pareil cas. 11 im-
porte peu de savoir si c'est alors à la présence d'un
virus scabieux ou herpétique dans l'économie , que
le mal doit être attribué. La thérapeutique de ces
cas-là est fort claire , indépendamment de toute
théorie , et c'est perdre son temps que de s'arrêter
à combattre ou à confirmer les idées qui ont eu
cours à cet égard. Tout le monde sait, sans qu'on
le dise , ce qu'il faut faire , quand le sujet atteint
de névralgie l'a été par suite de la suppression
des menstrues ou des hémorrhoïdes.
Si c'est à la suite de longs rhumatismes négli-
gés , ou d'affections goutteuses anormales , qu'est
venu le tic douloureux , ces antécédens ont sans
doute quelque influence sur le cours de la maladie,
et ils devraient en avoir sur le traitement , si la
thérapeutique de la goutte et des rhumatismes
chroniques était plus avancée ; mais, quant à pré-
sent , je ne sais si l'on n'est pas autorisé à dire
que ceux qui attachent une grande importance à
traiter telle ou telle névralgie comme goutteuse ou
comme rhumatismale , n'ont d'autre principe, pour
( Î35 )
appuyer leur conduite , que celui qui consiste à ex-
pliquer obsciira77i per obscuriiis,
11 n'en est pas ainsi quand c'est une affection sy-
philitique qu'on est en droit d'accuser d'avoir le tic
douloureux sous sa dépendance. Quelques unes
des observations que nous avons rapportées , celle
de Waton (Obs. xxii.) par exemple, plusieurs
autres publiées par Masius , un plus grand nombre
encore mises au jour par divers médecins, prou-
vent qu'il est de la plus grande importance de con-
naître cette origine de la maladie, et qu'un traite-
ment antisyphilitique peut faire ce que n'avaient
pu vingt autres traitemens différens.
On a beaucoup parlé, depuis Lentin , de l'in-
fluence de certaines affections de l'estomac sur la
produclion et sur la marche du tic douloureux de
îa face. Les faits cités par le médecin allemand et
ses partisans ne nous paraissent point de nature
a donner la moindre solidité aux opinions qu'il en
déduisait , soit relativement à la nature de la ma-
ladie , soit sous le rapport du traitement.
C. Traitement fondé sur la considéra! ion du
caractère et sur celle du type de la maladie.
Relativement aux caractères assez diversifiés
que peut présenter la prosopalgie, la thérapeu-
tique peut se borner à distinguer deux de ses
formes , dont la considération importe beaucoup à
îa détermination du meilleur traitement. Elle peut
( 13() )
être aiguë, fébrile, inflammatoire, ou purement
nerveuse et chronique. Lœbenstein-Lœbel a ob-
vServé ia première chez des sujets pléthoriques et
musculeux; c'était, selon lui, un état inflamma-
toire des nerfs de la face, joint à une grande exal-
tation de l'irritabilité générale. Hutchinson a vu
des symptômes d'une vive inflammation de la
partie , avec battement violent des artères de la
face , et mouvement fébrile très prononcé. C'était,
dans un cas publié par Masius , un véritable érysi-
péle intermittent de la face. Cette forme de la ma-
ladie est des plus violentes et des plus doulou-
reuses ', mais , en revanche , c'est aussi celle qu'on
voit le plus fréquemment se terminer en quelques
jours, soit spontanément, par quelque crise re-
marquable, comme celle d'abondantes sueurs ,
d'abcès ou de sécrétions diverses , soit sous l'in-
fluence d'un traitement approprié. Une diète sé-
vère, une ou plusieurs saignées, des applications
de sangsues au cou , aux tempes , aux apophyses
mastoïdes, ou bien à l'anus, a la vulve, aux cuisses,
si l'on a quelque hémorrhagie supprimée à rappeler;
tels sont les moyens auxquels il faut avoir recours.
Unecertaine modération doit présider à leur emploi,
si le sujet qu'on a à traiter est d'une constitution
molle et lymphatique , ou d'un tempérament très
sec et très nerveux ; car l'abus des débilitans pour-
rait favoriser le passage de l'affection à l'état chro-
nique , et la rendre plus tard rebelle à d'autres
Iraitemcos.
( l'37 )
Si le tic douloureux est primitivement chronique
et purement nerveux, ou s'il a fini par prendre ce
caractère après avoir débuté sous une autre Forme,
c'estlecas d'invoquer toutes les ressources empiri-
ques de notre art , et d'employer les moyens qui se
sont montrés le plus souvent efficaces. Nous ne les
énumérons point ici ; la dernière section de ce tra-
vail va leur être réservée tout entière. Nous nous
bornerons à un simple avis : c'est que le praticien
ne doit pas se laisser facilement décourager par
l'opiniâtreté de la maladie ; car, comme nous le di-
sions en commençant, on l'a vue bien souvent ré-
sister sans faiblir aux remèdes les mieux éprou-
vés , et céder, dans le cas où on s'y attendait le
moins , au traitenient qui avait échoué dans cent
autres.
Nous ne répéterons pas ce que nous avons dit
de l'importance qu'il fallait attacher au type de la
névralgie. Si elle est régulièrement intermittente ,
après quelques préparations préliminaires qui
peuvent être requises , une indication capitale se
présente , devant laquelle toute autre doit céder le
pas , c'est d'employer les antipériodiques. L'expé-
rience a démontré jusqu'à l'évidence , que c'est vai-
nement , dans la plupart des cas , qu'on voudrait
alors tenter les moyens dits rationnels. On perd
du temps , on laisse souffrir le malade ; souvent on
aggrave ses douleurs , on détériore sa constitution ;
et quand on en vient enfin au moyen par lequel on
aurait dû commencer, on est trop heureux, si l'ha-
( 138 )
bitude enracinée des souffrances, le délabrement
de la santé générale , n'en rendent pas Tefficacilé
nulle ou incomplète. Le nombre des observations
maintenant connues de névralgies de la face gué-
ries par le sulfate de quinine, est trop considé-
rable , pour que nous nous arrêtions à les signaler
en détail. Nous nous bornerons à rappeler un aver-
tissen^ent qui ressort de leur examen ; c'est qu'il ne
faut pas se tenir pour maître de la maladie , quand
deux , trois , quatre ou cinq accès ont manqué , et
qu'on doit continuer l'usage du médicament long-
temps encore après qu'on n'a plus observé la plus
légère atteinte de la maladie. Dans cette sorte de
convalescence avec imminence de retour du mal ,
on peut, de temps en temps , suspendre l'usage du
sulfate de quinine pendant un ou deux jours , pour
le reprendre ensuite et le continuer. Un autre fait
établi par l'expérience, est qu'il faut, dans bien
des cas , employer ce remède à des doses énormes ,
et qu'il vaut mieux s'y élever rapidement, que par
une marche lentement graduée.
C'est principalement pour le tic douloureux in-
termittent , et comme substitut du quinquina ,
qu'on a eu recours à l'arsenic , et surtout au sous-
carbonate de fer. L'écorce du Pérou doit être em-
ployée la première ; mais dans des cas où elle avait
échoué , on a vu réussir l'un ou l'autre de ces der-
niers moyens. Quoique nous les citions en même
temps et au même titre , qu'on n'imagine point
que nous mettions sur la même ligne l'arsenic et
( 139 )
le sous-carbonate de fer. L'un est un remède
dont reffîcacilé est beaucoup moins certaine que
ses dangers; Pautre guérit assez souvent, et fait
rarement du mal. Du resle, comme leurs vertus
sont encore un sujet de controverse, il convient
de donner quelques développemens à ce qui les
concerne.
Selle paraît être un des premiers qui aient re-
commandé l'arsenic. Nesse Hill guérit par ce
moyen un malade qui , depuis l'âge de cinquante
ans qu'il avait été atteint du tic douloureux , jus-
qu'à, celui de soixante-dix, avait épuisé inutile-
ment toutes les ressources de la médecine. La so-
lution d'arsenic fut donnée d'abord à la dose de
trois gouttes, et portée successivement jusqu'à
celle de douze. Le mieux se manifesta lorsqu'on
fut parvenu à celle de neuf. Dès qu'on fut arrivé
à la plus élevée, il fallut redescendre aussitôt,
parce qu'il y avait menace d'empoisonnement. Gis-
tren , M' Kechnie , Bedingfîeld , Currie , ont di-
minué , mais non guéri le tic douloureux au moyen
de l'arsenic; Kapp n'en a retiré aucun avantage.
Voici une observation remarquable , dans laquelle
il a eu le plus heureux succès ; on la doit au doc-
teur Lalaurie , médecin de la maison centrale
d'Esses.
OBSERVATION VINGT-SEPTIEME.
Esche (François), âgé de trente-six ans, d'un
( 140 j
tempérament bilieux, d'une constitution assez
forte 5 n'ayant jamais contracté par contagion
d'autre maladie qu'une gale, avait servi dans les
armées pendant dix ans. Il reçut , en 1811 , en Es-
pagne, un coup de stylet sur la bosse frontale
droite, qui fut fracturée. On agrandit la plaie par
incision, et on retira une esquille mince, étroite,
et longue de plus d'un pouce. La blessure guérit
en moins de quinze jours ; mais Esche ressentit de-
puis et conserva habituellement une douleur sus-
orbitaire, avec affaiblissement progressif de la
vue. Il obtint son congé, se relira chez lui , et y
exerça quelque temps le métier de meunier. Ses
souffrances s'accrurent à un tel point, qu'il réso-
lut de se rendre à Montpellier, où il entra, en
1818 , à l'hospice de la clinique chirurgicale de la
Faculté de Médecine. Il y reçut, pendant trois
mois, les soins éclairés de M. le professeur Del-
pech , qui essaya , au rapport du malade , di-
verses méthodes de traitement. Les purgatifs et les
vésicatoires à la nuque eurent quelques succès mo-
mentanés, sans que ces moyens révulsifs pussent
détruire une douleur qui revenait souvent avec
violence. Effrayé de la proposition qu'on lui fit de
substituer un séton au vésicatoire , Esche sortit de
Montpellier.
La douleur frontale était alors plus supportable
qu'à son arrivée dans cette ville; la vue s'était
même améliorée. Ce mieux fut de courte durée.
Les souffrances se renouvelèrent avec plus d'in-
( 141 )
tensité, et furent peut-être accrues par ie chagrin
d'un jugement qui conduisit ce malheureux dans
la maison centrale d'Esses. Il y exerçait depuis
dix-huit mois le métier, nouveau pour lui, de
tisserand, supportant avec courage les angoisses
de son état habituel , lorsqu'il se présenta à Fin-
firmerie, le 3 novembre 1821, ne pouvant résister
davantage aux tourmens qu'il éprouvait.
Le malade présentait la physionomie la plus ex-
pressive d une douleur accablante ; son air trisle ,
pâle et abattu, annonçait le découragement; sa
contenance était chancelante; ses forces parais-
saient épuisées; le pouls était faible et lent; les
sourcils , rapprochés avec force , comprimaient les
paupières presque closes , gonflées , chassieuses et
rouges sur les bords. îl éprouvait, au dessus des
orbites , une douleur qui variait dans son mode et
sa violence, suivant les époques du jour, et cons-
tamment aux mêmes heures. Aussitôt que le soleil
se montrait sur lliorizon , Esche la ressentait d'une
violence extrême, avec des élancemens leis, qu'il
lui semblait , disait-il , que sa tête se fendait en deux
parties ; alors cécité complète. Vers dix ou onze
heures , le calme revenait par degrés , sans cepen-
dant effacer la douleur; la vue en ce moment se
rétablissait assez pour que le malade distinguât les
objets. Mais , à quatre heures du soir, elle s'obs-
curcissait de nouveau, au point que l'œil ne pou-
vait distinguer une personne; la plus vive lufiiière
faisait à peine impression sur la rétine ; la pupille,
( H.2 )
dans cet état , était très dilatée ; cependant la dou-
leur sourde et continue du milieu de la journée
n'augmentait point , et n'était accompagnée d'au-
cun retour des élancemens du matin.
Outre cette série périodique de souffrances, le
malade éprouvait encore un autre genre de dou-
leur à la périphérie de la tête. La sensibilité des té-
gumens en était si exaltée , qu'on ne pouvait pro-
mener la main sur les cheveux sans lui arracher
des cris. La pression seule d'un bonnet de nuit de-
vint intolérable.
Le malade fut mis a un régime en rapport avec
l'état des forces digestives, et capable de remédier
à l'épuisement général. Des potions fortement opia-
cées ne produisirent aucune sensation. Par condes-
cendance pour la doctrine du jour plutôt que par
conviction, en ce qui concerne les maladies nerveu-
ses, le docteur Lalaurie chercha à dissiper la con-
gestion sanguine locale, qu'auraient pu former et en-
tretenir l'irritation et la douleur, par l'application
de six sangsues au front, le 4 novembre, de dix,
le 5 , et autant le 8 , lorsqu'on eut reconnu que le
malade pouvait les supporter sans éprouver un
trop grand affaiblissement. On mit en même temps
en usage les pédiluves sinapisés, et un vésicatoire
fut placé, le 7, à la nuque. Il y eut soulagement,
diminution dans les souffrances, mais nul chan-
gement dans le retour et le caractère de la douleur,
ni dans les phases de la vision. Le docteur Lalaurie
ne crut pas devoir insister davantage sur les émis-
( 143 )
sions sanguines, persuade que la débiiilation qui
en résulterait contrarierait le traitement qu'il se
proposait de suivre , et auquel il ne voulait recou-
rir qu'après avoir éprouvé l'insuffisance des mé-
thodes ordinaires. Ce traitement consistait à porter
un fort stimulus au centre du système gastrique.
De tous les moyens, aucun ne parut plus propre h
remplir cette indication que l'arsenic , à raison de
la périodicité régulière de la névralgie. Les essais
plus ou moins heureux des médecins anglais , par
l'emploi de cette substance dans la migraine et au-
tres céphalalgies, contribuèrent bien moins à dé-
cider le médecin dans ce choix, que l'expérience
qu'il avait acquise de son mode d'action sur l'esto-
mac, et les succès qu'il en avait obtenus dans le
traitement des fièvres périodiques essentielles.
Le 1 0 novembre , on donna , le matin , au malade
une pilule de la composition suivante :
Prenez : savon blanc, un gros ; oxide blanc d'ar-
senic, un grain ; pour 16 pilules.
Il but à la suite trois lasses d'eau gommeuse
miellée.
Le 11 et le 12, même prescription.
Le 13, suppression des pilules , vin amer le
matin.
Le 14, vin amer le matin, pilule le soir.
Du 15 au 20 , vin amer.
Le 23, une pilule.
Du 24 au 30 , huit gouttes d'éther suîfurique,
le matin et le soir, dans une cuillerée d'eau.
( 144 )
Le 1^^ décembre, séton à la nuque.
A son entrée à l'infirmerie , le malade pouvait à
peine manger le quart.
Le 6 novembre, il supporta la demi-portion.
Le 15, il demanda avec instance les trois quarls,
qu'il conserva jusqu'à sa sortie de l'infirmerie.
Après l'administration de la première pilule, le
malade dit qu'elle l'avait calmé. Le lendemain ,
vue plus distincte; douleur frontale moins forte.
A la suite de la troisième pilule , mieux sensible
sous tous les rapports , mais chaleur sourde à l'es-
tomac. La quatrième produisit de l'ardeur dans
cet organe, et la douleur du iront disparut entiè-
rement; la vue devint claire durant le jour, mais
resta un peu obscure le soir, à la lueur du flam-
beau , quoique bien moins que précédemment. Le
malade distinguait tous les individus dont aupara-
vant il ne pouvait pas reconnaître le nombre.
On suspendit l'usage des pilules , à raison de
l'ardeur qu'elles avaient produite dans l'estomac ,
et on leur substitua , pour soutenir l'excitation de
cet organe, une cuillerée de vin amer deux fois le
jour. On y eut encore recours , lorsque l'ardeur eut
passé. L'effet en fut tel , que la névralgie cessa en-
tièrement. La sensibilité des bulbes des cheveux ,
occasionée par le simple frottement, ne se fit plus
éprouver, et la vue se rétablit, au point que le ma-
lade put passer un fil dans une aiguille. Elle restait
cependant encore faible au coucher du soleil , et ne
recouvrait toute son étendue qu'au retour de cet
( «5 )
astre sur l'horizon. Un état si satisfaisant se sou-
tint jusqu'au 20 novembre. Le malade se plaignit
alors d'engourdissement à la tête, et d'une certaine
obscurité dans la vision. Craignant le retour de la
névralgie, on donna de nouveau une pilule, le 21 ,
qui produisit le plus heureux effet. Le calme fut
parfait : plus d'engourdissement , vue très claire ,
et , la nuit , sommeil aussi assuré que par un nar-
cotique. Le surlendemain, il fut administré une
nouvelle pilule, plus par précaution que par né-
cessité.
Pendant la durée de ce traiteuient, on a ob-
servé qu'à l'exception du premier jour, les pilules
arsenicales ont chaque fois produit à l'estomac une
légère ardeur, constamment suivie d'un soulage-
ment très marqué.
On crut devoir entretenir quelque temps en-
core l'excitation de l'estomac , à l'aide d'une sub-
stance moins énergique. On fit prendre, dans cette
intention, l'éther sulfurique, à dose modérée. Son
action était prompte ; le malade ressentait immé-
diatement à l'estomac, pendant quelques minutes,
une chaleur suivie presque aussitôt d'un bien-être
parfait : l'éther fut supprimé le septième jour. On
appliqua pour lors un séton à la nuque, afin d'as-
surer la convalescence. A cette époque, le malade
était guéri; il avait repris des forces avec l'appétit;
sa vue ne différait en rien de ce qu'elle était avant
sa blessure, et nul sentioient de douleur ne venait
troubler le calme dont il connaissait tout le prix.
( 146 )
Esche sortit de rinfirmerie le 9 décembre, reprit
la vie commune de la prison , revint deux mois
après, atteint du scorbut; guérit, sortit de nou-
veau , et n'a plus éprouvé le moindre symptôme
de sa première affection.
C'en est assez sur un remède avec lequel on
peut , comme on voit , obtenir des succès très re-
marquables , mais dont on est presque toujours
forcé d'interrompre l'emploi avant la guérison de
la maladie à laquelle on l'oppose , à cause des ac-
cidens qu'il détermine. Si l'on ne le rejette pas de
la thérapeutique , comme le voudraient des méde-
cins qui tombent peut-être dans un excès de pru-
dence , du moins n'en faut-il user qu'avec une ex-
trême réserve.
Il n'est point de médicament auquel on ait donné
plus d'éloges que n'en a reçus , depuis quelques
années , le sous-carbonate de fer contre les né-
vralgies de la face. Ces éloges sont assurément
bien mérités , puisqu'ils n'ont été donnés qu'à la
suite d'observations de guérisons bien positives ,
obtenues par son moyen ; mais il est fâcheux qu'on
n'ait pas publié, avec la même exactitude , les cas ,
nombreux sans doute, dans lesquels l'emploi de ce
médicament a été sans résultats avantageux. Cela
serait cependant nécessaire, pour qu'on sût lame-
sure de la confiance qu'on peut mettre en lui.
Hutchinson, qui dit avoir observé deux cents
cas de tic douloureux , eiuploie le carbonate de fer
( 147 )
dans tous les cas où il n'y a aucun symptôme in^
flammatoire ; il en donne depuis un demi-gros jus^
qu'à un gros avec du miel , trois fois par jour. Il
augmente progressivement les doses, et continue
le remède pendant des semaines ^ ; Witlcke en a
obtenu les plus heureux résultats. Il le donne à la
dose d'un scrupule avec cinq grains de cannelle ,
trois fois par jour. (Hufel. Joarn, 1828. T. I.)
Les journaux anglais abondent en observations
sur ses succès ; il serait superflu de les recueillir
ici. Nesse Hill, au contraire, n'en a retiré aucun
avantage ; Masius n'a pas été plus heureux , et
nous-mêmes , nous l'avons vu échouer complète-
ment, mais dans un cas qui lui était, il est vrai,
peu favorable, l'estomac du malade n'en pouvant
supporter que de faibles doses.
D . Traitement du tic douloureux à titre d'affec-
tion parement nerveuse,
La classe entière des anti-spasmodiques et des
narcotiques pourrait être indiquée ici ; et , de fait,
elle compte peu de remèdes qui n'aient été em-
ployés contre les névralgies de la face. Mais , dans
le nombre , il en est quelques uns qui ont échoué
moins souvent que les autres , et ce sont les seuls
dont nous ayons à nous occuper; chacun saura
retrouver les autres au besoin, dans les cas où il se
' Benj. Hutchinson, cases ofiievralgia spasmodica,com-
monly termed tic douloureux, succesfiillj treated. Londres,
1812.
( 148 )
verra forcé de mulLiplier ses essais et de varier ses
ordonnances. Nous les énumérerons dans l'ordre
que nous croyons être celui de leur efficacité rela-
tive.
Jasquiame.
A ce titre , nous plaçons en première ligne la
jusquiame noire; elle le mérite, si c'est principale-
ment à sa présence que les pilules de Méglin doi-
vent leur vertu; car le traitement recommandé
par ce médecin est certainement un de ceux qui
comptent le plus de succès. Mais pour les obtenir,
il faut ne négliger aucune des règles ou des pré-
cautions qu'il prescrit , soit relativement à la gra-
duation des doses, soit sous le rapport de la
constance qu'il faut mettre dans l'emploi du remède
jusqu'à ce qu'il ait fait cesser la névralgie , et assez
long-temps encore après qu'on a obtenu ce résul-
tat. Voici la manière dont Méglin formule et pres-
crit les pilules qui portent son nom :
Extrait de jusquiame noire \
— de racine de valériane sauvage > aa 9 ij
Oxide de zinc sublimé. ......)
Faites S. L. des pilules de trois grains.
Les malades commencent par une, et augmen-
tent progressivement, l'un jusqu'à six, l'autre
huit, l'autre quinze, etc., matin et soir , ayant soin
d'arrêter la progression dès que les pilules causent
( 149)
des nausées ou des symptômes d'une action trop
vive sur rencéphaîe.
Lœbenstein Lœbel a vu la jusquiame noire pro-
curer plusieurs guérisons ; M . Grimaud en a obtenu
les meilleures effets en l'associant avec l'extracto-
résine de gayac et le camphre ; le docteur Dance
s'en est servi plusieurs fois avec avantage; beau-
coup d'autres médecins ont vanté son efficacité;
mais d'autres aussi, et parmi eux Masius, l'ont
vue ne pas procurer le moindre soulagement.
Belladone.
Herber, Stark. Schlegel et Struenhagen, sont
les médecins qui ont le plus vanté Tefficacité de la
belladone contre le tic douloureux. Plusieurs disent
s'être bien trouvés de l'employer en lotions ou en
frictions sur la partie affectée. Nous l'avons essayée
ainsi chez deux malades, mais ni Fun ni l'autre n'a
pu supporter ce moyen , ou plutôt les douleurs
que causait le moindre contact n'ont pas permis
qu'il fût véritablement employé.
On peut choisir, pour l'administrer, entre la
poudre, qu'on donne àladose d'un à douze grains,
ou la potion suivante :
% Extrait de belladone gr. iij.
Eau distillée de laurier cerise 5 ij.
On en donne de à^v^ à vingt gouttes, et plus ,
progressivement.
150
Datara s tramoniimi ,
Reacl et Marcet ont publie plusieurs cas de gué-
risons obtenues par le datura slramonium. Je con-
nais plusieurs médecins qui assurent en avoir re-
tiré les plus grands avantages, et qui vantent, en
particulier, l'application des feuilles à Textérieur,
sous forme de cataplasmes. Les formes sous les-
quelles on a administré ce médicament, contre le
tic douloureux , ont du reste été assez variées.
Lentin employait la teinture suivante, qu'il ad-
ministrait à la dose de six gouttes chaque fois.
Seni. datât', stramon. 3 ij.
Vin. hispan. 3 viij.
Spirit. vin. 3j.
Digère per aliquot dies leni calore et filtra.
Velsen a vu la teinture de stramonium donnée
à très forte dose, jusqu'à produire les premiers
symptômes d'empoisonnement, guérir complète-
ment une prosopalgie très opiniâtre. ( Hufeland's
journal, 1823, t. 1.) Swan emploie l'extrait de
datura stramonium à la dose de un demi-grain à
deux grains, trois fois par jour. Kirkhoff préfère
employer, de ce médicament, la décoction de ses
feuilles qu'il donne jusqu'à produire la sécheresse
dans l'œsophage , l'obscurcissement de la vuje , la
dilatation des pupilles. Le même médecin en em-
( 151 )
ploie aussi la teinture à l'extérieur, sous forme de
frictions , ou les feuilles en guise de cataplasme.
Aconit.
L'aconit a eu des succès très divers. Wiidberg ,
Hufeland, Guilmann, en ont obtenu de très bons
effets. Schlegel, Harles et Masius n'ont pas eu le
même bonheur. On a cru remarquer que dans les
cas où l'aconit avait réussi , la maladie pouvait dé-
pendre d'un vice goutteux rhumatismal ou her-
pétique. Ce serait donc particulièrement dans des
cas de cette espèce qu'il faudrait y avoir recours.
Guilmann le combinait avec le soufre doré d'an-
timoine.
Assa Jœtida. ^
Dans les cas où ce remède a guéri la prosopal-
gie , il avait été employé concurremnaent av.ec
d'autres substances médicamenteuses plus ou
moins actives. Ainsi Jahn et Wiîdberg l'associaient
avec la ciguë, la valériane , l'opium , etc. Il semble
qu'on doive choisir pour l'employer les cas où le
tic douloureux est lié, ou du moins coexiste avec
quelque affection hystérique. Bréra l'emploie sous
la forme suivante :
% Assœ fœtîdœ . ] ,
r^ , • (ina scrupulum unum,
Castorei . . . ) ^
Extract, valerian, sylvesl^ drachmam
unam, Misce et fiant L a, boli num.
quatuor.
Sumantnr in die.
■m
( 152)
Caniph
re.
Le docteur Susemihl, au rapport de Masius ,
guérit presque sur-le-champ une prosopalgie d'ori-
gine rhumatismale, au moyen du camphre employé
à très haute dose. Il en donnait jusqu'à un scrupule
chaque fois, et répétait à plusieurs reprises. On
administre assez souvent, dans les hôpitaux d'An-
gleterre , les bols suivans :
% Camphre j anaSi.
Conserve de roses. ) ' J*
M. faites douze bols dont on prendra un toutes
les quatre ou cinq heures.
♦
Opium,
Il paraîtrait étrange que la liste des anti-spas-
modiques ou des narcotiques fût ici fermée , sans
qu'il y fut question de l'opium. Cependant, si l'on
ne considérait que le nombre infini de médecins
qui se sont plaints de son inefficacité, ou même
de la nullité de son action contre les névralgies de
la face, cette exclusion n'aurait rien que de fort
naturel. Toutefois, si l'on y réfléchit d'avantage,
on sera tenté de supposer que l'opium n'a reçu des
reproches beaucoup plus nombreux que tous les
autres narcotiques , que parce qu'il a été employé
infiniment plus souvent, contre une maladie qu'on
peut dire au dessus des ressources de la médecine
dans la majorité des cas. Quoi qu'il en soit, nous ne
( 153 )
tairons pas qu'on a vu quelquefois l'usage trop
prolongé de i'opium aggraver sensiblement le
mal.
E. Traitement par la méthode révulsive ou per-
turbatrice.
On peut encore placer, si l'on veut, dans la classe
des moyens rationnels, l'emploi des vésicatoires
et des moxas. Quoique Brieude , au rapport de
Thouret, recommandât beaucoup les vésicatoires,
presque tous les médecins qui les ont employés se
plaignent qu'entre leurs mains ils ont complète-
ment manqué leur effet. Ce n'est pourtant pas le
courage el la constance qui ont manqué ëans leur
emploi, car plus d'une fois on les a appliqués jusque
sur la joue, ce qui était acheter bien cher le peu de
soulagement qu'ils ont procuré.
On connaît trois ou quatre cas de guérisons par
le moxa ; mais tous sont dus à M. Larrey ; et Ton
sait que les confrères de ce chirurgien célèbre n'ont
pas toujours vu se reproduire dans leur pratique
les merveilles qu'il avait obtenues dans la sienne.
F . Traitement dirigé conti e les complica tions .
Ne pouvant tracer ici la marche à suivre dans
les cas de complications du tic douloureux , ce qui
serait faire l'histoire particulière du traitement de
toutes les maladies qui peuvent coexister avec lui,
en être l'effet , ou le tenir au contraire sous leur
( 154 )
dépendance , nous nous bornerons à dire que cet
objet mérite la plus grande considération, et qu'il
ne faut jamais négliger de combattre, par des
moyens appropriés, toute affection quelconque
dont le sujet névralgique peut se trouver atteint ,
tant légère soit-elle, et quelque étrangère qu'on
puisse la supposer à la maladie principale. On est
quelquefois étonné de voir une prosopaigie, qui
causait des douleurs horribles , disparaître en
même temps qu'une légère inflammation chro-
nique de quelque viscère, qui avait paru mériter
à peine qu'on s'en occupât. Il faut se tenir pour
averti à cet égard. C'est par cet avis que nous ter-
minerons tout ce que nous avions à dire sur la thé-
rapeutique rationnelle du tic douloureux.
Thérapeutique empirique.
Passons aux moyens que l'on ne peut recom-
mander qu'à titre de moyens empiriques , et dont
l'emploi ne se fonde que sur la considération des
succès qu'on en a obtenus, sans qu'on sache de
quelle manière ils ont pu agir pour les procurer.
Nous les distinguerons en médicamens qui s'ad-
ministrent intérieurement, et en apphcations ex-
térieures.
I. Médicamens internes.
Acétate d^ ammoniaque dissous dans Valcohol,
On lit dans un journal américain ( The new En-
gland Journal of Med. and Surgery; etc. T. IV.) ,
qu'un tic douloureux fut guéri par ce médicament.
( lâ5 ) ■
emplové à la dose de trente-cinq gouttes trois l'ois
par jour. Nous n'en connaissons point d'autre
exemple.
Antimoine , ou préparations antimoniales.
J. P. Frank, et son fils Joseph, ont guéri des
tics douloureux qui avaient résisté à tous les re-
mèdes , avec le suivant :
% Moschi optimi granam iinam.
Calomel ]
Salphiiris aarati antimo- \ sTa granmn semis,
nii. )
Sacchari grana sex.
M . S. cap. talem pulverem mane et vesperi.
Il e^t difficile de déterminer quelle est U subs-
tance la plus active de cette formule; mais l'essen-
tiel est de savoir que cette poudre a guéri , car,
dans l'incertitude , on peut toujours en composer
une pareille.
Cigiie.
La ciguë est un des premiers remèdes qui aient
été préconisés contre les névralgies de la face.
Fothergill,quine voyait dans ces maladies qu'une
affection cancéreuse déguisée, regardait la ci-
guë comme le seul moyen dans lequel on pût avoir
quelque confiance. Selle partait du même principe,
et professait la même opinion sur l'excellence du
médicament. Lentin ne le vit jamais guérir com-
plètement le tic douloureux , mais il le croyait très
( 156 )
propre à commencer la cure , et à favoriser Taction
d'un traitement ultérieur. Pujol , Jackson , Gess-
ner, Thileney, Jalhn, l'ont vu procurer la gué-
rison ; Siebold et Masius , beaucoup de soulage-
ment -, il a complètement échoué entre les mains de
Haighton , Schlegel , Blunt , Keup, Reil, etc.
Coccionella septem punctata.
Sauter est le premier qui ait employé ce médi-
cament. Ses observations sont assez remarquables
pour fixer l'attention des praticiens, et mériter
d'être répétées. 11 donne 20 gouttes de teinture
matin et soir, et en outre 20 ou 30 gouttes au dé-
but de l'accès. Jos. Frank en a observé de fort
bons effets. Je crois avoir lu dans le journal de
Hufeland plusieurs cas de guérison par le même
remède; mais je ne puis en ce moment vérifier
l'exactitude de mes souvenirs.
Hijdrochlorate de potasse.
Quand une foule de moyens avaient échoué ,
quand la section du nerf avait manqué son effet ,
J. Frank a guéri une prosopalgie avec Fhydro-
chlorate de potasse. Schaefer prescrit ce remède
ainsi qu'il suit :
% Kali muriatici exige- )
naH \'<£ei sesqaidragma?n.
Sacchari )
M» divide in X partes sequales. S. Ter quaterve
de die dosen cap.
( 15' )
J. Frank n'a jamais osé dépasser la dose de trois
grains d'hydrochlorale de potasse par prise.
Hydrocyanique (acide).
J. Frank , en donnant à un Russe, affecté de
prosopalgie , 25 gouttes d'eau distillée de laurier-
cerise au commencement d'un accès , réussissait
constamment à le faire cesser. Breitenbûcher cal-
ma d'abord et finit par guérir un tic douloureux au
moyen de l'acide hydrocyanique. Harles et Masius
n'ont obtenu que le premier de ces deux effets ; ils
parvinrent, au moyen de l'eau de laurier-cerise,
à rendre les accès plus rares , et à diminuer leur
violence. Du reste, l'énergie extrêmement varia-
ble de Teau de laurier-cerise doit toujours lui faire
préférer un médicament dont l'action soit cons-
tante, et puisse être toujours calculée par la pru-
dence. On donnera donc \ acide prussique médi-
cinal ào, M. Magendie, c'est-à-dire, l'acide prus-
sique préparé par le procédé de M. Gay-Lussac,
étendu de six fois son volume d'eau distillée. On
peut donner la potion indiquée par M. Magendie ,
ou le bol suivant, employé par Bréra :
Recipe hydrocyanat. potassae ferrugin. grana
quatuor ;
Acidi tartarici grana duodecim ;
Roob Sambuci Q. S.
Misée, et cum S. Q. pulver. liquirit. Gant L. A.
Bolinum. quatuor.
Sumatur unus tertia quaque hora.
( 158 )
Beaucoup de médecins allemands donnent aussi
la préférence à l'hydrocyanale de fer, et nous avons
vu nous-même employer avec succès la poudre
que voici :
% Hydrocvanate de fer. . . . )
-^ ^\ \ ana 2:r. xvni.
Sucre bianc \ ^ ^
M. divisez en trois paquets, à prendre dans la
journée.
Mercure.
Dans les cas où l'on croit avoir des raisons de
supposer que le tic douloureux a quelque rapport
avec une affection vénérienne coexistante ou anté-
rieure , il est naturel qu'on ait recours au spéci-
fique de cette affection. L'observation de Waton,
que nous avons rapportée , est un exemple de ce
genre. Fondé ou non, le motif qui déterminale
médecin à faire un traitement antisyphilitique fut
la connaissance qu'il eut que le malade avait eu
autrefois plusieurs maladies vénériennes. La gué-
rison fut , comme on l'a vu, des plus remarquables
et des plus promptes. On ne peut refuser d'en
faire honneur au mercure. Mais les cas analogues
à celui-là ne sont point les seuls dans lesquels
on ait employé ce médicament, et avec le même
succès. Weisse, comme on l'a vu dans une autre
observation , que nous avons également rap-
portée , a guéri une jeune tille chez laquelle on
n'avait nul motif de supposer une affection vé-
nérienne. L'auteur ne nous dit point d'ailleurs que
( 159 )
Stark , par les conseils duquel il avait employé le
mercure, se laissât guider par cette considération
dans l'usage d'un médicament auquel il attribuait
la plus grande efficacité , et dont il paraissait avoir
obtenu de nombreuses cures. Lentin et Haase en
étaient également partisans ; Haighton et Harten-
keil , au contraire , le regardent comme essentiel-
lement nuisible, parce qu'il accroît toujours, sui-
vant eux, l'irritabilité. Les opinions sont , comme
on voit, bien partagées sur l'utilité du mercure ;
mais il nous semble néanmoins, au milieu de ces
dissidences , que la majorité des faits autorise à en
espérer assez souvent de bons résultats.
Strychnme,
Naumann assure, dans son Manuel de méde-
cine clinique (T. I., p. 88. J, qu'on a obtenu de
bons effets de la strychnine , et il place ce remède
au dessus du data? a stramoniuvi et de l'acide
prussique. Nous rappellerons les formules sous
lesquelles M. Magendie prescrit ce médicament
héroïque :
% Strychnine bien pure 2 grains.
Conserve de cynorrhodon . . 1/2 gros.
Mêlez exactement , et faites 24 pilules bien égales
et argentées , afin d'éviter qu'elles ne se collent les
unes aux autres.
% Alcohol à 36o 1 once.
Strychnine ......... 3 grains.
( 160 )
Celte icinlure s'emploie j3ar goiiMes , de G h 24/
dans des potions ou des boissons.
Zinc (oxide blanc de).
L'oxide de zinc est une des parties actives ,
peut-être la plus active des pilules de Méglin , sur
reffîcacité incontestable desquelles nous nous som-
mes déjà expliqués. La plupart des journaux de
médecine , français ou étrangers , offrent des
exemples de guérisons obtenues par l'usage de ce
médicauient.
Je termine cette section, en citant le soas-car-
bonate de cuivre , avec lequel le docteur Key, et
avant lui, Richemont, ont opéré des cures remar-
quables.
IL M édicamens employés en frictions et en
lotions sur la partie ou siège la douleur.
Divers médecins anglais annoncent avoir ob-
tenu dans quelques cas une amélioration sensible
du tic douloureux , dans d'^autres , une entière
guérison, au moyen de l'huile de crotontiglium ,
employée en frictions à la dose d'une ou deux
gouttes.
L'huile de cajeput et celle de menthe ont été
employées de la même manière, et avec des résul-
tats variés : inutilement par M. Schlegel, avec
avantage par Josephi. L'éther sulfurique a souvent
produit un soulagement immédiat, mais non tou-
jours durable.
( 161 )
La teinture d'opium ainsi employée, a eu quel-
quefois plus d'effet qu'administrée à l'intérieur;
de même que l'extrait de belladone.
L'huile de jusquiame, ou les feuilles de cette
plante , ont réussi assez souvent.
Wedekind a guéri un malade par des lotions
faites avec une solution de sublimé corrosif.
C'est en frictions topiques que Weissè employa
le mercure chez la jeune fille qu'il guérit, et dont
nous avons rapporté l'histoire. C'est ainsi égale-
ment que l'employait, à ce qu'il paraît, son maître
Stark.
Bedingfield cite un cas fort remarquable , dans
lequel il paralysa en quelque so rte le nerf affecté ,
et fit cesser toute douleur par des frictions avec la
céruse.
Thilenius ne craignait pas d'appHquer de l'am-
moniaque caustique sur la joue , et de répéter le
remède jusqu'à ce qu'il y eût produit une escarre.
Il a trouvé aussi peu d'imitateurs que ceux qui
avaient recommandé des lotions avec de l'eau très
froide, ou des compresses imbibées d'un liquide à
une température fort basse.
Bains,
Les bains sont ordinairement employés avec
quelque avantage , mais aussi on en a souvent beau
coup abusé, fort inutilement, sinon avec de notables
iuconvéniens. Les bains de mer paraissent avoir
quelquefois procuré des guérisons solides. D'après
C 162 )
le peu de renseignemens fort vagues que nous
possédons sur les effets des eaux minérales contre
le tic douloureux, nous ne pourrions nous hasarder
à dire celles auxquelles on doit donner la préfé-
rence , ni jusqu'à quel point on peut compter sur
leurs vertus. Toutefois, il semble que ce serait les
eaux ferrugineuses qu'il faudrait d'abord essayer,
et ensuite les sulfureuses.
Electricité,
Que l'on lise le traité de Pujol sur le tic doulou-
reux de la face, et, pour peu qu'on ait l'imagination
disposée à céder aux illusions des hypothèses , on
pourra bien se laisser persuader que tout est fort
simple dans la thérapeutique comme dans la patho-
logie de celte affection , que l'on croit si obscures.
Selon le r^édecin de Castres , le principe de la sen-
sibilité, ou le fluide que le cerveau sécrète et que
les nerfs conduisent , ne saurait être autre que le
fluide électrique. La douleur ne peut venir que de
Faccumulation du fluide dans les rameaux de la
partie souffrante. L'organe affecté se trouve élec-
trisé positivement, et à un degré qui dépasse ce
que permet l'échelle variable de la santé. Tout se
réduit donc, en fait d'indications, à soutirer le fluide
exubérant , à électriser négativement la partiç. Il
n'y a de faux dans tout cela que les prémisses et,
la conséquence. Combien de fois pourtant n'est-on
pas parti de pareillçs données pour établir le trai-
tement des maladies les plus graves et les^ plus
( 163 )
dangereuses. On peut affirmer sans crainte, qu6
quiconque a eu la prétention d'expliquer la ma-
nière d'agir de rélectricitë non-seulement sur les
névralgies , mais sur le corps humain en général ,
s'est nécessairement jeté dans des rêveries de la
même force. Il n'y a qu'une seule explication rai-
sonnable de cette manière d'agir , c'est celle qui
consiste à dire qu'on ne l'explique pas. Et que
nous^importe, après tout, de savoir par quel mé-
canisme intérieur agit l'élecîricité. Ce n'est pas le
comment du phénomène qui nous intéresse , c'est
seulement sa réalité. On eût agi bien plus sage-
ment de consacrer à s'assurer de cette réalité et de
ses divers modes , le temps qu'on a perdu à la pour-
suite de quelques chimériques explications.
Le plus grand partisan de Félectrisation , Pujol,
n'a pas un seul fait à citer à l'appui de cette mé-
thode de traitement. Rahn n'en a retiré aucun
bon effet; cependant Reil , Biunt, Haighton et
Wildberg l'ont vu tantôt guérir, tantôt procurer
du moins^du soulagement. Les essais ont été peu
nombreux jusqu'à présent; il est à désirer qu'on
les multiplie , pour qu'on sache enfin à quoi s'en
tenir sur la valeur de ce moyen.
Acupuncture.
L'acupuncture promettait des merveilles il y a
quelques années ; peu de névralgies devaient lui
résister, mais c'était à une époque où elle avait le
privilège de tout guérir. Son honneur de panacée
( 164 )
universelle a été bien compromis depuis par l'expé-
rience, et le discrédit dans lequel elle est maintenant
tombée ne peut être comparé qu'à l'engouement
qu'elle avait alors inspiré. Il faut pourtant ne pas
oublier qu'elle a véritablement guéri un certain
nombre de névralgies ; qu'elle en a rendu d'autres
plus supportables , et qu'on n'aurait pas de motifs
suffisans pour se dispenser d'y avoir recours, quand
beaucoup d'autres moyens auraient échoué.
On en peut dire autant de V élec tro-puncture ,
combinaison des deux moyens précédens, à la
quelle quelques médecins ont trouvé plus d'effica-
cité qu'à chacune prise isolément, et que, à la vérité,
nous savons avoir, dans un cas, provoqué une no-
table augmentation des douleurs d'une névralgie
de la face.
Galvanisme, •
Narless , Leydig et Grapehgiesser ont fait du
galvanisme des essais qui n'ont pas été favorables.
Ritter, Quen et Chisholm ont été plus heureux.
Aimant,
Beaucoup de médecins regardentl'aimant comme
un moyen complètement inerte , sans aucune ac-
tion sur l'économie saine ou malade , et , par con-
séquent, comme un de ces remèdes du tic dou-
loureux desquels on peut dire qu'ils sont aussi
parfaitement innocens du mal que leur imputent
leurs adversaires que du bien que leur attribuent
leurs partisans. Quelques praticiens enthousiastes,,
( 165 )
au contraire , mettent l'ainiant au dessus de tout ,
et y trouvent un vrai spécifique contre les névral-
gies de la face. L'un n'est pas plus vrai que l'autre.
Si l'on étudie et si l'on pèse les résultats de l'expé-
rience , on trouve que les plaques ou armures ai-
mantées ont une action qu'on ne saurait contester,
mais que cette action n'est point telle que le pré-
tendent ceux de ses partisans que nous venons de
signaler. Au point où en est aujourd'hui la science,
on peut adopter, comme marquant avec justesse le
degré de confiance qu'on peut accorder à ce moyen,
les conclusions quctiraient à cet égard, de leurs
observations •j'^^ndry et Thouret, il y a près de
deux tiers de siècle. Des conclusions déjà si vieilles,
et qui sont encore justes , sont une espèce de dé-
menti donné à ceux qui prétendent que la médecine
a fait des pas immenses dans notre siècle , et que
son domaine a pris un aspect si différent de ce qu'il
était, que ceux qui le cultivèrent autrefois avec le
plus de gloire , auraient aujourd'hui de la peine à
le reconnaître ; mais quelque pénible que soit ce
démenti pour ceux qui croient à la perfectibilité de
la science, nous qui y croyons aussi, mais qui trou-
vons que ses progrès sont toujours peu rapides ,
nous n'hésitons pas à le proclamer, car la chose
du monde qui nous paraîtrait le moins propre à
exciter le zèle des découvertes et à encourager
l'étude, serait l'illusion qu'on chercherait à se foire
sur l'avancement de notre art et la proximité où il
est de la perfection.
( 166)
Nous dirons avec Thouret, et c'est tout ce qu'on
peut dire d'après les faits, que « l'aimant agit contre
« le tic douloureux avec un succès très réel, quoi-
« que assez faible. L'aimant n'agit que comme
« palliatif, comme ira moyen qui, dans les crises,
«calme au moins pour le moment la plus grande
« violence des douleurs. Ce n'est donc qu'un faible
« remède contre un mal très grave qu'il présente.
« Mais dans de pareilles souffrances , il n'est aucun
« moyen de soulagement , quelque léger qu'il soit,
« à négliger , et dans une maladie surtout dont la
« longue durée a bientôt mis le malade dans le cas
« de les avoir tous éprouvés avec une apparence
« de succès qui ne se renouvelle pas même toujours
« lorsqu'on en répète l'usage , on ne saurait assez
« en multiplier le nombre. »
Quant au magnétisme animal , nous dirons pour
ceux qui y croient , qu'on l'a vu souvent calmer
les plus violens accès, mais rarement guérir la
maladie, et pour ceux qui n'y croient pas, que
nous ne nous faisons pas garant de la réalité de ses
merveilles.
Traitement chirurgical.
Nous nous étendrions assez longuement ici sur
tout ce qui concerne la section du nerf affecté de
névralgie, l'un des moyens les plus puissans, ou
même le plus efficace de tous , dans les cas où il
est positivement indiqué, si, dans le courant de ce
travail, nous n'avions rassemblé les faits les plus
( 167 )
propres à montrer la valeur de celte méthode de
traitement , et si déjà nous n'avions trouvé en plus
d'un lieu l'occasion d'exprimer les principes sur
ksquels doit en être basée rapplication. Mais nous
voulons mettre fin à un travail qui a pris plus d'ex-
tension que nous n'avions le projet de lui en don-
ner. Nous nous bornerons donc à poser en peu de
mots les règles qui, suivant nous, doivent présider
à l'emploi du traitement chirurgical des névral-
gies.
Et d'abord , quant à la détermination des cas
qui le réclament , on ne peut regarder comme tels
que ceux dans lesquels une seule branche nerveuse,
bien isolée , au moins au point le plus reculé où on
puisse l'atteindre, est aifectée par le tic doulou-
reux. C'est dire que nous le proscrivons absolu-
ment dans les névralgies de septième paire. Et
quant aux branches ou rameaux si nombreux de
la cinquième paire qui peuvent être atteints, il n'y
en a que trois auxquels puisse jamais s'appliquer
ce traitement, le frontal externe , ou frontal pro-
prement dit, le sous orbitaire et le mentonnier.
Mais qu'on ne croie point qu'il suffise de recon-
naître que le mal siège dans ces rameaux nerveux
pour qu'on soit par cela seul autorisé à en faire la
section ; il faut avoir constaté qu'aucun rameau
placé plus loin que le lieu où doit être pratiquée la
division ne prend part à la maladie. Ceci mériterait
d'être développé ; mais nous nous en référons aux
réflexions du lecteur et aux remarques que nous.
( 168)
avons déjà faites en divers endroits de ce me-*
moire.
Nous regardons comme anti-rationnelles, comme
barbares , ( puisque aucun avantage n'en peut ré^
sulter ) , ces incisions qu'on a pratiquées au devant
de la région de l'oreille, sur les joues, souvent à des
profondeurs considérables, et dans toutes les direc-
tions ; incisions faites au hasard , car on ne s'était
point demandé d\me manière précise où était le
mal , et s'il était possible de le couper dans sa racine.
Nous ne qualifierons point ^opération hardie , à
l'exemple de divers journaux , mais à^ opération
extravagante , celle que pratiqua il n'y a pas long-
temps un chirurgien américain , et qui consiste à
aller faire la section du nerf maxillaire inférieur
avant son entrée dans le canal de ce nom. Nous
trouverions, s'il le fallait, vingt motifs pourjustifier
le jugement que nous en portons.
Une fois ce point bien arrêté, que l'opération ne
doit être pratiquée que sur les nerfs que nous
avons indiqués, il reste à déterminer suivant quelle
méîhode elle doit être faite.
On a à choisir entre trois : la section simple , la
résection et la cautérisation.
Si elles étaient toutes trois également sûres, il
n'y aurait pas à balancer; la première devrait tou-
jours avoir la préférence. Mais on sait qu'en général
un nerf coupé dont les bouts sont remis en contact
l'un avec l'autre, ne tarde pas à reprendre ses
fendions, et il est arrivé plus d'une fois qu'un tic
( 169 )
douloureux instantanément guéri par une simple
incision, n^a pas tardé à reprendre sa première
\:iolence. Il n'a pas toujours suffi pour prévenir ce
fâcheux résultat, de laisser longtemps ouverte et
de tenir en suppuration la plaie qu'on avait faite.
C'est pour empêcher à toujours la réunion du nerf
et le retour du mal qu'ont été employées les deux
autres méthodes.
La résection de quelques lignes dh cordon ner-
veux compte d'assez nombreuxsuccès, mais elle
n'est pas toujours bien facile à pratiquer , et elle
est fort douloureuse. C'est néanmoins celle qui
est maintenant adoptée comme méthode générale.
Quant à la cautérisation, la méthode la plus
simple de la pratiquer serait celle de Paletta. Il la
fait avec une lame mince de fer , convexe sur le
tranchant, rougie à blanc, et avec laquelle il pénètre
jusqu'à l'os. Mais ordinairement on s'y est pris
d'une autre manière : après avoir mis à nu par
une incision le nerf qu'on voulait détruire, on
apphquait au fond de la plaie un caustique qui en
désorganisait la surface et obligeait les deux bouts
du nerf à se cicatriser isolément.
Nous n'avons pas besoin de tracer sur tout cela,
des règles opératoires. On trouve dans les obser-
vations que nous avons empruntées à Haighton et
Leydig , à peu près tout ce qu'il est nécessaire d'en
savoir. Au surplus , on peut consulter les traités
de médecine opératoire.
( 171
TABLE
Pages.
Avant-propos i
Objet de ce mémoire 2
Synonymie du tic douloureux 3
Considérations générales 5
Aperçu historique ibid.
Hippocraie 6
Celse 7
Arétée 8
Co^ius Aurelianus 9
Galien ihid^
Médecins arabes 10
— du mojen-âge 11
— du 1 7« siècle ibid.
Strobelberger 12
Lud-wig ibid.
Degner 1 3
Hoffmann ibid.
André ibid.
Sauvages 1 4
FothergiU ibid.
Andrjr et Tho.uret i ibid.
Pujol. ibid.
Ecrivains de la fin du 18* siècle ibid.
— du 19**...., i5
Description de la maladie , *6
( 172 )
Nécessité des descriptions partielles de chacune des
formes de la maladie ihid.
Névralgies de la branche oplitlialmique de la 5e
paire * 1 8
Observation première. Névralgie de la branche oph-
thalmîque de la 5^ paire i^
Remarques sur cette observation 23
Observation ii. Névralgie de la branche lacrymale
de l'ophthalmique 24
Observation m 26
Observation iv. Névralgie frontale interne 21^
Remarques , ^^
Observation v 3^
Observation VI . Névralgie frontale externe, ou fron-
tale proprement dite 35
Observation vu . Névralgie frontale 3^
Observation VIII. Névralgie frontale f37
Observation ix. Névralgie nasale externe 38
Névralgies de la branche maxillaire supérieure ^o
Observation x . Névralgie dentaire postérieure ....... ^i
Observation xi. Névralgie dentaire postérieure zJ4
Remarques 4^
Observation xii. Névralgie sous-orbitaire 4^
Remarques 49
Observation xiii. Névralgie sous-orbitaire 5o
Observation xiv. Névralgie sous-orbitaire 55
Remarques '70
Observation xv. Névralgie du rameau lingual de la
branche maxillaire inférieure 71
Remarques - 72
Observation xvi. Névralgie du rameau maxillaire in-
férieur mentonnier 73
Observation xvii. Névralgie du rameau mentonnier. 75
( 173)
Page*.
Observation xviii. Névralgie du rameau mentonnîer. 76
Remarques 78
Névralgies de la -7^ paire , ibid.
Observation xix. Névralgie du nerf facial 80
Observation xx 81
Observation xxi 82
Observation xxii. Névralgie du nerf facial 83
Remarques ,,..., 88
Observation xxiii. Névralgie du nerf facial 89
Remarques * 92
Observation xxiv ibid.
Remarques. ..... é ^ 98
Observation xxv.. 99
Remarques -. 102
Névralgie mastoïdienne i o3
Observation xxvi. . : i o4
Remarques t 106
Description générale des névralgies de la face 106
Sym.pl6m.es ibid.
Espèces diverses 109
Type iio
Simples ou compliquées m
Diagnostic ii3
Ancienneté' de la maladie 116
Pays oh elle est connue 116
Age quij est le plus sujet 117
Causes externe s 1x7
— internes 118
Nature de la maladie 118
Digression sur ce qu'on doit entendre par ces mots :
connaissance de la nature d'une maladie 119
Ide'e qu'on doit se faire de la nature du tic doulou-
reux. I 2^
( 174 )
Pages.
ï)lJ TRAITEMENT DES NEVRALGIES DE LA FACE ÏI'J
Distinction de la thérapeutique des névralgies en thé-
rapeutique rationnelle^ et en thérapeutique empi-
rique 128
Thérapeutique rationnelle 1 28
A. Traitement fondé sur la considération de V état-
général du sujet 1 28
B. Traitement fondé sur la connaissance des causes
de la névralgie. — 1 3 1
€!. Traitement fondé sur la considération du carac-
tère :^ et sur celle du type de la maladie i35
Emploi de sulfate de quinine contre les névralgies ....*
intermitl sûtes.... • 1 3 ^
Emploi de l'arsenic 1 38
Observation xxvn 1 3^
Sous carbonate de fer 14"
D. Traitement du tic douloureux à titre d'affection ^
purement nerveuse... 147
Jusquiame. '4^
Belladone.... • '49
Daturastramonium. 1 5o
Aconit ' • 1 ^ ^
As sa fœtida • • • • l ^ '
Camphre ;..... ^^^
Opium.. • 1 ^^
E. Traitement par la méthode révulsive ou pertur-
batrice 1 ^"^
F. Traitement dirigé contre les complications i53
Thérapeutique empirique i54
I, Médîcaméns internes. i54
Acétate d'ammoniaque ^ ^4
Antimoine * ^^
Cigùe,
55
( 175 )
Pages.
CoccLonella septem punctata 1 56
Hfdrochlorate de potasse 1 56
Acide hydrocyanicjue 1 5^
Mercure 1 58
Strjchnine 1 59
Oxide de zinc sublimé 160
1 1 . Médicamens employés à Textérieur 1 60
Huile de crotontiglium. — Huile essentielle de menthe.
— De cajeput. — Éther sulfurique 1 6a
Teinture d'opium,. — Extrait de belladone. — Jus-
quiame. — Sublimé corrosif. — Céruse . — Am.m.o-
niaque 161
Bains 161
Électricité 162
Acupuncture 1 63
Galvanisme 164
Aimant 164
Traitement chirurgical 166
FIN DE LA TABLE.
Ï.^IPRÎMERIE ET FONDERIE DE A. PiNARD,
QUAI VOLTAIRE, N^ 15*
19.Y.9.
Considérations pratiques sur Ie183;
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